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Bulletin 110

Semaine 44- 2004

70 millions de morts
Le 12 octobre, les pays latino-américains célèbrent le "jour de la race" pour commémorer la "découverte de l'Amérique" par Christophe Colomb. L'appellation est malheureuse et chacun sait depuis que l'Amérique existait avant d'être "découverte" et qu'elle avait vu se développer avant 1492 des civilisation brillantes, dites " précolombiennes " expression elle aussi malheureuse qui laisse penser qu'il ne s'agissait que d'étapes précédant une phase supérieure.
Ceci est admis et mais ce qui est moins souvent écrit bien que le chiffre soit accepté par les historiens c'est que par le crime, la terreur, l'Inquisition et les maladies les européens ont fait périr 70 millions d'habitants de ce continent "découvert".
Pour plus de détails, lire la traduction française de l'article de JUAN RAGGI sur www.elcorreo.eu.org.
L'opposition entre descendants de colons post-colombiens et indiens rescapés du massacre n'a pas disparu et aujourd'hui encore les républiques andines où les indiens sont majoritaires sont des foyers de rébellion qui inquiètent les puissants (voir ce qui suit).

Une nouvelle guerre en préparation en Amérique du Sud
De 1880 à 1883La guerre du pacifique a opposé le Chili et la Bolivie. Le Chili en est sorti facilement vainqueur et la Bolivie y a perdu ses provinces riveraines de l'océan Pacifique. Elle est donc depuis un pays enclavé et la perte de cet accès à la mer, encore ressentie par la population bolivienne comme un grave échec, nourrit à un fort ressentiment contre le voisin chilien. Bien que dans les deux pays aient été élaborées deux versions opposées de ce conflit, chacun des deux belligérants affirmant avoir le bon droit pour lui, il reste que la bourgeoisie bolivienne s'est toujours occupée principalement des provinces de la cordillère et de la rente issue des mines d'argent et a marqué peu d'intérêt pour ces provinces littorales désertiques et où n'existait aucune ressource naturelle. Jusqu'à ce qu'on y découvre, au milieu du 19° siècle, des mines de salpêtre*, ce composant de la poudre à canon qui est également un excellent engrais et qui fut depuis mondialement connu sous l'appellation " Nitrates du Chili ". La bourgeoisie bolivienne ne s'y intéressa pas et petit à petit des travailleurs chiliens avec la bénédiction discrète de leur gouvernement vinrent extraire le salpêtre. La proximité de l'océan permettait l'exportation et la production fut bientôt prise en main par une société anglaise qui s'appropria les mines. Quand la Bolivie se réveilla et voulut reprendre le contrôle de son territoire elle se heurta à l'opposition conjuguée du gouvernement chilien, des capitalistes et des travailleurs chiliens qui s'étaient installés dans ces déserts et de l'entreprise anglaise en question ( MELBOURNE, STARK AND CO). Cette conjonction était trop forte et l'armée chilienne trop bien équipée pour l'époque pour que la Bolivie puisse sortir vainqueur du conflit. Elle fut donc battue et le Chili atteignit ses frontières nord actuelles en gagnant prés de 125000 km2 de territoire (¼ de la France environ) et prés de 900 Km de rivage. La Bolivie obtenait, modeste compensation, une garantie d'accès aux ports désormais chiliens de ses anciennes provinces.
Cette perte territoriale n'est d'ailleurs pas la seule dont ait pâti la Bolivie puisque depuis l'indépendance elle a du céder, soit en les vendant pour combler le déficit budgétaire, soit à l'issue de guerres perdues, des territoires importants à quasiment tous ses voisins : Brésil (à qui elle céda 300000 km2), Pérou, Chili et Paraguay (guerre du Chaco). Sans cela la Bolivie serait le plus vaste état d'Amérique Latine après le Brésil. Mais, les grandes puissances ont préféré s'appuyer sur des bourgeoisies nationales moins faibles que celle de Bolivie et ont abandonné ce pays, le recordman des coups d'Etat, à une instabilité permanente qu'explique la présence d'une très forte majorité indienne surexploitée qui se révolte régulièrement, se fait massacrer non moins régulièrement mais ne capitule jamais.
