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Bulletin 105

Semaine 31- 2004

Moldavie
La Moldavie, état indépendant surgi en 1991 des décombres de l'URSS, est un petit Etat coincé entre la Roumanie et l'Ukraine. Très pauvre, sans accès à la mer, il fait partie de ces zones incertaines de l'Europe orientale sur lesquelles, à chaque époque historique, les grandes puissances du moment ont tenté d'exercer leur domination. La nouvelle indépendance est donc éminemment fragile.
La Moldavie est un assemblage réalisé par l'URSS à la fin de la seconde guerre mondiale au moment où les troupes soviétiques avançaient vers l'Ouest. La plus grande partie de son nouveau territoire (province de Bessarabie et une partie de la Bucovine) est alors soustraite au royaume de Roumanie, allié des Nazis, auquel Staline ajoute une bande de terre enlevée à l'Ukraine. Le fleuve Dniestr, qui se jette dans la mer Noire, sépare la partie " roumaine " de la partie " ukrainienne " du nouvel Etat, d'où le nom de Transnistrie donné à cette partie. Les habitants de Bessarabie et de Bucovine parlent majoritairement le roumain (alphabet latin) ceux de Transnistrie le russe (alphabet cyrillique). Ajoutez à ce cocktail ethnolinguistique une petite minorité de chrétiens turcophones, les Gagaouzes, et vous réunirez les ingrédients d'un conflit intérieur à forte composante internationale puisque La Moldavie se situe aujourd'hui à la lisière instable de la zone d'influence russe et de l'occident (OTAN et Union européenne) qui poursuit son extension vers l'Est. Quand, en 2007, la Roumanie entrera dans l'Union européenne, la Moldavie, pays inconnu de la plupart des européens, sera frontalière de l'Union européenne. Dans la grande débandade post-soviétique, la Moldavie où le Parti communiste est, dans un processus électoral ouvert, resté au pouvoir, s'est efforcée à la fois de rester en bons termes avec la Russie en adhérant à la CEI et avec l'Occident en adhérant au groupe GUAMM. Ce groupe créé en 1996 par d'anciennes républiques soviétiques : Georgie, Ukraine, Ouzbékistan Azerbaidjan et Moldavie devait faciliter les relations de ses membres avec l'OTAN et l'OSCE et était encouragé à Washington. Depuis le basculement complet de la Georgie dans l'orbite des Etats-Unis, la cohésion politique du groupe est moindre et les cinq autres membres prennent leur distance.
Le domino moldave est donc convoité à la fois par Washington et par Moscou. Mais à vouloir se l'arracher des mains et à tirer trop fort dessus, les deux pays risquent fort de le déchirer. La ligne de fracture est d'origine et la Transnistrie, où campe depuis 1991 une forte armée russe et où est concentrée la petite industrie moldave, est en pratique une république autonome bien que non reconnue sur le plan international. Une proposition de fédéralisation, qui aurait en fait consacrée la partition du pays, a été élaborée par l'OSCE mais repoussée par les roumanophones en 2002 et le statu quo semblait maintenu... jusqu'à ce qu'en Juin 2004 le directeur de l'Institut de Stratégie Nationale de Moscou, M Belkovski, considéré comme un proche de Poutine, propose la disparition pure et simple de la Moldavie, les provinces roumanophones revenant à la Roumanie et la Transnistrie devenant un Etat indépendant, évidemment ami de Moscou.
La création d'une sorte de fortin russe avancé, bloquant la progression programmée de l'OTAN vers l'Est, est un projet inacceptable pour les Etats-Unis.
C'est pourquoi Rumsfeld a fait escale à Chisinau, la capitale moldave, fin Juin pour réclamer une nouvelle fois le départ de l'armée russe de Transnistrie, demande renouvelée quelques semaines plus tard par Colin Powell. Pas encore de recours aux armes mais la pauvre et fragile Moldavie devient un nouveau foyer de tension dans cette région du monde. Pour preuve cette déclaration d'Igor Smirnov, chef des séparatistes de Transnistrie " Entre l'Ossétie du Sud, la Tansnistrie et l'Abkhazie a été signé un accord qui prévoit que, le cas échéant, nous ne resterons pas sans réagir, nous accorderons à nos frères toute l'assistance y compris militaire. " On sait que l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie sont deux provinces de Georgie qui refusent de se soumettre à l'autorité du nouveau gouvernement géorgien et que celui-ci est désormais un allié docile des Etats-Unis qui assurent la formation et l'entraînement de son armée.
Une nouvelle guerre froide, d'un autre type car sans contenu idéologique, est commencée sur les rives de la Mer Noire.

