Semaine 01- 2005
KOFI ANNAN CONTRE BONHOMME
RICHARD
La catastrophe du Tsunami du Sud-Est a marqué une nouvelle étape dans le face
à face entre l'ONU et les USA. On se souvient qu'en Novembre 2004 KOFI ANNAN
avait déclaré dabs une interview à la BBC que la guerre d'Irak était illégale
et illégitime, propos qu'il avait repris à la tribune de l'ONU à l'ouverture
de l'assemblée générale et qui lui avait valu d'être ovationné par la salle.
Il a donc engagé à ce moment là consciemment une bataille pour sauver l'ONU
de la destruction par l'administration BUSH. Il a en même temps lancé une
réflexion pour réformer l'ONU et lui redonner une légitimité que BUSH POWELL
et les guerriers du Pentagone avaient entrepris de détruite en lançant la
guerre d'Irak.
En effet, la charte de l'ONU stipule, Article 2, alinéa 4, que " Tous les
membres doivent s'abstenir dans leurs relations internationales de la menace
ou de l'usage de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
de tout Etat ". La charte reprend un article du pacte BRIAN/KELLOGG signé
par le Président US COOLIDGE en 1928 et ratifié par le Sénat.
Le gouvernement des Etats-Unis a donc violé délibérément la charte de l'ONU
et ses propres lois et a commis en envahissant l'Irak le crime de guerre total
qui contient et permet tous les autres. L'attaque de Fallujah, qui, au dire
des spécialistes de la chose militaire a mobilisé 20000 hommes et se trouve
être la plus grande bataille terrestre depuis la seconde guerre mondiale,
est au sommet de la liste de ces crimes de guerre.
La réaction de l'ONU à l'annonce par BUSH de la mise sur pied avec l'Australie,
le Japon et l'Indonésie, d'une " coalition humanitaire " (expression inédite
qui ne peut sortir que de la bouche d'un dangereux militariste) a été rapide,
nette. L'ONU et toutes ses organisations : OMS, FAO, UNICEF, HCR se sont mobilisées
et KOFI ANNAN est allé afficher à DJAKARTA la prééminence de l'ONU, organisation
internationale, dans la conduite et la coordination des opérations de secours
et de reconstruction. Il a ainsi contribué à calmer les honteuses enchères
humanitaires auxquelles se livraient les gouvernements des pays riches et
les multinationales et JAN ENGELAND le responsable des questions humanitaires
de l'ONU a dit haut et fort ce qu'il pensait de la pingrerie de certains Etats
et a rappelé que les promesses d'aide humanitaire faites à chaud devant les
caméras de télévision n'étaient pas souvent tenues.
Montrés du doigt dans le monde entier, les Etats-Unis, pingres parmi les pingres,
ont vu s'étaler dans les journaux de la plupart des pays et même dans le leur,
les chiffres des sommes qu'ils consacrent à la guerre : en Irak, déjà 150
milliards de dollars dépensés et une rallonge prévue de 100 milliards ( avec
des effectifs augmentés récemment de 15000 hommes) et un budget total de la
défense qui approche les 500 milliards de dollars alors que KOFI ANNAN a estimé
les sommes nécessaires à la première phase de sauvetage des victimes du Tsunami
à moins d'un milliard de dollars. Partout dans le monde l'annonce d'une coalition
humanitaire par un pays qui a déjà causé la mort de 100000 irakiens depuis
Mars 2003 a suscité le dégoût. Washington a donc baissé le ton.
Pour autant la présence des Etats-Unis dans la région de la catastrophe est
à l'image de l'équipe qui dirige ce pays et de sa politique : elle est militaire
et elle est massive.
Outre le porte-avions nucléaire LINCOLN qui se trouvait en escale à Hong-Kong
et les bâtiments qui l'escortent, elle comprend une flotte dite pour les besoins
de la cause " d'intervention humanitaire " regroupée autour de BONHOMME RICHARD.
Quelques mots de présentation de ce " grand gaillard humanitaire " telle qu'elle
apparaît dans la littérature officielle de l'US NAVY.