La pays est donc entré dans une nouvelle phase de révolte qui a débouché sur les émeutes de l'automne 2003, sur la répression militaire des manifestations qui a fait des centaines de mort et sur une crise politique qui a conduit le président SANCHEZ DE LOZADA à s'enfuir aux Etats-Unis pour sauver sa peau. Il a été remplacé par le Vice-président MESA qui depuis navigue à vue pour éviter de déclencher de nouvelles émeutes. Car le sujet qui a mis le feu aux poudres en 2003 : l'exportation de gaz naturel bolivien aux Chili et aux Etats-Unis, est toujours d'actualité.D'un côté, Les multinationales pétrolières concernées : principalement l'espagnol REPSOL et l'anglo-étasunien BP/AMOCO n'ont pas renoncé à leur projet, de l'autre la population bolivienne refuse tout à la fois de brader cette richesse naturelle et exige que la gaz soit en priorité valorisé sur place (avec du gaz naturel on peut chauffer, produire de l'électricité et alimenter une industrie chimique) et que ce ne soit pas " l'ennemi chilien " qui tire tous les bénéfices de ce gaz.
Entre ces deux forces opposées, MESA et la bourgeoisie locale font les funambules mais les forces extérieures n'ont pas l'intention de rester trop longtemps dans l'expectative. En effet, les conditions de rémunération de l'Etat bolivien par les firmes pétrolières internationales sont parmi les plus favorables du monde, si ce n'est les plus favorables (en moyenne mondiale l'Etat d'où sont extraits les hydrocarbures touche 5,6 $ le baril la Bolivie touche elle entre 0,97 $ le baril pour les contrats avec AMOCO et 1 $ pour les contrats REPSOL) et les réserves gazières boliviennes sont les plus importantes de toute l'Amérique Latine. A l'intérieur, l'opposition populaire au bradage des ressources naturelles nationales poursuit son action et a entrepris au parlement la procédure pour faire extrader et juger le Président en fuite, coupable, entre autres méfaits, d'avoir fait tirer sur le peuple en 2003. Cette éventualité fait bondir à Washington où il est considéré comme inacceptable que les anciens dirigeants, dictateurs et autres, latino américains réfugiés aux Etats-Unis se mettent à être jugés dans leur pays respectif pour toutes les horreurs commises contre leur peuple pour le plus grand bénéfice des multinationales US.
Donc le remplacement de MESA est d'ores et déjà en préparation. Comme à l'accoutumée, diverses méthodes sont envisagées : fomenter des troubles intérieurs en finançant une opposition - partie officielle pour le discours, partie clandestine pour les assassinats- préparer une équipe dirigeante alternative, essayer de diviser l'armée pour avoir les forces suffisantes pour un putsch et en dernier recours susciter, en montant une provocation quelconque, une agression militaire extérieure.
La mise au point de ce changement de régime a été confiée au meilleur expert mondial vivant de ce genre d'opération multiforme : Henri KISSINGER.
Depuis qu'il n'occupe plus de fonction politique officielle KISSINGER est à la tête d'un cabinet de consultants " KISSINGER MAC LARTY INC " qui défend aujourd'hui les intérêts des compagnies US qui veulent acheter le gaz bolivien. Ce cabinet effectue un travail d'ensemble :

Tous ces comploteurs tiennent des réunions régulières avec des chefs d'entreprise, des banquiers des Etats-Unis et des pays latino américains sous le titre " GROUPE DE TRAVAIL POUR LE DIALOGUE INTERAMERICAIN ". Ils soignent ainsi leurs relations en se préparant à leur prochaine arrivée au pouvoir par quelque moyen que ce soit.

A moins que le peuple bolivien et ses organisations populaires, qui sont bien au courant de ces préparatifs, ne les en empêchent.

*le salpêtre, nitrate qui, dans nos contrées, se trouve sur tous les murs humides, existait en Bolivie sous forme de véritables gisements exploitables à ciel ouvert.

