Semaine 25- 2004
Pétrole : ne pas tomber
dans le baril la tête la première
A longueur d'actualités télévisées, radiophoniques il n'est question que du
prix du baril. Mais 40 dollars pour un baril ça ne parle vraiment qu'aux initiés.
Pour le simple consommateur la seule unité de mesure est le prix du litre
de carburant à la pompe, un prix dont il subit passivement les évolutions
puisque la concurrence ne s'exerce qu'à la marge (quelques centimes d'euros
entre les supermarchés et les stations-service) et que tous les vendeurs augmentent
ou diminuent leur prix en même temps.
Mais on peut être impuissant face aux compagnies pétrolières et ne pas vouloir
mourir idiot.
Données de base :
D'où vient le prix qui est claironné à tue-tête par les médias ?
Vous avez raison et vous avez là la meilleure explication de la présence (en cours de prolongation) de 140 000 soldats US en Irak où les coûts d'extraction sont parmi les plus bas du monde et où un gouvernement local bien docile percevra une taxe inférieure à celle qu'exigeait le gouvernement de Saddam Hussein, le méchant. Le dit gouvernement sera d'autant moins gourmand qu'il n'aura pas à rembourser les dettes du régime précédent (voir discussions à la réunion du G 8)
Rockefeller, le fondateur
de la fameuse STANDARD OIL qui, bien que démantelée par la loi anti-trust,
a donné naissance aux compagnies géantes qui dominent encore le marché mondial
: EXXON, TEXACO, CHEVRON, AMOCO (aujourd'hui associé au britannique BP) avait
très bien compris cette situation :
"Dans le Big Oil, deux choses comptent : contrôler le gisement le moins cher,
et développer la consommation"
Le marché, avide de pétrole, insatiable, dans une économie qui est toute entière
organisée autour du pétrole, doit permettre aux producteurs les moins rentables
de vivre et donc le prix du marché est celui du producteur le plus cher. Celui
qui produit au plus bas prix fait fortune !
Le marché pétrolier n'est pas un marché normal. Il fonctionne comme le marché
de la drogue. Les clients : les sociétés industrialisées, sont droguées au
pétrole. Les dealers font la loi et le coût de production est un élément mineur
du prix final.
Les réserves épuisées
?
Une grande campagne est lancée autour du " peak oil ", en bref une sorte de
point culminant très proche à partir duquel la consommation dépasserait inexorablement
les réserves acheminant rapidement l'humanité vers la pénurie. On voit tout
de suite tout l'intérêt politique d'agiter un tel spectre : celui de la pénurie
d'énergie et de l'effondrement des économies. Rien de plus efficace que cette
menace apocalyptique pour justifier des méthodes de gouvernement autoritaires
et pour déclencher la guerre entre ceux qui ne vont plus avoir de pétrole
et ceux qui en ont encore.
Pour raison garder, il faut se souvenir que le pétrole, comme le gaz et le
charbon, est un combustible fossile et qu'il en existe une quantité géologiquement
limitée, première certitude.
Mais la seconde certitude est que cette limite est inconnue.
Depuis que le pétrole est exploité, des estimations des réserves ont été
publiées. Elles ont plusieurs caractéristiques permanentes :
Conclusion : tout grand
débat sur le pétrole est alimenté avec des données fausses, incomplètes ou
incohérentes. En pétrole, la politique : rapports de force, de domination,
secrets d'Etat, opérations militaires, opérations secrètes, domine tout.
Début 2003, nous étions des millions dans le monde entier à manifester pour
dire " Pas de sang, pour le pétrole ". Avec raison.
Le sang avait déjà coulé, en Indonésie, au Biafra, en Angola, en Algérie,
au Soudan, en Colombie et ailleurs, mais il a continué de couler et il coule
tous les jours en Irak. Car, en même temps qu'il suscite des guerres, le pétrole
les alimente. Il a fallu l'arrivée du pétrole pour que, depuis 1914, la guerre
moderne ait lieu simultanément dans les airs, sur la terre, sur et sous la
mer. Il a fallu le pétrole pour qu'un pays puisse en quelques semaines transporter
un corps expéditionnaire de 150 000 hommes, avec armes et bagages, dans un
autre pays éloigné de dix mille kilomètres, le bombarder et l'envahir.
