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Bulletin 108

Semaine 41- 2004

Portrait rapide du nouveau patron de la CIA : Porter Goss
Il a bien fallu faire porter le chapeau des énormes mensonges d'Etat sur les armes de destruction massive de l'Irak, sur les liens entre Al Qaida et l'Irak, sur l'absence de réaction aux nombreuses alertes sur la préparation d'attentats pour le 11 septembre 2001. La CIA a fait l'affaire et son directeur Georges Tenet a été remplacé cet été par Porter Goss.
Le passé de ce personnage donne des indications très précises sur ce que l'équipe BUSH attend de ses services de renseignement.
Né en 1938, il fait des études de grec classique à l'Université de Yale. Il fait son service dans le renseignement militaire et dans la foulée est embauché par la CIA en 62. Il rejoint l'unité spéciale créée en Floride pour organiser la chute du régime castriste. Cette unité dispose d'énormes moyens : 500 officiers de la CIA et prés de 5000 collaborateurs cubains émigrés. Certains font un travail classique d'agent comme la collecte de renseignements, d'autres font partie des équipes opérationnelles chargées de conduire des opérations clandestines comme des tentatives d'assassinat dont Castro sera plusieurs fois la cible. Goss fait partie de ces équipes là. En 1970, victime d'une grave maladie, il quitte officiellement la CIA et s'installe en Floride. Mais, une fois guéri, l'affaire de location de bateaux qu'il monte alors lui laisse beaucoup de loisirs et il va rester dans les milieux du renseignement et rendre de grands services, clandestins cette fois. Il va donc participer à la déstabilisation des sandinistes au Nicaragua d'abord en tentant d'organiser l'assassinat avant les élections de 1979 de Daniel Ortega futur premier ministre, ensuite en participant à travers l'IRANGATE à l'équipement des escadrons de la mort. (Les tueurs réussiront par contre à tuer le frère de Daniel Ortega). A cette occasion ils nouera des liens étroits avec les petits frères BUSH, Neil et Jeb, et trempera dans leurs affaires financières douteuses (affaires DESTIN COUNTRY CLUB, SWISSCO et TOPSAIL DEVELOPMENT).Il aura également l'occasion d'intervenir à Haïti et à Saint Domingue et même en Europe de l'Ouest où il est chargé d'infiltrer les syndicats ouvriers. Membre de longue date du parti républicain, il commence ensuite une véritable carrière politique et se retrouve en 89 élu d'un comté de Floride (où il peut continuer à fréquenter assidûment les réfugiés cubains anticastristes) à la Chambre des représentants. Dans cette assemblée, il va se signaler par un vote systématique pour les textes les plus réactionnaires que ce soit sur la protection sociale, l'avortement et autres. En 94, il accède au poste de Président de la Commission parlementaire sur le renseignement. Inutile d'attendre d'un spécialiste des opérations clandestines, d'un fidèle du clan BUSH, qu'il favorise un contrôle parlementaire , pourtant légal, sur les activités des services secrets. Bien au contraire, GOSS, comme on dit, verrouille. Il est là pour ça ! Il ira même jusqu'à faire, dans l'exercice de ses fonctions, un commentaire méchant sur les méthodes de la CIA en disant qu'il la trouve " timide du revolver " (" gun shy ") (sous-entendu : de son temps on tirait plus vite !)
Il se signalera également comme un des organisateurs du vote ultrarapide et bâclé du Congrès sur les PATRIOT ACT I et II. (Le texte, élaboré en secret, inconnu des parlementaires, arrive dans la nuit de la Maison Blanche et est voté le jour même en procédure d'urgence).
En nommant PORTER GOSS à la tête de la CIA, BUSH a confié la direction de services d'espionnage US d'abord à un fidèle, ensuite et surtout à un véritable terroriste d'Etat.

Elections en Afghanistan : la démocratie casquée
Quel que soit le résultat des élections présidentielles et les enrobages sucrés qu'en auront fait les grands médias il ne faut surtout pas oublier que ce pays était et reste en état de guerre :

11 septembre 2001 : d'autres interrogations
Les groupes de recherche de la vérité sur les attentats poursuivent leurs travaux sur