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Un Koweït africain
Oui, il existe un Etat africain où la langue officielle est l'espagnol et qui est présenté depuis quelques années comme le " KOWEIT AFRICAIN ". Il s'agit de la Guinée équatoriale.
Ne pas confondre avec la GUINEE dite CONAKRY, ancienne colonie française ni avec la GUINEE-BISSAU, sa voisine, ancienne colonie portugaise.Cet Etat est une bizarrerie géographique puisqu'il est composé de deux îles une grande (Bioko) et une petite (Annobon) distantes l'une de l'autre de prés de 1000 kilomètres et séparées par d'autres îles qui constituent l'Etat insulaire de SAO TOME ET PRINCIPE et un petit morceau de territoire africain continental coincé entre le Cameroun et le Gabon. Ce petit pays, " découvert " par le navigateur portugais Fernando Po qui lui donna son nom, fut attribué au Portugal par le fameux traité de TORDESILLAS qui en 1494, deux ans après la " découverte " de l'Amérique, partagea le monde nouvellement colonial entre les couronnes d'Espagne et du Portugal. Ce traité, élaboré par le pape ALEXANDRE VI Borgia, donnait en gros à l'Espagne l'Amérique, à l'exception d'une partie du Brésil, et au Portugal l'Afrique et l'Asie. Il s'agissait officiellement, fonction papale oblige, de partager les terres à évangéliser mais comme toujours le sabre n'était pas loin du goupillon et la colonisation européenne du monde, forte de cette bénédiction quasi divine, pouvait commencer.
Les portugais, mal accueillis par les habitants, s'intéressèrent très peu à ce petit pays. Ils l'abandonnèrent volontiers aux espagnols par le traité du Prado signé en 1778 qui en échange leur concéda le sud du Brésil.Au départ. Les espagnols pensaient trouver là un réservoir d'esclaves pour leurs colonies américaines, mais l'évolution prit un autre cours lorsque leurs colonies américaines leur échappèrent. Ils s'installèrent donc vraiment et principalement dans l'île de Bioko, dont les terres volcaniques étaient d'une extrême richesse et qu'ils transformèrent en un gigantesque camp de travail réduisant la population locale en esclavage et important du Nigéria un important complément de main-d'œuvre esclave pour produire un cacao d'excellente qualité. Tout cela - esclavage compris- dura jusqu'en 1959.
Mais la Guinée espagnole n'allait pas échapper au grand mouvement de la décolonisation.
Après une période d'autonomie, la Guinée équatoriale accède, sous la surveillance de l'ONU, à l'indépendance en 1968.Depuis, elle a subi deux dictatures : celle de Francisco Macias, puis celle de son neveu Teodoro Obiang M'bazogo qui organisa un coup d'état militaire en 1979, accusa son oncle de démence et le fit fusiller. Mbazogo est toujours au pouvoir et son pays petit - environ 500 000 habitants - ne ferait pas la une des journaux si du pétrole n'y avait pas été récemment découvert.
En réalité, l'existence de réserves pétrolières était connue depuis les années 60 mais en raison des incertitudes politiques : décolonisation puis comportement instable du dictateur Macias vis-à-vis des compagnies étrangères, les investisseurs ne s'étaient pas précipités. Au début des années 90 tout a changé et le pétrole de Guinée équatoriale est devenue une quasi chasse gardée des pétroliers US : EXXON/MOBIL, MARATHON OIL, AMERADA HESS. L'exploitation a d'abord commencé au large de Bioko à proximité des champs pétroliers du Nigéria, puis ensuite au large de la province continentale, à proximité du Gabon.Au pétrole s'est ajouté du gaz naturel et aujourd'hui la petite Guinée équatoriale, quatrième exportateur africain de pétrole, produit environ 500 000 barils/jour destinés principalement aux Etats-Unis qui y ont beaucoup investi. La progression de la production a été telle que la Guinée équatoriale prend le chemin de fournir assez rapidement 25% des importations pétrolières des Etats-Unis. La comparaison avec le Koweït, petit pays regorgeant de pétrole et sans poids politique s'imposait.
Pourtant les relations politiques entre le dictateur Mbazogo et les Etats-Unis ne sont pas bonnes et pour cause d'atteintes aux droits de l'homme, l'administration CLINTON a fermé sa représentation diplomatique en Guinée. Mbazogo cherchant un appui que l'Espagne, l'ancien colonisateur, ne pouvait pas lui apporter dans les affaires politico pétrolières africaines, s'est alors rapproché de la France qui elle est experte en ce domaine. Il l'a fait de façon spectaculaire puisque le pays a adopté le franc CFA, monnaie commune des ex-colonies françaises, et qu'il a adhéré à la Francophonie, faisant du français la seconde langue officielle à partir de 1999. Pour autant, les pétroliers français n'ont pour l'instant pas réussi à prendre pied sur place.
C'est dans ce contexte qu'est intervenu au printemps 2004 un incident bizarre. Des mercenaires sud-africains - on sait que du temps de l'apartheid, ce pays s'était fait une spécialité de former des mercenaires experts en déstabilisations d'états africains hostiles au régime et que ces mercenaires continuent à exercer leur activité là où ils trouvent des clients, c'est le cas aujourd'hui en Irak - ont été arrêtés avec leur équipement sur un aérodrome au Zimbabwe alors qu'ils se préparaient à aller renverser le Président Mbazogo. Ils sont aujourd'hui en prison en Guinée équatoriale et leur procès est en cours d'instruction. Leur commanditaire serait, Severo Moto, un ancien chef de la Sécurité guinéenne réfugié en Espagne qui était en attente au Mali au moment de la tentative de putsch et qui aurait reçu l'appui de la marine de guerre espagnole et de ses commandos (Aznar était encore au pouvoir). Dernière bizarrerie : un des organisateurs de ce putsch manqué serait le fils de Margaret Thatcher qui vivait en Afrique du Sud dans la région du Cap et est aujourd'hui poursuivi par la justice sud-africaine.Trouvant sa situation un peu inconfortable, la famille de Mark Thatcher vient de s'installer à Dallas où l'on sait qu'un blanc très riche et très conservateur n'a rien à craindre de la justice.Mark Thatcher a lui été bloqué juste avant de s'enfuir.
Voici donc les ingrédients d'un nouveau roman politico-policier dont l'enjeu est certainement le contrôle de la manne pétrolière du pays et dont les fils sont tirés à Washington à Madrid à Londres (où Magie Thatcher s'agite pour protéger son rejeton et où siège une société pétrolière anglo-irlandaise qui travaille en Guinée) et à Paris. Avec aussi des rebondissements inattendus dans d'autres coins du monde : ainsi des poursuites sont engagées en Arménie contre des citoyens arméniens propriétaires de l'avion des mercenaires qui devait assurer le transport des putschistes.
Quelques données sur les conditions de travail dans le pétrole guinéen :
Les cadres étrangers des compagnies pétrolières (en majorité des Etats-Unis) sont installés dans des quartiers fortifiés dont ils ne sortent que pour les congés. La règle : un mois de congé après 28 jours de travail en continu sur les puits. Les salaires : de 10000 à 12000 dollars par mois. Les employés (cols blancs) sont surtout des philippins. Salaires : autour de 2000$/mois, logés et nourris avec billet d'avion pour retourner passer les congés au pays. Les ouvriers au bas de l'échelle gagnent entre 300 dollars pour ceux qui font du nettoyage et 800 dollars pour les chauffeurs et agents de sécurité.Ils sont africains mais peu sont guinéens. Au contraire le pouvoir accorde au compte-goutte ces emplois recherchés - on en compte un millier - et le reste de la main-d'œuvre vient du Cameroun, du Nigéria. Privée de droits, elle est surexploitée pour quelques dollars par mois.
Est-il besoin de préciser que la population de la Guinée équatoriale n'a toujours pas vu les bénéfices de ce boom pétrolier. Alors que, dans les statistiques, le PIB/habitant a été multiplié par dix en une dizaine d'années , l'argent du pétrole est resté dans les poches du dictateur et de ses proches qui l'ont placé dans une banque étasunienne : la banque Briggs.Cet argent permet entre autres choses de rémunérer grassement les mercenaires US qui assurent sa protection et qui sont commandés, tenez vous bien, par Carl Vuono, ancien chef d'état-major de l'US Army, rien moins.
Aucune amélioration n'a été apportée au système éducatif ni au système de santé national et l'espérance de vie en Guinée équatoriale plafonne toujours à 50 ans.