Si l'on cherche comment arrêter le bain de sang, il est nécessaire de rêver
éveillé.
Premier rêve :
le pétrole est un bien commun de l'humanité et il doit être géré par une autorité
mondiale, indépendante des sociétés exploitantes et des Etats qui gérerait
ce patrimoine avec sagesse au vu et au bénéfice de toute la communauté humaine.
Deuxième rêve : on constate que le pétrole est le carburant de la mondialisation.
Le moteur à explosion, les nouvelles techniques (conteneurs) et la massification
des transports permettent de livrer chez le consommateur un bien produit quelques
semaines plus tôt à des milliers de kilomètres. Aujourd'hui un produit fabriqué
à un bout de la terre peut atteindre l'autre bout pour quelques centimes le
kilo, c'est-à-dire que la distance comme élément du prix est quasiment gommée.
En relocalisant les usines prés des consommateurs, on épargne le stock fini
de pétrole et on met un frein à la course aux bas salaires, à la concurrence
à mort entre les travailleurs et à la surexploitation.
Le Troisième rêve ne prend sens qu'une fois les deux autres réalisés,
c'est-à-dire une fois la confiance établie (ce qui suppose rien moins que
la mise hors d'état de nuire des menteurs et des exploiteurs) : nous commençons
notre cure de désintoxication pétrolière en limitant nos consommations car
il y a d'autres modes d'organisation de la communauté humaine, plus solidaires,
moins gaspilleurs, et d'autres énergies disponibles.
A défaut, face aux crises pétrolières à venir qui seront des crises politiques,
des gouvernements de plus en plus dictatoriaux nous imposeront des économies
à coup de crosses et de sanctions pénales et des minorités dirigeantes, brutales,
égoïstes et mortifères garderont l'or noir comme garantie absolue de leur
puissance et de leurs privilèges.
Ecole de Amériques
(SCOA) ou Institut de l'hémisphère Ouest pour les opérations de sécurité
Cette école, installée au Panama de 1946 à 1984, était chargée de la formation
des militaires, agents secrets et autres spécialistes chargés de supprimer
dans toute l'Amérique Latine les militants anti-impérialistes et de favoriser
l'accession ou le maintien au pouvoir de régimes répressifs soumis aux Etats-Unis.
Elle a formé plus de 80000 élèves et, selon un sénateur US, L'école des Amériques
est une école qui a formé plus de dictateurs qu'aucune autre école dans l'histoire
mondiale (on cite l'argentin Videla, le Panaméen Noriega, le bolivien Banzer,
les putschistes qui ont renversé Aristide en Haïti, deux dirigeant du coup
d'état manqué contre Chavez en 2002 et tant d'autres.
Elle avait produit des manuels de torture qui ont été supprimés en 1996 mais
des copies continuent à circuler et nombre des geôliers US en Irak, à Guantanamo
et ailleurs les ont bien assimilés.
Elle s'est repliée depuis à Fort Benning (Georgie) et a changé de nom. Il
s'agit désormais de "l'Institut de l'hémisphère Ouest pour les opérations
de sécurité ".
Certains élus au Congrès considèrent cette école comme déshonorante pour leur
pays et ont déposé un projet de loi pour sa suppression mais ce projet n'a
recueilli qu'une centaine de signatures et n'est donc pas prêt à être soumis
au vote.
Le Complexe militaro-universitaire
aux Etats-Unis
La guerre permanente nécessite une préparation permanente et la volonté
de domination militaire mondiale via une avance technologique toujours maintenue
exige bien avant la mobilisation des militaires eux-mêmes celle d'une fraction
de plus en plus importante du potentiel intellectuel national. C'est ce qui
ressort d'une étude réalisée par Nicholas Turse, un jeune doctorant de l'Université
de Columbia (New York).
Bien sûr, l'armée continue à organiser la formation de son personnel à tous
niveaux dans un système qui lui est propre et compte environ 150 établissements.
