Semaine 52- 2004
IL FAUT ÉTEINDRE LA DÉMESURE COMME UN INCENDIE (HÉRACLITE)
Premiers enseignements
de la crise ukrainienne
Le spectacle médiatique
L'agitation " révolutionnaire " a duré 17 jours, s'est concentrée dans la
capitale, de loin la ville la plus riche du pays et a été animée par des membres
des catégories sociales moyennes et supérieures.
L'appel à la grève générale lancé dans les premiers jours par les leaders
des " Oranges " n'a pas été suivi, ce qui indique le faible enracinement des
" oranges " dans le monde du travail.
Pas plus que n'ont été suivis les appels lancés à l'armée pour qu'elle soutienne
les " révolutionnaires ". La tentative d'insurrection a donc totalement échoué
et le gouvernement a pris bien garde de ne pas recourir à la violence. Il
a géré le conflit en attendant que la baudruche " révolutionnaire " se dégonfle,
ce qui s'est fait assez rapidement tant l'absence mondiale de crédibilité
du gouvernement US rend désormais suspecte toute découverte subite d'un "
honnête démocrate " qui veut le bien de son pays -YUSHENKO n'a pas hésité
à annoncer la création de 5 millions d'emplois s'il était élu, grandiose promesse
pour un pays de 48 millions d'habitants qui montre qu'il ne reculait devant
aucun excès de langage - et qui veut le ranger dans le camp des " démocraties
exemplaires " qui , on l'observe, bombardent, envahissent et à l'occasion
truquent aussi les élections.
Dans le champ des puissants
Très vite pris la main dans le sac de l'ingérence permanente et prolongée
dans les affaires ukrainiennes, à travers les administrations gouvernementales,
les ambassades et les fondations privées truffées d'anciens espions et dirigeants
politiques, les Etats-Unis ont dû en rabattre sur leur objectif initial de
voir KOUCHMA et YANUKOVICH s'enfuir en laissant la place libre. Très vite
la campagne publicitaire pour YUSHENKO est apparue pour ce qu'elle était :
une fabrication douteuse et aux Etats-Unis on la minimise désormais en disant
qu'elle n'a coûté que 65 millions de dollars. Le chiffre est d'ailleurs sans
signification et n'a d'autre utilité que de démontrer que l'ingérence a été
toute petite car d'une part la véritable ingérence n'a pas commencé au moment
de la campagne présidentielle, elle est constante depuis 1991 car d'autre
part des fondations comme la " FONDATION POUR UNE SOCIÉTÉ OUVERTE " de George
SOROS ont comme règle de ne pas ouvrir leurs propres comptes.
Les compères les plus ringards : WALESA, GEREMEK, VACLAV HAVEL et même en
France un ancien ministre de GISCARD : STOLERU ont été appelés à la rescousse,
les serviteurs de Washington : le secrétaire général de l'OTAN, COLIN POWELL,
le président de la Commission européenne, le président géorgien, le premier
ministre polonais de concert avec le premier ministre lituanien, mus sans
doute l'un et l'autre par le souvenir du grand royaume polono-lituanien qui
s'étendait jusqu'à la Mer Noire ( Ainsi d'anciens dirigeants communistes rêvent
de royaumes évanouis) sont montés au créneau au nom d'une morale qu'ils ne
pratiquent pas.
CHIRAC et SCHROEDER se sont concertés sur le sujet et ont fait preuve d'une
certaine prudence quand ils ont compris que l'affaire était délicate.