Guantanamo sur Hudson *
Bien que forte de 30000 hommes, la police new-yorkaise n'a pu que laisser déferler l'énorme et paisible manifestation (500000 personnes) anti Bush qui s'est déroulée le jour de l'ouverture de la Convention républicaine. Elle s'est par contre déchaînée les deux jours suivants contre des manifestants moins nombreux venus à l'appel de diverses organisations pacifistes ou anti- militaristes. Elle a procédé à des arrestations massives en utilisant des filets en plastique orange avec lesquels elle a procédé à des sortes de rafles de rue et aurait ainsi attrapé prés de 2000 manifestants. Ceux-ci ont ensuite été enfermés dans des cages surmontées de grillage à lames de rasoirs (modèle utilisé couramment par l'armée israélienne) et les cages ont été installées dans un dépôt d'autobus désaffecté. Aucune hygiène, sol couvert de cambouis, les conditions de détention étaient honteuses. Le maire républicain et milliardaire de New-York, Bloomberg, qui s'était félicité de faire " régner l'ordre " dans sa ville a dû baisser le ton face aux réactions de l'opinion alertée par tous les réseaux et les magistrats ont reconnu que les emprisonnés n'avaient fait qu'exercer le droit constitutionnel de manifester. Cependant les méthodes utilisées et la violence de la répression policière traduisent la très forte poussée réactionnaire de la classe dirigeante étasunienne.
*L'expression a été largement utilisée dans la brève campagne pour obtenir la libération des militants emprisonnés