Mais parallèlement,il existe une Académie militaire permanente des Etats-Unis,
créée dés 1802 par Jefferson, qui vise à organiser un lien permanent entre
la science et la guerre, c'est-à-dire entre l'armée et les universités, et
le Pentagone dispose d'une " Agence pour les projets de recherche avancée
pour la défense " en abrégé DARPA. Ces liens se sont intensifiés depuis la
seconde guerre mondiale et les financements de recherches et recherches/développements
par le Pentagone vont croissant. De 91 millions de $ en 1958 à 258 millions
en 1964 ils ont atteint 66 milliards de $ en 2004.Si le plus gros de la somme
va aux industries d'armement, certaines universités reçoivent des sommes très
importantes. Ainsi le fameux MIT (Massachusetts institut of technology de
Boston) a-t-il reçu l'année dernière 514 millions de $ se situant au 48° rang
des fournisseurs de l'armée US et la John Hopkins University plus de 300 millions.
Ce sont plus de 350 universités qui travaillent pour le Pentagone et dans
certains domaines de recherche la Pentagone joue un rôle déterminant : 60
% du budget des recherches en engineering électrique, 55% de celui des recherches
en informatique, 41 % de celui des recherches sur la métallurgie (on pense
évidemment à tous les travaux ayant conduit à l'utilisation massive de l'uranium
appauvri), 33 % du budget des recherches en océanographie.
L'auteur de l'étude conclut qu'aujourd'hui le Pentagone a la capacité de modifier
l'ensemble du paysage universitaire, d'orienter les programmes de recherche,
de décider des cursus individuels et de contraindre les universités à se plier
à ses propres règles.
Pour lui, cette situation est grave car :
Si le quatrième point
laisse apparaître la crainte un peu corporatiste de voir les chercheurs civils
menacés par des terroristes, les trois autres montrent qu'une prise de conscience
est en cours aux Etats-Unis et que des citoyens découvrent que leur pays est
organisé en profondeur non pas pour promouvoir la démocratie mais la guerre.
La traduction intégrale de l'article de Nicholas Turse est disponible sur
le site Internet : www.oulala.com
Reagan : deuil et perte
de mémoire
La maladie d'Alzheimer frappe aujourd'hui 50% des étasuniens de plus de 85
ans et Ronald Reagan en souffrait donc comme nombre de ses concitoyens. Mais
ce qui est le plus frappant c'est qu'à l'occasion de son décès, beaucoup d'officiels,
de journalistes encore dans le force de l'âge aient aussi perdu la mémoire
et aient dressé de l'ancien président un portrait profondément retouché.
Quelques rappels et mises au point paraissent nécessaires.
Avant d'être élu Président, Reagan a fait son apprentissage politique sous
le Mac Carthysme. Il est à l'époque à Hollywood président du syndicat des
artistes et va organiser " la chasse aux sorcières " en dénonçant au FBI ses
collègues soupçonnés de sympathies communistes. En 1966, il est élu gouverneur
de Californie. Un autre acteur, médiocre, mais plus célèbre, suivra le même
chemin : Arnold Schwarzenegger.
Deuil national, funérailles retransmises dans le monde entier, rien n'a manqué
pour faire de la mort de Ronald Reagan, miraculeusement calée entre la commémoration
du débarquement de Normandie et la tenue du G 8 aux Etats-Unis même, un évènement
médiatico -politique à l'image de sa présidence.
En effet, avec le recul, l'arrivée au pouvoir suprême de cet acteur médiocre
apparaît comme le triomphe en politique de la "COM" et du marketing, c'est
à dire comme la propre négation du politique en tant que mise en œuvre raisonnée
de choix explicites pour faire face aux problèmes du " vivre ensemble " à
l'intérieur d'une nation et dans les rapports internationaux. Le chef d'Etat
est réduit à la fonction de bonimenteur. Le slogan remplace l'analyse, l'emballage
scintillant et " positif " cache le produit avarié, le cadrage, en plan américain
évidemment, du héros souriant masque ses bottes foulant des corps défaits
et ensanglantés, les fastes de la vie à crédit font oublier que la dette sera
remboursée par d'autres, la mitraillette dans le dos, loin des caméras.