Du côté russe, la réponse a été politique : propos très durs de Poutine sur
les donneurs de leçons démocratiques qui truquent leurs propres élections*,
doutes officiels sur le manque de crédibilité d'élections démocratiques en
Irak en Janvier 2005, propos d'autant plus remarqués qu'ils ont été prononcés
au cours de visites officielles en Inde et en Turquie. Deux visites doublement
significatives : le retour au pouvoir du Parti du congrès en Inde s'accompagne
d'un réchauffement marqué des relations entre Moscou et Delhi annonçant un
retour à l'alliance traditionnelle entre les deux pays alors que profitant
de l'après 11 Septembre BUSH et SHARON avaient rallié le gouvernement nationaliste
de VAJPAYEE à une politique " antiterroriste " qui était surtout une politique
antimusulmane. Quant à la visite en Turquie, la première d'un chef d'état
russe depuis 35 ans, elle a lieu dans un pays qui est le plus fidèle allié
des Etats-Unis dans la région alors que cet allié, et surtout son armée qui
occupe une très forte position politique et économique, s'inquiète du chaos
installé par BUSH en Irak.
S'est ajouté à ces critiques à distance un accrochage très vif entre COLIN
POWELL et SERGUEI LAVROV, ministre des affaires étrangères de Russie au sommet
de l'OSCE à Sofia. La Russie reproche à l'OSCE, structure mise en place en
1995 en application des accords d'Helsinki et qui devait favoriser la détente
en Europe, d'être un organe partisan qui génère des tensions entre les pays
membres de l'OTAN et ceux qui ne le sont pas. Cette critique avait déjà été
formulée mais elle a pris à cette occasion le caractère d'un incident diplomatique
et la Russie a annoncé qu'elle ne paierait pas sa part du budget de l'organisme.
Pour résumer la position de son pays LAVROV a déclaré :
" Maintenant que le mur de Berlin est tombé, l'OSCE paradoxalement construit des murs en son sein."
A Delhi, Poutine déclare " Même si une dictature est emballée dans une jolie phraséologie pseudo-démocratique, elle ne sera pas capable de résoudre les problèmes systémiques, elle peut même les compliquer. ",puis il précise " Des politiques basées sur les principes de caserne du monde unipolaire semblent extrêmement dangereuses " enfin il ajoute, à l'adresse des admirateurs de HUNTINGTON, "Les terroristes bénéficient du conflit des civilisations et des religions. Il faut que l'on sache que nos Etats multiconfessionnels (ndt : c'est-à-dire l'Inde et la Russie) et multiethniques ne seront pas brisés. "
Le point d'arrivée
temporaire
Après avoir temporisé, Kouchma a réussi un nouveau numéro d'équilibrisme :
il a échangé l'acceptation d'un troisième tour pour les présidentielles contre
une modification importante de la constitution.
Cette réforme constitutionnelle, votée à une écrasante majorité le 8 Décembre,
a transformé le régime, qui, de présidentiel qu'il était est devenu parlementaire.
Le nouveau gouvernement ne sera pas choisi et nommé par le Président mais
sera responsable devant le Parlement et donc renversable par le Parlement.
Composition du parlement
à l'issue des élections législatives de 2002
Le parlement ukrainien compte 452 députés issus d'un scrutin mixte inspiré
du système électoral russe :
Sièges
|
|||
Groupe
|
Total
|
ScrutinProportionnel
|
ScrutinIndividuel
|
Notre Ukraine (YUSHENKO) |
112
|
70
|
42
|
Pour une Ukraine Unie (KUCHMA) |
102
|
35
|
67
|
Non inscrits |
95
|
0
|
95
|
Parti Communiste d'Ukraine |
66
|
60
|
6
|
Parti Socialiste d'Ukraine |
24
|
20
|
4
|
Parti Social-Démocrate d'Ukraine |
24
|
19
|
5
|
Bloc de Julia Tymoshenko (alliée de YUSHENKO) |
21
|
21
|
0
|
Parti Démocratique d'Ukraine |
4
|
0
|
4
|
Total |
452
|
225
|
227
|
La transformation du régime
présidentiel en régime parlementaire va rendre la tâche de YUSHENKO difficile
s'il est élu le 29 Décembre.
Avec le groupe TIMOSHENKO, son allié le plus sûr, il dispose de 133 sièges.
Il est jusqu'à présent soutenu par un Parti Socialiste très pro-occidental,
mais cela ne lui donne pas la majorité. La position du parti Communiste d'Ukraine
qui à la proportionnelle nationale est le second parti du pays et qui s'est
tenu à l'écart de l'affrontement YUSHENKO-YANUKOVICH risque d'être déterminante.