Irak : la France s'engage avec l'OTAN, mais l'Ukraine se retire et la Pologne ne tardera pas à le faire
Après s'être beaucoup fait prier, la France a fini par accepter que l'OTAN s'engage en Irak en prenant en charge la formation de la future armée irakienne. Pour faire oublier ce ralliement peu glorieux aux exigences de Washington nos diplomates ont lancé l'idée d'une " Conférence internationale sur l'Irak " qui permettrait de parler de l'avenir de ce pays meurtri sans le laisser totalement entre les mains de l'occupant US.
Dans un premier temps il a été question d'une contribution française de 300 personnes au sein d'un organe de formation qui en compterait en tout 3000 et il a été souligné que ces 300 personnes ne seraient pas des militaires. Cette précision renseigne sur les intérêts en jeu. Former une armée ce n'est pas faire défiler des soldats au pas dans une cour de caserne c'est l'équiper et lui apprendre à utiliser les équipements qu'on lui vend. Dans la grande foire d'empoigne mondiale entre fabricants et marchands de canons, le marché irakien est un des plus prometteurs puisqu'il s 'agit de reconstruire une armée détruite. Ne pas participer à la formation de la nouvelle armée irakienne c'était donc laisser le marché aux concurrents. Dassault, Lagardère et consorts ont su le rappeler opportunément au gouvernement.
Dans le même temps, la coalition continue à s'étioler : L'Ukraine s'en va et la Pologne annonce qu'elle se retirera l'année prochaine.

Japon : remilitarisation en cours
Après la capitulation de 1945 et la mise sous tutelle par les Etats-Unis le Japon s'est vu interdire, par une constitution rédigée par le général US Mac Arthur, de faire la guerre à l'extérieur et de posséder l'arme atomique. Pour autant le pays n'a pas été démilitarisé et ses forces de défense, nombreuses, sont à la pointe des technologies militaires, nucléaire exclus. Sa politique militaire est cependant en voie de transformation sous l'impulsion du premier Ministre Koizumi.
Cette démarche est encouragée par les Etats-Unis, qui, s'ils agitent prioritairement la menace nord-coréenne, sont en réalité bien plus inquiets de la montée en puissance de la Chine et voient d'un bon œil la remilitarisation du Japon qui permettrait de partager la responsabilité et la charge financière d'un endiguement chinois. En fait, hors la question particulière de TAIWAN, il n'existe pas de menace d'expansionnisme militaire chinois et la seule menace est celle d'une conquête des marchés asiatiques par la Chine au détriment des USA et du Japon. Mais à Washington comme à Tokyo, on sait que au nom de la guerre contre le terrorisme et de la lutte contre la dissémination des armes de destruction massive, il est possible de se faire menaçant en se prétendant menacé.
- Pour ne pas brusquer ses concitoyens qui restent attachés au principe d'un non retour à une armée impériale conquérante, KOIZUMI prépare doucement le terrain à la grande révision stratégique. Il a réuni depuis 6 mois un comité d'experts chargé de lui faire des propositions dans ce sens. Les premières recommandations de ce comité sont aujourd'hui connues :

Ceci est une nouvelle indication des effets contagieux de la politique belliciste des Etats-Unis.

Concurrence nucléaire franco-étasunienne : MOX et ITER
Les partenaires du projet de réacteur expérimental ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) : Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon, Russie, Union Européenne devaient se mettre d'accord au printemps 2004 sur le lieu d'implantation de ce réacteur et sur le partage de l'investissement. Très bavards sur la première question puisqu'il fallait choisir entre deux lieux : Cadarache en France (département des Bouches du Rhône) et Rokkasho au Japon, ils l'ont été beaucoup moins sur la seconde. Par recoupement, il semble que l'investissement initial soit de l'ordre de 10 milliards d'Euros et que le pays retenu pour l'implantation doive contribuer plus que les autres. Peu d'indications par contre sur les frais de fonctionnement : l'expérimentation peut, selon les scientifiques proches du dossier, durer un demi-siècle et il n'est pas assuré qu'à ce terme, le passage à l'exploitation industrielle soit possible car il s'agit ni plus ni plus moins que de réaliser artificiellement en vase clos ce qui se passe dans le soleil : la fusion à chaud des atomes.
Pour le choix du lieu deux camps s'étaient formés au début de l'année après que le Canada se soit retiré.