Il s'agit " d'un navire d'assaut amphibie dont les mission principale est
d'embarquer, de déployer et de mettre à terre les éléments d'une force maritime
de débarquement dans des opération amphibies d'assaut avec des hélicoptères,
des chalands de débarquement, des véhicules amphibies et toute combinaison
de ces moyens "
" BONHOMME RICHARD a été conçu pour soutenir l'assaut depuis la mer contre
des positions défendues à terre. Il est capable de naviguer dans des conditions
difficiles et d'assurer la construction rapide à terre d'une puissance de
combat face à l'adversaire. "
Ce bâtiment de 250 mètres de long, armé par 1100 marins et officiers, embarque
:
BONHOMME RICHARD a six
petits frères aussi redoutables que lui. L'US NAVY possède également deux
très grands navires- hôpital mais ils ne sont pas venus.
Parti de l'île de GUAM, BONHOMME RICHARD s'est très vite rapproché des côtes
des l'île indonésienne de SUMATRA et y a déversé sa " cargaison humanitaire
". Ce débarquement s'est fait tellement vite que le gouvernement indonésien
en tant que membre de la " coalition humanitaire " n'a ni pu ni eu le temps
de s'y opposer et voici donc une nouvelle base militaire US installée dans
un pays avec lequel les USA étaient en froid ces dernières années. Bien sur,
il est prévu de distraire quelques marines pour l'aide aux populations sinistrées
à l'heure des actualités sur CNN. Les autres s'occupent de la rébellion de
la province d'ACEH dont l'armée indonésienne n'arrivait pas à venir à bout
malgré l'état de siège instauré depuis 2003 et qui menaçait des gisements
de pétrole exploités par EXXON. (L'armée indonésienne s'équipait régulièrement
aux Etats-Unis mais le Congrès US ayant jugé que le régime indonésien était
trop corrompu a suspendu l'aide militaire. Heureusement, les fournisseurs
britanniques ont aussitôt suppléé les marchands d'armes étasuniens.)
Le gouvernement indien méfiant a refusé cette intervention US qui aurait,
comme par hasard, concerné les îles ANDAMAN où l'armée indienne possède une
base aérienne stratégique assurant la surveillance de tout le golfe du Bengale.
Quarante mille morts
à la Martinique
Le 8 mai 1902 la Montagne Pelée fait éruption et dans la journée la ville
de Saint-Pierre, alors capitale de l'Ile, est ensevelie. Bilan de la catastrophe
: 40000 morts. La bourgeoisie créole qui vivait à Saint-Pierre et exerçait
le pouvoir sur l'île est décimée. Cette quasi disparition de la classe dirigeante
laissera un nouvel espace politique aux descendants des esclaves africains
dont les revendications autonomistes et indépendantistes pourront s'exprimer
plus librement.
La veille de l'éruption, alors que déjà le volcan fait entendre de sourds
grondements, le gouverneur réunit une commission " d'experts " qui déclarent
qu'il n'y a aucun risque. Aucune précaution n'est donc prise et la population
promise à la mort.
Sitôt après et à l'échelle des moyens de l'époque une vaste opération humanitaire
est lancée par les colonisateurs européens : français, anglais, allemands
espagnols étasuniens ... installés au voisinage dans la Caraïbe.
Le 15 Mai, une journaliste, qui deviendra célèbre, publie dans un quotidien
allemand un article où elle dénonce la soudaine fièvre humanitaire qui s'est
emparée des colonisateurs et leur brusque fraternisation dans l'organisation
de l'aide aux sinistrés. Elle ne peut oublier les violences que ces mêmes
" humanitaires d'un jour " ont exercé sur leurs esclaves ni leur sanglante
concurrence guerrière pour se partager la planète ( concurrence qui culminera
dans la première guerre mondiale). Elle s'appelle ROSA LUXEMBOURG.