*· Stoleru : conseiller technique au cabinet présidentiel de Giscard (74), secrétaire d'état dans les gouvernements CHIRAC (74) BARRE (76) et ROCARD (88), président de la Chambre de commerce franco-israélienne depuis 1993 il a été conseiller (en libéralisme et privatisations diverses) du premier président ukrainien KRAVTCHOUK.
La maladie de YUSHENKO
Que YUSHENKO, bel homme auparavant, ait eu un grave problème de santé
est indéniable au vu des dernières photos de son visage qui ont circulé sur
la toile où on le voit carrément défiguré. Qu'il ait été empoisonné à la dioxine
par les services secrets ukrainiens est une autre affaire.* Si la vérité sur
cette tentative d'assassinat doit être révélée un jour, elle ne le sera évidemment
pas avant le troisième tour de l'élection présidentielle. Ce qui compte pour
le moment c'est de poser YUSHENKO en victime pour émouvoir l'opinion publique
et permettre un nouveau rebondissment dans la crise ukrainienne au cas où
ce serait YANUKOVICH qui gagnerait les élections.
Sur le fond, cet épisode shakespearien où la lutte impitoyable pour le pouvoir
conduit, avec le plus grand des cynismes, au complot, puis peut-être au meurtre
s'il fait partie de cette histoire " pleine de bruit et de fureur et qui ne
signifie rien " ne nous fait jamais oublier que c'est l'histoire des peuples
qui nous intéresse au premier chef. Ceci étant, si YUSHENKO avait des ennemis
mortels décidés à utiliser de telles méthodes terroristes, quelles que puissent
en être les conséquences politiques, ils se seraient certainement donnés les
moyens de ne pas le rater. On peut d'autre part s'étonner qu'un ancien premier
ministre n'ait pas pris quelques précautions dans une campagne électorale
très tendue et promise à avoir un retentissement mondial.
Ironie de cet étrange épisode : c'est au moment où les vietnamiens victimes
de l'agent orange - contenant lui aussi de la dioxine- demandent des dédommagements
au gouvernement US que " L'AGENT ORANGE " YUSHENKO est victime de la dioxine.
Quelques membres de
la nouvelle classe dirigeante multinationale
La mondialisation affecte la classe dirigeante et, à l'image de ce qui se
passe dans les états-majors des entreprises multinationales où le personnel
de direction se déterritorialise (même si les propriétaires et les membres
des Conseils d'administration se recrutent encore sur des bases nationales),
il se constitue petit à petit une couche de dirigeants politiques dont les
parcours et les attaches sont transnationaux. Quelques exemples :
YUSHENKO, ancien représentant de l'Ukraine au FMI est marié à une étasunienne.
SAAKASHVILI le président géorgien, formé à Columbia University (New-York),
est marié à une citoyenne des Pays-Bas. Le leader des rebelles ivoiriens,
OUATTARA, n'est pas vraiment un maquisard, il a été vice-président de la Banque
Mondiale. Quant à la nouvelle ministre des Affaires étrangères de Georgie,
SALOME ZOURABACHVILLI, elle était jusqu'au début de l'année 2004 française
et haut fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères où elle s'occupait
de dossiers stratégiques au point de représenter la France dans des réunions
ministérielles de l'OTAN. Au cours d'une rencontre avec CHIRAC en Avril 2004,
SAAKASHVILLI a souhaité l'embaucher. CHIRAC a donné son accord et SAAKASHVILLI
lui a donc accordé aussitôt la nationalité géorgienne (qui était celle de
ses grands parents avant qu'ils n'émigrent en France). Elle a évidemment apporté
son appui à YUSHENKO en écrivant des articles en sa faveur dans la presse
française.
Un faux pas de BUSH
En nommant, en remplacement de TOM RIDGE, BERNIE KERIK à la tête du secrétariat
d'Etat à la Sécurité intérieure (Homeland Security) ce ministère créé en Janvier
2003 et qui emploie 180 000 personnes issues de divers services de police,
BUSH a fait un faux pas.