ITER : acharnement thérapeutique
En attendant le choix définitif du site, s'il y a accord entre les deux camps, ou la décision définitive de l'UE en faveur de Cadarache s'il y a deux projets concurrents, pour la réalisation du réacteur expérimental, des scientifiques français viennent de rappeler que le gouvernement français en s'acharnant à défendre ce projet fait un choix imbécile.
Il s'agit de 3 physiciens enseignant à l'Ecole Normale Supérieure (Sébastien Balibar et Yves Pomeau) et à l'Université Paris VII (Jacques Treinier). Ils ont publié dans LE MONDE du 24/25 Octobre une tribune libre dans laquelle ils rappellent :

  1. que réaliser dans une enceinte confinée et en continu les réactions nucléaires qui se passent dans le soleil est un défi technique probablement irréalisable
  2. que la phase expérimentale durera au moins 50 ans
  3. que le coût annuel de cette expérimentation sera de l'ordre de 130 millions d'Euros alors que le budget annuel de la recherche scientifique dans tous les domaines de la physique et des mathématiques ne dépasse pas 57 millions et celui de la recherche pour les sciences du vivant, 65 millions.
  4. que l'Etat, comme il le fait en toute matière, se déchargera d'une partie de cette dépense sur les collectivités territoriales (région PACA) sans leur demander leur avis.

Il faut souligner que le maintien d'une recherche publique en France permet à des scientifiques comme ces 3 physiciens de s'exprimer librement et sans risque pour leur emploi. Le jour où les seuls spécialistes de physique nucléaire seront employés et leurs travaux financés par les firmes du lobby nucléaire, cette liberté de pensée et de parole disparaîtra. Tel est bien le projet de l'équipe gouvernementale actuelle.
Cette prise de position courageuse confirme que la volonté du gouvernement et du lobby nucléaire national de poursuivre ce projet quoi qu'il arrive est le signe d'un entêtement consternant. Dans le même temps l'industrie allemande s'installe dans une position dominante sur le marché mondial des éoliennes et l'industrie japonaise fait de même pour celle des capteurs solaires. Dans le même temps, ce gouvernement est trop couard et trop soumis aux multinationales pétrolières pour aider au développement de la filière éthanol, carburant produit avec des végétaux, filière qui peut démarrer très vite au prix d'une simple adaptation des moteurs à explosion et de la mise en culture des surfaces agricoles nécessaires.

Washington : La manifestation anti-guerre oubliée du 17 Octobre
Intitulée " Marche d'un million de travailleurs " cette manifestation était appelée par des organisations (syndicats locaux, parti Vert, associations de sans-logis de vétérans de l'armée,associations indiennes...) et des personnes (intellectuels, acteurs, quelques "élus) qui considèrent que, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle puisque Kerry veut comme Bush poursuivre la guerre, il leur faudra continue à agir pour le retrait immédiat de l'armée US d'Irak et que l'urgence pour le pays est de créer des emplois, d'améliorer le système de protection sociale et d'accroître les droits des travailleurs.
Le 18 octobre, les organisateurs ont décidé de poursuivre la mobilisation en faisant de la semaine du 3 au 10 Décembre (le 10 décembre est la journée mondiale des droits de l'homme) un nouveau temps fort.
La situation à Haïti a été la préoccupation de nombreuses délégations qui participaient à cette manifestation. Elles ont rappelé que le Président Aristide avait été renversé par un coup d'Etat le 29 Février et que depuis cette date des milliers de ses partisans ont été assassinés sous le regard complice ou indifférent des troupes étasunienne, française et autres intervenant sous mandat de l'ONU pour soi disant pacifier le pays alors que le nouveau pouvoir est contrôlé par les putschistes. Elles ont également souligné que l'aide US aux victimes des récentes inondations à Gonaïves s'était limité à 50000 dollars soit beaucoup moins que le coût d'entretien d'un seul des 3000 soldats de l'US Army présents dans le pays. Elles ont demandé la libération d'anciens dirigeants politiques comme l'ancien premier Ministre Yvon Neptune et le Président du sénat Ivon Feuille et des dirigeant syndicaux emprisonnés. Dans le même temps sont présents à Gonaïves pour soutenir la population 64 médecins cubains et, pour la Croix Rouge Internationale, 2 médecins norvégiens et 3canadiens.
De son côté le Président Aristide, aujourd'hui réfugié en Afrique du Sud a tenu une conférence de presse dans laquelle il a dénoncé les assassinats dont sont victimes ses partisans, soit au cours de manifestations trop durement réprimées soit carrément par des escadrons de la mort dûment encagoulés et jamais poursuivis.
Pour nos lecteurs lisant l'anglais ou l'espagnol qui veulent en savoir plus sur ce mouvement, voir http://antiwar4themillionmarch.org.
Pour voir les images de la manifestation du 17 octobre : http://dc.indymedia.org/feature/display/107031/index.php.