Dans le camp " CADARACHE ", la France, principale puissance nucléaire européenne, tant civile que militaire, a continué à pousser activement le dossier et le Japon a fait de même de son côté. Aux Etats-Unis s'est créé à l'initiative du gouvernement une sorte de groupe de pression pro-ITER rassemblant chercheurs sous la houlette prestigieuse de l'Université de Princeton et industriels. En France, ce groupe de pression existe depuis longtemps puisque la filière nucléaire, pilotée et soutenue avec constance par l'Etat, est un des points forts de l'appareil productif capitaliste national.
Cette partie de poker vient de s'animer à nouveau : les deux joueurs ont annoncé à quelques jours d'intervalle, qu'en désespoir de cause l'intérêt supérieur du projet les conduirait à réaliser seul le projet si un accord n'était pas trouvé.On s'acheminerait donc vers la réalisation non pas d'un réacteur mais de deux et la dépense pour chacun d'eux serait divisée en trois au lieu de l'être en six. (En matière nucléaire, la rigueur financière semble être un concept inconnu). A moins qu'il ne s'agisse que d'un coup de bluff. En effet, en même temps que l'Union Européenne réaffirmait son soutien à la candidature " CADARACHE ", la présidence néerlandaise confirmait son souci de trouver un terrain d'entente. Or, dans toutes les disputes transatlantiques depuis 1945, les Pays-Bas n'ont jamais pris position contre les Etats-Unis.
Mais comme pour amortir cet éventuel choc financier, le camp " CADARACHE " se serait renforcé in extremis avec trois nouveaux joueurs : l'INDE, puissance nucléaire reconnue à qui, en l'occurrence il n'est pas fait reproche de sa non-adhésion aux traités de non prolifération nucléaire et au traité de renonciation aux essais nucléaires, la SUISSE et le BRESIL, puissance industrielle montante qui confirme son intention de prendre pied fortement dans le secteur nucléaire.
Cet engouement des Etats et de la France en particulier pour un projet coûteux, de très longue haleine et dont le débouché est incertain pose une série de questions :

Les simples citoyens peuvent eux s'émerveiller de la capacité de Raffarin et Sarkozy à doubler si facilement et si rapidement un budget !

LE BRESIL NUCLEAIRE
Le Brésil n'est pas un nouveau venu sur la scène nucléaire mais il pourrait y occuper progressivement une place de plus en plus importante.
Première donnée favorable : le sous-sol brésilien est riche en uranium - 6° réserves mondiales - comme en beaucoup d'autres. Ainsi le Brésil est-il aujourd'hui le premier producteur et le premier exportateur mondial de minerai de fer.
Sans être un des tout premiers vendeurs mondiaux d'uranium, le Brésil qui a crée une société minière d'Etat pour ce métal, est un exportateur et se trouve aujourd'hui en négociation avancée avec la Chine qui doit alimenter son programme de 11 nouvelles centrales nucléaires. Mais que vend-il précisément ? Certainement de l'uranium métal sous forme d'oxyde, mais peut-être aussi de l'uranium légèrement enrichi qu'il sait produire pour alimenter les deux centrales nucléaires nationales aujourd'hui en production en attendant la mise en service d'une troisième. Et cela inquiète les Etats-Unis qui savent q'un pays capable d'enrichir l'uranium peut assez facilement passer de l'uranium faiblement enrichi, nécessaire aux centrales, à l'uranium fortement enrichi utilisé pour les armes. En effet, l'équipe BUSH a changé de politique en la matière : elle s'oppose à la création de toute usine d'enrichissement d'uranium dans les pays qui n'en possèdent pas et veut les arrêter dans les pays qui en ont mais ne sont pas des alliés fidèles des Etats-Unis comme la Grande-Bretagne, le Pakistan et Israël et/ou des membres reconnus du club de la bombe atomique, comme la Russie, la Chine, la France, l'Inde. C'est au nom de cette nouvelle doctrine qu'ils tentent d'intervenir en Iran et en Corée du Nord et qu'ils se mettent à s'inquiéter de la politique nucléaire brésilienne. Le discours tenu est simple : vous avez besoin d'uranium enrichi pour vos centrales, achetez le sur le marché mondial (par exemple aux Etats-Unis mais aussi en Europe) mais ne le produisez pas vous-même !
Mais cette interdiction d'enrichissement de l'uranium est une décision unilatérale de l'administration BUSH qui ne ressort d'aucun traité international. Autant il est facile de la justifier auprès de l'opinion publique étasunienne par rapport aux Etats de " l'axe du Mal ", autant il est délicat de ranger le Brésil dans ce groupe après avoir laissé se développer l'industrie nucléaire brésilienne depuis des décennies, que ce soit sous les gouvernements civils ou sous la dictature militaire.
Mais la droite néo conservatrice se pose ouvertement la question de savoir si le Brésil de Lula est encore un pays ami. D'autant que Lula lui-même entretient l'ambiguïté. Il affirme d'un côté que son pays, signataire du traité de TLATELOCO de désarmement nucléaire de l'Amérique Latine, n'a pas de programme d'armes nucléaires mais de l'autre il fait remarquer en public que le désarmement nucléaire, pour être crédible, devrait être initié par ceux qui ont les arsenaux les plus énormes et qu'en attendant ce jour là la prolifération est difficile à éviter. Façon très claire de dire que le mauvais exemple vient d'en haut !
En même temps il joue avec les nerfs des Etats-Unis en laissant les inspecteurs de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique visiter les centrales nucléaires brésiliennes, ce qui est conforme aux exigences du Traité de non prolifération signé par le Brésil, mais en leur refusant l'accès à l'usine d'enrichissement qui n'est pas couverte par le traité.
Comme sur d'autres dossiers qui tiennent à cœur aux Etats-Unis : Zone de libre échange, subventions agricoles ... il tient des positions qui irritent à Washington, la classe dirigeante étasunienne commence à s'inquiéter.