Le personnage était déjà très sulfureux : ancien garde du corps du maire sortant
de New York RUDI GIULIANI, il se trouvait à la tête de la police et des prisons
de NEW YORK le 11 Septembre 2001. Pendant qu'il était à la tête de cette administration,
il s'est signalé en organisant la vente de cigarettes aux prisonniers à des
prix supérieurs à ceux auxquels la fondation qu'il présidait les achetait.
Il était également actionnaire et membre du Conseil d'Administration de TASER
INTERNATIONAL, une entreprise qui vend des armes à la police. Il est aujourd'hui
associé à GIULIANI qui a monté une entreprise de consultants (GIULIANI PARTNERS)
en services policiers. A ce titre, il a sévi en Irak pour assurer la formation
de la nouvelle police nationale, il est intervenu à Mexico où GIULIANI PARTNERS
conseille les autorités policières. Un des membres de la Commission d'enquête
sur les attentats du 11 Septembre a qualifié son comportement à l'époque de
" scandaleux ".
Bref aux " gendarmes et au voleurs " KERIK jouait simultanément dans les deux
équipes.
Il fallait une bonne dose de culot ou d'aveuglement pour en faire un ministre
en charge de la chasse aux terroristes qui soit un minimum présentable. Ou
alors KERIK connaissait-il quelques secrets sur les bureaux de la municipalité
de NEW YORK qui étaient abrités dans la tour n°7 du World Trade Center qui
s'est écroulée toute seule le 11 Septembre 2001 après-midi .
Mais KERIK n'a fait que passer. Une semaine après sa nomination il a démissionné
au prétexte qu'il employait une femme de ménage étrangère sans papiers. Ce
petit scandale en annonçait sans doute de plus gros.
Moral en baisse dans
l'armée US
La prolongation de la guerre
en Irak et l'absence d'issue prévisible affectent en profondeur l'armée US.
Les signes de mécontentement se multiplient : comme pendant la guerre du Vietnam,
des insoumis se réfugient au Canada, les demandes du statut d'objecteur de
conscience se multiplient, des officiers refusent de rejoindre leur affectation
et font partager leur opinion sur cette guerre à la presse et aux élus locaux.
RUMSFELD qui rendait visite à des unités installées au Koweït (qui est devenu
la principale base arrière de l'armée d'occupation puisque l'Arabie Saoudite
n'a pas voulu jouer ce rôle) avant quelles rejoignent le champ de bataille
a été proprement chahuté par les soldats qui lui ont dit très clairement que
le Pentagone ne leur donnait pas les moyens de faire leur travail, que ce
qu'on attendait d'eux n'était pas clair, critiques qui ne portaient pas sur
le sens et la justification de cette guerre mais qui traduisent une méfiance
de plus en plus grande de la base par rapport à l'administration BUSH.
Un orphelin qui a de
la mémoire
Il s'appelle ROBERT MEEROPOL, il a 36 ans, il est citoyen des Etats-Unis et
son nom ne vous dira rien. Ses parents, ETHEL ROSENBERG ET JULIUS ROSENBERG
on été condamnés à mort pour conspiration et exécutés aux Etats-Unis en 1953
en pleine hystérie MacCarthyste. Simples militants du Parti Communiste américain,
ils ont été accusés d'avoir transmis des informations sensibles sur la bombe
atomique à l'URSS mais cette accusation précise utilisée dans la campagne
de diffamation orchestrée contre eux n'a pas été reprise dans le jugement.