Si Buttiglione est un philosophe, alors Platon est un garagiste
Tel est la remarque faite par un italien sur un forum où étaient débattus les propos du peut-être futur commissaire européen ROCCO BUTTIGLIONE sur l'homosexualité, l'avortement et les mères célibataires qui ont suscité une telle levée de boucliers que devant le risque de voir la nouvelle commission européenne totalement rejetée par le Parlement européen, son Président, Manuel Barroso temporise pour essayer de sortir de la crise.
Les propos de BUTTIGLIONE n'ont pas surpris ceux qui le connaissent. Ce fondamentaliste catholique est membre d e l'Opus Dei, proche conseiller de Jean-Paul II et il n'a fait qu'exprimer des positions qui sont celles du Vatican ( BUTTIGLIONE a d'ailleurs été fermement soutenu par le n°2 du Vatican) et d'un courant politique qui est au pouvoir aujourd'hui en Italie, se trouve largement représenté dans la majorité des 25 pays membres de l'Union Européenne et dont BARROSO, qui fut lui-même un adversaire résolu de la libéralisation de l'avortement dans son pays lorsqu'il était premier ministre du Portugal, est très proche.
Donc

  1. il ne s'agit en aucune façon, comme ses défenseurs ont essayé de le prétendre, d'opinions personnelles de Monsieur BUTTIGLIONE
  2. ses positions sont largement partagées par les 25 commissaires de l'équipe BARROSO
  3. cette convergence idéologique de l'équipe BARROSO ne s'arrête pas aux questions de mœurs (couples, éducation sexualité ...) mais s'étend à l'ensemble du champ politique où les 25 se situent tous, à quelques nuances prés dans le camp des ultra-libéraux et des pro-Bush.

D'autres commissaires pressentis étaient aussi sur la sellette en raison de leur manque d'indépendance par rapport au patronat.
Nous joignons à ce bulletin la prise de position du député européen Francis WURTZ qui cerne bien le personnage BUTTIGLIONE et traduit bien le véritable climat de fronde qui s'est instauré sur cette question au Parlement de Strasbourg.