Pas étonnant donc que Chirac et Lula n'hésitent pas à prendre des positions communes, opposées à celles des Etats-Unis, sur certains dossiers. L'annonce du ralliement du Brésil au projet ITER et à la candidature " CADARACHE " a d'ailleurs suivi leur rencontre à New York à l'ouverture de la session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Bien sûr, il a surtout été fait état de leur volonté commune (partagée avec les premiers ministres espagnol et chilien) de réduction de la " fracture sociale " mondiale, message évidemment bien plus " vendeur " que celui d'ITER. Il n'y aura eu que les français et leur mauvais esprit pour se souvenir que la réduction de la " fracture sociale nationale " annoncée par Chirac au cours de sa campagne présidentielle en 1995 s'est avérée être un des plus gros bobards de la cinquième république. D'autres se souviendront que sitôt élu et là ,sans l'avoir annoncé, Chirac fit procéder en violation des traités internationaux signés pas la France à des essais nucléaires dans le Pacifique. Ce qui démontre à l'envi que, derrière le bavardage électoral, le nucléaire est la pierre angulaire du capitalisme monopoliste d'Etat dans lequel vit la France.

Le MOX *, produit phare de l'industrie nucléaire française
Le spectaculaire contrat passé avec les Etats-Unis pour le recyclage de plutonium militaire en combustible pour les centrales nucléaires est un autre signe que l'équipe BUSH est en train de modifier la politique nucléaire étasunienne. Jusqu'à présent, depuis l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island (1979) et sous la pression de groupes écologistes très actifs, les Etats-Unis ont renoncé à construire de nouvelles centrales nucléaires et ils ont fait le choix de ne retraiter ni les déchets des centrales existantes ni le plutonium militaire retiré des bombes déclassées. Ils se sont contentés de stocker considérant que le mieux pour minimiser les risques est encore de toucher le moins possible à ces produits très dangereux et d'éviter le plus possible de les transporter. Ayant fait le choix inverse, l'industrie nucléaire française du retraitement et de fabrication du MOX s'est donc retrouvée en position dominante voire monopoliste sur le marché mondial. Ainsi nos nouveaux alliés suisses dans l'aventure ITER sont-ils de fidèles clients de nos usines de MOX (aujourd'hui à Marcoule - Gard). Les japonais sont également de fidèles clients du retraitement nucléaire français mais pas au point de se fâcher avec le parrain étasunien sur le dossier ITER. L'administration BUSH, qui méprise profondément toutes les thèses écologiques et leurs défenseurs, est en train de revenir sur cette politique. D'où le contrat de fabrication du MOX à Cadarache qui devrait, si le CEA fait la preuve de ses capacités techniques, déboucher sur la construction d'une usine de MOX aux Etats-Unis utilisant la technologie française, laquelle usine alimenterait de nouvelles centrales nucléaires à construire aux Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, concurrence oblige, le MOX made in USA deviendra alors un concurrent du MOX français sur le marché international.

* le MOX est une mélange de plutonium et d'uranium qui peut servir de combustible pour les centrales nucléaires à eau pressurisée moyennant quelques adaptations de celles-ci. Très utilisé par EDF, il est cependant considéré par les techniciens de cette entreprise comme un produit délicat et assez dangereux mais leurs inquiétudes n'affectent pas les dirigeants.

Des grandes bases militaires aux simples stations services
Le temps des énormes bases militaires US à l'étranger, comme il en existait en Allemagne de l'Ouest pendant la guerre froide, est bien terminé. La nouvelle doctrine consiste à installer des bases aériennes légères partout permettant d'envoyer très vite, dans les environs immédiats, des troupes aéroportées et de bombarder quelques objectifs dans des pays en général sans défense (ou avec des moyens très inférieurs à ceux de l'armée US). Parmi ces nouvelles bases, installées dans des pays amis, citons :

Une des dernières installations va avoir lieu à SAO TOME ET PRINCIPE, minuscule Etat d'Afrique équatoriale, qui comprend deux îles, compte 140000 habitants, et se trouve remarquablement placé pour surveiller l'activité pétrolière de ces voisins immédiats : Guinée Equatoriale, Gabon, Angola et Nigeria, c'est-à-dire les quatre premiers producteurs de pétrole du continent africain.

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