L'armée française en campagne
Depuis le 9 août un général français commande les troupes de l'OTAN en Afghanistan : l'ISAF. Ces troupes sont en fait un détachement de l'EUROCORPS franco-allemand dont la tâche la plus immédiate et pas la moins délicate va consister à assurer la sécurité des élections présidentielles fixées au 9 Octobre. Aux dernières nouvelles, il circule en Afghanistan beaucoup plus de cartes d'électeurs que le pays ne compte d'habitants. Prudemment, les autorités de Kaboul, qui, avec le concours de l'ISAF, ne contrôlent toujours qu'une partie du pays, ont repoussé les élections législatives au Printemps prochain.
Depuis le 01 Septembre un autre général français commande la KFOR au Kosovo. Il a reconnu à son arrivée que la situation n'y était toujours pas stabilisée.
Inutile de souligner que les citoyens et les contribuables français ne reçoivent guère d'explications sur les objectifs et les activités de " leur " armée dans ces terres étrangères.

La citation de la semaine
In "La hache et le Violon" roman d'Alain Fleischer qui sort ces jours-ci.

"Je n'ai plus rien à espérer du Nouveau Monde. L'Amérique tout entière est un territoire incertain entre géographie physique et jeu vidéo. A vrai dire, l'Amérique est bien lasse, épuisée par ses inventions, par ses simulacres et par ses propres doubles, déçue de n'avoir eu raison que pour y perdre ses forces, sans le gain d'aucune reconnaissance universelle."
L'auteur parle évidemment des Etats-Unis.

L'armée US en Irak
Le sénateur républicain Mc Cain, challenger de Bush pour la candidature républicaine à la présidence, a précisé que, selon lui, l'armée US était en Irak pour 10 ou 20 ans et il a ajouté : "Nous sommes en Corée et en Allemagne depuis 50 ans, où est le problème ?"

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