Wurtz (GUE/NGL). - Monsieur le Président, Monsieur le Président désigné de la Commission, est-il raisonnable de faire tomber une Commission parce que deux ou trois commissaires ne donnent pas entière satisfaction? Cette présentation de la situation par le Président désigné reflète, selon mon groupe, un diagnostic profondément erroné de la crise que traverse l'Union européenne.
La récente montée des critiques contre l'équipe Barroso ne constitue rien moins qu'un coup de tonnerre dans un ciel serein. Je rappelle qu'une partie non négligeable de l'hémicycle avait exprimé, dès le mois de juillet, sa défiance envers les options par trop libérales qu'incarne M. Barroso. Nul ne peut être surpris que le collège des commissaires qui nous est présenté ne fasse qu'exacerber toutes ces préventions. En plaçant au poste ultrasensible de la concurrence une passionaria de l'économie de marché, selon l'expression d'un analyste, une lobbyiste industrielle multicartes et adepte de relations douteuses entre responsabilités publiques et intérêts privés, au point d'avoir été sévèrement mise en cause par son parlement national, unanime; en nommant au commerce international un ténor du libre-échange, qui n'hésite pas à annoncer qu'il compte sur la concurrence pour améliorer la performance des services publics; en proposant le portefeuille du marché intérieur à un intégriste du libéralisme, celui de l'environnement à un conservateur, dont l'écologie semble être le cadet des soucis, et celui de l'agriculture à une partisane de l'agro-business, etc, etc., le Président désigné a sans doute fini de convaincre nombre d'hésitants qu'il nourrissait une certaine idée de l'Europe qui n'était assurément pas la leur.
Dans le contexte de cette contestation fondamentale des choix économiques, sociaux et environnementaux de M. Barroso, est venue exploser la bombe Buttiglione. M. Barroso nous avait dit qu'il attachait beaucoup d'importance à la communication. Le voilà servi. Un seul de ses commissaires désignés a valu la célébrité à toute sa Commission, mais à quel prix! L'image de son équipe, quelle que puisse être par ailleurs la qualité de certains de ses membres, est durablement entachée par des propos indignes et d'un autre âge, non sanctionnés comme il convenait. Avec des positions aussi fondamentalistes sur la place de la femme dans la société, et aussi discriminatoires sur les droits des homosexuels, un pays candidat serait recalé. La moindre des choses aurait été qu'un commissaire européen le fût également.
J'ajoute que d'autres déclarations de M. Buttiglione doivent aussi retenir notre attention, même si, ou plutôt d'autant plus que Conseil et Commission comptent en leur sein nombre d'adeptes de ces thèses dangereuses. Je pense à l'idée d'installer des camps pour les migrants et les demandeurs d'asile en Afrique du Nord, au sujet desquels M. Buttiglione s'est cru obligé de préciser qu'il ne s'agissait, je le cite "nullement de camps de concentration, mais de centres humanitaires". Merci de la précision. Je pense aussi à la vision guerrière de la lutte contre le terrorisme, dont M. Buttiglione s'est fait l'écho: notre société a peur, nous sommes en guerre, nous l'emporterons, a martelé le commissaire désigné, reprenant une antienne chère à l'hôte actuel de la Maison Blanche.
C'est l'ensemble de ces éléments qui doit guider notre décision demain. Jamais, depuis vingt-cinq ans que je vois se succéder les collèges de commissaires, je n'avais vu une Commission aussi mal aimée avant même son entrée en fonction. En vérité, ma conviction est que, après l'échec de la Commission Santer, puis le parcours mouvementé de celle qui lui a succédé, après la multiplication des contentieux de plus en plus vifs entre gouvernements et Commission, entre gouvernements entre eux, entre Commission et Parlement, après les nombreux et préoccupants signes d'"eurofatigue" parmi nos concitoyens - pour reprendre une expression qui a cours dans les nouveaux pays membres - et notamment après les élections marquées par une abstention record, et à la veille d'une possible non-ratification du projet de Constitution, ma conviction est que le syndrome Barroso qui va se traduire demain par une défaite historique ou par une victoire à la Pyrrhus, constitue un nouveau et puissant révélateur de la crise profonde d'une Europe sans vision et sans projet rassembleur.
Vivement une franche remise à plat pour redonner du sens à ce qui pourrait et à ce qui devrait être une grande et belle aventure de notre temps. C'est dans cet esprit que mon groupe, par décision unanime de ses dix-sept composantes, refusera demain son investiture à la Commission Barroso.