Elle termine son article par un long cri contre l'hypocrisie des puissants
:
" Et maintenant les voilà tous penchés sur la Martinique, d'un seul cœur et d'un seul esprit ; ils aident, ils secourent, ils sèchent les larmes, ils réparent les dégâts du volcan. Oh Montagne Pelée, géant au grand cœur, tu peux rire, tu peux abaisser ton regard avec répugnance sur ces meurtriers bienveillants, sur ces carnivores larmoyants, sur ces fauves habillés en bons samaritains. Mais un jour viendra où un autre volcan fera entendre sa voix de tonnerre, un volcan qui s'agite et bouillonne et qui effacera de la surface de la terre cette culture de petit saint couvert de sang. Et c'est seulement sur ces ruines que se rassembleront les nations en une humanité véritable ".
ROSA LUXEMBOURG a très bien compris que les bourgeoisies impérialistes sont impitoyables et féroces. Elles lui en administreront la preuve en la faisant assassiner à Berlin en 1920.
A quoi servent les
ONG ?
Nous ne pouvons que renvoyer à l'excellente analyse de l'écrivaine Arundathi
Roy publié par le Monde diplomatique de Novembre 2004 (site www.mondediplomatique.com).
Par ailleurs retenons le propos d'un responsable d'une ONG au Nicaragua repris
dans un article de la revue ALTERNATIVES SUD intitulé " Interventions humanitaires
et état néo-libéral ".
Il déclare : " Chaque fois que nous embauchons un infirmière, le gouvernement
en licencie cinq ", montrant ainsi que les politiques de privatisation imposées
dans les pays du tiers monde par le FMI la BANQUE MONDIALE et par les pays
qui financent ces deux organisations à commencer par les USA, actionnaire
principal conduisent à la destruction des services élémentaires à la population
que devrait assure l'Etat et laisse les ONG " faire la charité ".
Les pays victimes du tsunami et leur population ont tous subi à des degrés
divers le choc néolibéral. Ils ont aussi subi en 1998 une grave crise financière
qui les a beaucoup appauvris (la monnaie indonésienne a été dévaluée de 80%,
la thaïlandaise de 50%) et ils sont gouvernés par des équipes qui sont complices
du néolibéralisme, s'enrichissent honteusement au détriment de leur peuple.
Ils ne se sont donc pas donnés les moyens de prévenir la catastrophe (le gouvernement
thaïlandais a refusé l'an dernier de financer un système de détection des
tsunamis) et ils n'ont les moyens par eux-mêmes d'organiser les secours à
leur population.
A Diego Garcia: bombing
as usual
L'atoll de Diego Garcia, où est établie la plus grande base de l'US AIR FORCE
à l'extérieur des Etats-Unis, se trouve dans la zone affectée par le tsunami.
Mais les militaires ont été prévenus presque immédiatement du tremblement
de terre sous-marin par la station d'alerte d'Hawaï et il n'a été fait état
que de dégâts mineurs. Par ailleurs il semble que l'atoll soit entouré d'eaux
profondes et que dans ce cas la vague du tsunami soit de faible hauteur. Les
B 52 ont donc pu continuer tranquillement leurs rotations sur l'Irak !
L'Ukraine en guerre
Extrait de " ANNEES DE GUERRE " - De VASSILI GROSSMAN *
Ukraine
Comment exprimer le sentiment qui nous a envahis quand nous avons revu les maisonnettes blanches, les étangs cou verts de roseaux et de vives lentilles d'eau, les hauts peupliers, les dahlias, apparaissant derrière les haies; quand de la terre et du ciel nous sentîmes le souffle doux de l'Ukraine qui surgissait devant nous dans sa splendeur indicible, dans sa mélancolie et son courroux, dans la richesse de son sol, dans les noirs haillons de ses décombres, dans la grâce généreuse de ses jardins, dans la flamme et dans les larmes.
En vérité, ce sentiment n'est pas simple, et il n'est guère facile de le rendre; mais il anime les généraux d'armée comme la glorieuse infanterie toujours en éveil qui, dans sa pénible et sainte croisade, devance les chars et l'aviation. Nuit et jour, le peuple libérant sa terre marche en avant sous la pluie, dans la boue, dans l'eau jusqu'à mi-corps, écartant sur son passage les ronces des forêts vierges, labourant de ses bottes la terre grasse des champs humides. Son pas allègre, élastique et sûr défie le vol des oiseaux dans le ciel, et les avions.