Leur fils, qui s'est retrouvé orphelin à l'âge de 6 ans, a été élevé et pris
en charge par des militants qui avaient tout tenté pour prouver l'innocence
de ses parents. Il est donc lui-même militant et fort de la très cruelle expérience
qu'il a vécue il a décidé de créer un fond pour l'aide aux enfants de militants
victimes de la répression politique aux USA le " FOND ROSENBERG POUR LES ENFANTS
". Pour souligner la nécessité de son action, il a donné des exemples du nouveau
MACCARTHYSME qui sévit sous BUSH junior : il a observé qu'un rassemblement
pacifique comme celui qui se tient chaque année devant le siège de l'ex "
ÉCOLE DES AMERIQUES " qui a formé des générations de tortionnaires latino
américains, au lieu d'être sanctionné par une amende de quelques dollars a
été cette année puni de 9 mois de prison et que ZACHARIAS MASSAOUI, accusé
d'avoir participé à la préparation des attentats du 11 Septembre, a été condamné
à mort pour le même motif vague que ses parents : conspiration et que c'est
la première fois depuis 1953 qu'une condamnation à mort pour ce motif est
prononcée . Le nouvel attorney général (Ministre de la Justice) ALBERTO GONZALES
étant considéré comme encore plus réactionnaire que son prédécesseur ASHCROFT
et totalement dévoué à BUSH dont il a été le conseiller juridique au Texas
et farouche partisan de la peine de mort, le " FOND ROSENBERG POUR LES ENFANTS
" va avoir du pain sur la planche.
Elections législatives
à TAIWAN
Le parti du nouveau Président CHEN SUI BIAN (le parti démocrate) n'a pas remporté
les élections législatives et un parlement où son principal adversaire et
ses alliés sont restés majoritaires va l'empêcher de réaliser son projet de
modifier la constitution pour faire de Taiwan un état indépendant de la Chine
populaire. Cet échec est donc un facteur de diminution des tensions avec la
Chine. Il n'a pas été trop vivement déploré à Washington où le gouvernement
n'est pas prêt à engager immédiatement avec la Chine un bras de fer sur cette
question. Le paradoxe est que c'est le parti nationaliste, issu du parti chinois
de Tchang Kai Tchek, le Kuo Min Tang, farouchement anticommuniste à son origine,
qui ne souhaite pas envenimer les relations avec la Chine. Il est vrai que
les relations entre l'île et le continent se sont beaucoup intensifiées ces
dernières années, que les Taiwanais visitent la Chine en grand nombre, renouent
les liens avec leurs familles et leurs régions d'origine et que les échanges
commerciaux entre les deux pays sont aujourd'hui intenses.
Manœuvres militaires
communes Chine/ Russie en 2005
A la suite d'une visite du ministre russe de la défense à Pékin, les deux
pays ont annoncé que, pour la première fois, les deux armées feraient des
manoeuvres communes en 2005 sur le territoire chinois.
Il s'agit très clairement de préparer la résistance des deux pays qui ont
compris que la politique agressive de BUSH ne se limiterait pas aux pays de
l'AXE DU MAL mais qu'ils étaient les suivants sur la liste en qualité d'adversaires
historiques. Sous l'impulsion des Etats-Unis, la planète entière se prépare
à la guerre.
Les nouveaux ennemis
d'HUNTINGTON sont à l'intérieur
Après avoir lancé la nouvelle idéologie impériale : le choc des civilisations,
qui mettait en scène le face à face périlleux de la civilisation chrétienne
blanche et des autres et qui annonçait les croisades de BUSH, HUNTINGTON ce
grand dispensateur des angoisses des WASP- les anglo-saxons blancs protestants
qui dominent la scène politique étasunienne depuis 1776 - vient d'ajouter
un deuxième volet à son programme : après la lutte contre les civilisations
extérieures, il ouvre le front intérieur contre les Latinos.
Le constat de départ est simple : à l'inverse des autres populations immigrées
aux USA qui se sont fondues dans la marmite US et qui au cours de cette intégration
progressive ont abandonné la pratique de leur langue, les latinos de plus
en plus nombreux dans le Sud et l'ouest du pays continuent à parler espagnol.