Les deux visages de Zapatero
Si les opposants à l'invasion de l'Irak ont pu se féliciter de la décision du nouveau premier ministre espagnol de retire ses troupes d'Irak (ce n'est pas si fréquent de voir des promesses électorales tenues et on savoure ce plaisir rare) ils ont tout lieu d e s'inquiéter de la réhabilitation de la Phalange espagnole qui a eu lieu presque simultanément.
En effet, la célébration de la fête nationale espagnole (le octobre en souvenir là encore de la " découverte de l'Amérique " par le génois Christophe Colomb, financé par Isabelle la Catholique, reine d'Espagne) a été marquée par l'invitation à la tribune officielle de représentants des républicains espagnols ayant participé à la libération de Paris dans les troupes de la 2° DB et de représentants de la Division Bleue. Si la présence de républicains et d'anarchistes dans les troupes du général Leclerc était connue en France et a été cette année plus largement évoquée, par contre les médias sont restés très discrets sur la Division bleue et ses survivants bien installés à la tribune officielle aux côtés du roi Juan Carlos. Cette Division bleue dont c'est la première réhabilitation publique a été créée par franco en 1941 pour apporter un soutien au régime nazi dans son offensive contre l'URSS. Bien que l'Espagne soit restée officiellement neutre dans la seconde guerre mondiale, ses liens avec le régime nazi étaient clairs et le massacre de la ville basque de Guernica en 1936 par l'armée de l'air nazie en reste le symbole mondialement connu. Franco voulut donc manifester clairement son appui à l'invasion de l'URSS. En cela il n'était pas bien différent d'une partie des bourgeoisies européennes et étasunienne qui déclaraient avant 39 préférer les nazis aux bolcheviques et dont certains éléments continuèrent à afficher cette préférence jusqu'à la défaite du Reich à Stalingrad. A cet égard, l'épisode du grand-père BUSH finançant l'industrie de guerre de Hitler et dont il a été beaucoup question ces derniers mois n'est aucunement un cas isolé.
La division bleue était composée de 19000 volontaires recrutés par la phalange, le parti fasciste constitué en 1933 par Primo de Rivera et qui devint après l'écrasement de la République le parti unique en Espagne de 1939 à 1975 A la fin de la guerre civile, la Phalange se montra particulièrement active dans l'extermination des républicains : anarchistes, communistes et socialistes qui avaient survécu aux combats ( il est couramment fait état de quelques 200000 exécutions et de 500000 emprisonnements). La division bleue prit part au siège de Leningrad aux côtés de la 250° division d'infanterie nazie. Quand la situation sur le front de l'Est se retourna, Franco fit revenir ses troupes mais 3000 volontaires voulurent rester et continuèrent le combat au sein de la WAFFEN SS sous le nom de Légion Bleue.
Répondant à des critiques au sujet de cette invitation, le Ministre de l'intérieur espagnol m. Bono l'a justifiée au nom de la réconciliation nationale en déclarant que si l'on écartait de la fête nationale tous ceux qui n'avaient pas soutenu la République il ne resterait pas grand monde. C'est effectivement faire comme si la guerre civile n'avait pas été la plus meurtrière des guerres civiles qu'ait jamais connu l'Europe, comme si la répression des républicains qui lui avaient survécu et ne s'étaient pas enfui à l'étranger avait été anecdotique, c'était mettre sur pied d'égalité les auteurs du coup d'état franquiste et ses millions de victimes. Bref, le néophalangiste Aznar, lui-même fils de phalangiste - le père était directeur de la radio franquiste - n'est plus au pouvoir mais les phalangistes sont à l'honneur et Zapatero est bien aimable avec eux.

Irak : l'argent coule à flots
Le FMI et la Banque mondiale ont tenu leur assemblée annuelle en début de mois. Il s'agit, rappelons le, d'une assemblée d'actionnaires et pas d'une assemblée de bénéficiaires. Ces assemblées ont confirmé leur refus d'annuler la dette des pays du tiers monde.
Par contre elles ont été très indulgentes vis-à-vis du gouvernement irakien, bien que celui-ci n'ait aucune légitimité et le FMI lui a accordé un prêt immédiat de 436 millions de dollars - qui fait partie d'une enveloppe globale de 6,75 milliards - en considérant qu'il y avait " stabilisation macroéconomique " (sic) * du pays et que les réformes si chères aux théoriciens du FMI, entendez : privatisation, fiscalité favorable aux investissements étrangers et le reste (air connu) étaient bien engagées. La Banque mondiale de son côté va prêter dés cette année 400 millions de dollars à valoir sur un crédit global de 5 milliards.
Si le FMI et la Banque mondiale sont si satisfaits de leur client irakien c'est que ces 836 millions de dollars vont retourner très vite dans les caisses des entreprises US ou amies qui sont aujourd'hui les seuls fournisseurs du gouvernement de Bagdad.

*ce diagnostic rassurant a été établi par une équipe d'experts constituée par le FMI, la Banque Mondiale, le trésor US, l'USAID et la Banque d'Angleterre (on n'est jamais si bien servi que par soi-même).

Les citations de la semaine
Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne espagnole encore en fonction en attendant la désignation de la commission Barroso, Parti Populaire, dans EL MUNDO :

"Tous espèrent la mort du président étasunien G.W. BUSH, c'est la seule voie vers la démocratie aux Etats-Unis"

M. Richard Boucher, porte-parole du département d'Etat :

"L'état de M. Bush nous importe peu, mais malheureusement il est d'une grande importance pour le peuple des Etats-Unis ..."

Il s'agit évidemment de deux pastiches mais il suffit de remplacer BUSH par CASTRO et Cuba par Etats-Unis pour retrouver les déclarations originales faites à la suite de la chute de Fidel Castro.

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