Quel est donc ce sentiment qui pousse les hommes aux joues caves, titubant de fatigue, à chanter, à dormir dans les fossés sous la pluie, à sourire dans leur sommeil, à marcher à la mort en glorifiant la vie au fond de leur coeur ? Quel est donc ce sentiment qui fait que, au son de la langue russe, les vieillards se portent au-devant de nos troupes et pleurent en silence, incapables de proférer un mot; tandis que, compréhensives, les vieilles paysannes disent, non sans étonnement : on croyait pouvoir chanter et rire en revoyant les nôtres. Mais nous avons le coeur gros, plein de tristesse, et nos larmes coulent.
Quel est donc ce sentiment ? Il rend le peuple conscient de son unité et cette conscience s'éveille dans les souffrances, parmi les gémissements des enfants et des vieilles femmes périssant dans les flammes. C'est pourquoi la rencontre du laborieux peuple d'Ukraine avec ses frères, venant à eux de Sibérie, de la Volga, des steppes kazakhes, bouleverse les coeurs.
Nous éprouvons tous la sensation singulière de la " résurrection du temps ". Nos armées progressent vers l'ouest, empruntant les routes par lesquelles elles avaient reculé vers l'est, en automne 1941. Nous libérons les villes, abandonnées aux Allemands dans les terribles mois d'août, de septembre et d'octobre de la même année. En retournant vers l'ouest, nous gagnons du terrain, mais aussi du temps.
Voici les villes libérées d'Orel, Volkhov, Mtsensk, Kharkov, Bielgorod, Stalino; nous revivons les journées d'octobre 1941. Smolensk, Gloukhov, Roslavi, Poltava, Niéjine, Tchernigov sont délivrées et c'est ainsi que notre peuple a redressé la pesante roue d'airain des temps : nous voilà remontés à septembre 1941. Krémentchoug est repris, nos troupes montent à l'assaut du fascisme allemand qui se cramponne à Kiev, Dniépropétrovsk, Gomel, Moguilev. Nous franchissons le seuil du mois d'août 1941.
Le jour n'est pas loin où l'Armée rouge, atteignant les frontières traîtreusement violées par les fascistes, restituera à notre peuple et à l'humanité l'aurore du 22 juin, alors que les moteurs des avions allemands troublèrent la sérénité de notre ciel, et que les poteaux des frontières furent culbutés sous la poussée des chars lourds de l'ennemi.
Ce jour-là, nous aurons prouvé définitivement que ce n'est pas au fascisme de faire tourner la roue des temps. Nous remettrons à leur place le calendrier et les heures de l'histoire, et nous dirons : le temps volé par le fauve est restitué à l'homme, à l'esprit, à la création, au labeur, à l'histoire. (c'est nous qui soulignons)
Ce texte prend un relief
tout particulier au moment où le soutien des Etats-Unis et de l'Union Européenne
à YUSHENKO exprime une volonté stratégique d'opposer l'Ukraine à la Russie.
Nous verrons dans les prochains mois si après la chirurgie esthétique qu'il
va subir à Tel Aviv, YUSHENKO et ses soutiens occidentaux prendront le risque
de demander l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et de rompre le contrat passé
avec la Russie sur la présence de la flotte russe à Sébastopol jusqu'en 2017.Il
reste que la guerre civile a été évitée et qu'aucun des deux camps en présence
pour l'élection présidentielle et qui politiquement sont de force sensiblement
égale n'a intérêt à l'éclatement du pays et YUSHENKO d'autant moins que les
régions où son rival est resté très majoritaire au troisième tour ( plus de
90 % des voix ) assurent 80 % du PIB ukrainien.
Après avoir mis le feu au pays, YUSHENKO, dont les pouvoirs présidentiels
sont limités par la nouvelle constitution, aura probablement intérêt à calmer
les groupes ultranationalistes et antisémites qui sur place l'ont aidé à parvenir
au pouvoir. Certains d'entre eux ont déjà déclaré qu'ils allaient être trahis.