Encore s'agit-il pour d'autres sociologues locaux de conclusions hâtives tirées
d'observations incomplètes. N'empêche ! HUNTINGTON y voit une manifestation
évidente d'un refus de s'intégrer et d'une remise en cause de la domination
sociale des vrais anglophones (ceux qui sont là depuis plusieurs générations
et descendent d'anglophones de naissance), comprenez les WASP. Parler espagnol
quand on débarque, avec ou sans papiers, du Mexique ou du Honduras est acceptable
mais continuer à le parler et dans certaines villes comme langue principale
à la deuxième voire à la troisième génération est donc pour notre concocteur
de guerres sociales un acte éminemment subversif. Les USA sont en danger !
HUNTINGTON a ouvert ce nouveau front de la guerre des USA contre tous dans
un article publié en Mars 2004 dans la revue FOREIGN POLICY et développe cette
nouvelle thèse dans un ouvrage non encore traduit en français dont le titre
anglais est " QUI SOMMES-NOUS ? " Il s'agit ni plus ni moins de définir les
caractères ethnolinguistiques qui différencient les citoyens des Etats-Unis
du reste de l'humanité au premier rang desquels figure la pratique exclusive
de l'anglais et du bon anglais.
Le problème est qu'HUNTINGTON n'est pas un zozo mais qu'il exerce sur la classe
dirigeante étasunienne une influence réelle hors de proportion avec la qualité
intrinsèque de ses analyses et que sa " découverte " fait écho aux inquiétudes
croissantes des dirigeants US sur la fronde des républiques latino américaines.
Irak : L'hypothèse
RITTER
SCOTT RITTER, l'ancien officier des Marines qui fut responsable des inspections
de l'ONU en Irak de 1991 à 1998 connait bien ce pays et il n'a pas hésité
à nier la présence d'armes de destruction massive au moment où l'administration
BUSH cherchait des prétextes à l'invasion. Il livre maintenant son analyse
de la situation en Irak : selon lui, la résistance est organisée par le parti
BAAS qui a réussi à coordonner tous les courants y compris les courants religieux.
Cette hypothèse a des bases solides :
Par ailleurs le BAAS qui était resté silencieux jusqu'à cet automne commence à diffuser des messages où il confirme l'hypothèse de SCOTT RITTER en faisant preuve de modestie et en disant qu'il fait son travail dans l'unité pour la libération nationale.
In Memoriam :
Le journaliste étasunien GARY WEBB, 49 ans, s'est suicidé le 10 décembre.
On lui doit la démonstration écrite des implications de la CIA dans le trafic
de drogue pour financer les contras chargés de déstabiliser le gouvernement
de gauche au Nicaragua. Sa longue et minutieuse enquête pour établir cette
connexion l'a fait rejeter du milieu de la presse étasunienne " bien pensante
". Son livre " DARK ALLIANCE: THE CIA, THE CONTRA AND THE CRACK COCAINE EXPLOSION
" publié en 1996 fait cependant autorité sur cette question. Les connexions
entre la CIA et la drogue sont maintenues mais ont pris aujourd'hui plus d'intensité
en Afghanistan.
Bonnes lectures
" Les intellectuels progressistes ne sont jamais aussi heureux que lorsqu'ils
peuvent, non sans un sourire condescendant, s'épancher sur la stupidité de
George W. Bush.
Ce que j'ai tenté de montrer est que Bush n'est pas plus un demeuré qu'il
n'est mal conseillé. Si l'on considère son point de vue et ses intérêts de
classe, on y trouve des raisons impérieuses à l'agression armée qu'il a lancée
contre l'Irak -et contre d'autres pays à venir. Il est temps pour nous d'envisager
ses assez efficaces tromperies et son implacable brutalité plutôt que de nous
étendre sur ses maladresses. Nombre de bons militants ont été vaincus à cause
de leur incapacité à comprendre correctement la malignité sans faille de leurs
ennemis. Mieux nous connaîtrons ce à quoi nous avons affaire, mieux nous pourrons
le combattre. "
Conclusion du livre de MICHAEL PARENTI, un des plus percutants penseurs progressistes
aux Etats-Unis, " L'Horreur impériale, Les Etats-Unis et l'hégémonie mondiale
" - Editions ADEN 2004
Cette conclusion ne prend que plus de force après la réélection de GW BUSH.