Semaine 04- 2005
Amérique latine : petit
lexique pour commencer
ALBA : Proposée par le Venezuela dès 2001, l’ALTERNATIVE BOLIVARIENNE
POUR L’AMÉRIQUE a été défendue par CHAVEZ face à BUSH au sommet de Monterrey
en 2004.Dans ce cadre général a été signé en Décembre 2004 un accord de mise
en application des principes de l’ALBA entre Cuba et le Venezuela (voir annexe).
Noter le jeu de mot : en espagnol ALBA, c’est l’aube, pleine de promesses !
ALCA : Area de Libre Comercio de las Americas – en français ZLEA (zone
de libre-échange des Amériques) en anglais FTAA - destinée à devenir l’extension
à la totalité du continent de l’ALENA. Ce projet lancé en 1994 et poussé avec
acharnement par les Etats-Unis tarde à se réaliser et suscite dans toute l’Amérique
Latine des oppositions populaires très fortes et organisées. Le traité organisant
cette zone de libre-échange devait être signé en 2004 au « sommet des Amériques »
de Monterrey, il ne l’a pas été.
ALENA : Accord de Libre Echange Nord Américain (en anglais NAFTA) conclu
entre la Canada, les Etats-Unis et le Mexique et mis en application le 01.01.1994.
Supprime tous les droits de douane et organise la libre circulation des marchandises
et des capitaux entre les trois Etats. En revanche, pas de libre circulation
des personnes et pas de politique économique commune.
APEC : ASIA-PACIFIC ECONOMIC COOPERATION
Ce groupement intergouvernemental est unique en son genre en ce sens qu’y
adhérer n’entraîne aucune obligation pour aucun de ses membres. Il s’agit
d’un forum où l’on débat librement des échanges commerciaux, de la coopération
et du développement des Etats membres avec un seul objectif très consensuel
affiché : favoriser la croissance économique et la prospérité de la région.
Il compte 21 membres : Australie, Brunei, Canada, Chili, Chine, Hong-Kong,
Indonésie, Japon, Corée du Sud, Malaisie, Mexique, Nouvelle Zélande, Papouasie
Nouvelle Guinée, Pérou, Philippines, Russie, Singapour, Taiwan, Thaïlande,
USA, Vietnam.
Créé en 1989 à l’initiative des USA, il était la réponse immédiate à la fin
de la guerre froide et élargissait sous la bannière de la croissance de l’économie
et des échanges le cercle des amis des USA jusqu’alors limité au Japon et
aux dragons asiatiques : Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour, qui avaient
assuré l’encerclement stratégique et militaire du monde communiste et principalement
de l’URSS. Seuls la Corée du Nord, le Cambodge, l’Equateur et la Colombie
n’y étaient pas invités.
Chaque année, l’APEC réunit les chefs des états membres au cours d’un sommet
où selon la formule diplomatique ils échangent leurs vues sur la situation
économique d’une grande région qui compte 2,6 milliards d’habitants et représente
40% du PIB mondial.
G 20 : Il regroupe les pays suivants : Afrique du Sud, Argentine, Bolivie,
Brésil, Chine, Cuba, Egypte, Guatemala, Inde, Indonésie, Mexique, Nigeria,
Pakistan, Paraguay, Philippines, Tanzanie, Thaïlande, Venezuela et Zimbabwe
soit 3,5 milliards d’habitants sur un total de 6 et 70 % de la population
agricole mondiale.
MAQUILADORAS : usines d’assemblages délocalisés des USA vers le Mexique
pour bénéficier de l’écart de salaire entre les deux pays. Procédé mis en
place avant le démarrage de l’ALENA mais puissamment intensifié par le libre
échange. Installées dans la partie Nord du Mexique pour minimiser les frais
de transport, elles sont souvent propriété de grandes multinationales. Après
des années de croissance folle, ces mêmes multinationales toujours à la recherche
de salariés moins chers et plus dociles ont tendance à quitter le Mexique.
Destination la plus à la mode : la Chine.
MERCOSUR : marché commun sud américain entre l’ARGENTINE, LE BRÉSIL,
le paraguay, l’Uruguay.
Organisé par le traité d’Asunción (26 mars 1991) il prévoit, outre la libération
des échanges, une coordination des politiques économiques des états membres
et constitue donc une amorce d’intégration régionale très différente d’un
simple traité de libre-échange. La libération des échanges a d’ores et déjà
une forte augmentation du commerce intérieure à la zone. Il reste aux gouvernements
actuels, qui commencent à s’exprimer d’une seule voix dans les négociations
internationales, à donner plus de corps à des politiques économiques communes.
OEA : Organisation des Etats Américains (par charité, on n’utilisera
pas l’acronyme anglais : OAS)
Créée en 1948 cette organisation a regroupé initialement les états indépendants
du continent – à l’exception du Canada qui n’a adhéré qu’en 1990 – et ensuite
les anciennes colonies anglaises des Caraïbes quand elles sont devenues indépendantes.
Les objectifs de l’OEA, très inspirés de l’idéologie étasunienne et fixés
dans sa charte, mélangent discours sur les droits de l’homme et sur la suppression
des barrières douanières dans cette espèce d’égalité idéologique factice entre
la liberté de la personne et la liberté du capital. Cuba a été exclu de l’OEA
en 1962.
SOA : l’Ecole des Amériques (School Of the Americas) est la pure contradiction
des objectifs de défense des droits de l’homme figurant dans la charte de
l’OEA. Cette école ouverte par les Etats-Unis en 1947 à Panama a formé tous
les personnels militaires – 56 000 personnes au total *– ayant contribué à
la défaite des mouvements ou régimes progressistes dans tous les pays d’Amérique
Latine. Ces personnels appartenant aux armées officielles et aux services
de renseignement ont été formés à toutes les techniques de contre-insurrection,
aux assassinats politiques, à la torture et à toutes les formes de déstabilisation.
Ils constituent autant d’agents de la domination politique des Etats-Unis
sur le continent.
La SOA a été repliée aux Etats-Unis sur Fort-Benning (Georgie) où, malgré
une opposition organisée de citoyens des USA et des réserves de quelques élus
au Congrès, elle continue son activité sous le nom de WESTERN HEMISPHERE FOR
SECURITY COOPERATION.
* la liste est consultable sur le site du Réseau Voltaire
L’Amérique latine ne
veut plus être une arrière-cour
L’année 2004 a été marquée par une évolution très sensible de la situation
politique de l’Amérique du Sud. Evolutions électorales d’abord puisque après
le succès de Chavez dans le référendum d’Août, les élections législatives
ont porté une équipe de gauche au pouvoir en Uruguay. En même temps les gouvernements
d’Argentine, de Bolivie, d’Equateur sont contraints par la force des mouvements
populaires à adopter des attitudes plus fermes face aux exigences financières
des banquiers publics (FMI) ou privés et des multinationales de diverses origines
( étasuniennes bien sûr, mais aussi espagnoles et françaises).Même si la politique
intérieure du gouvernement brésilien déçoit les soutiens de gauche à Lula,
même si les socialistes chiliens restent très néolibéraux force est de constater
qu’à part la Colombie devenue le foyer régional de la réaction, aucun des
pays du continent Sud n’obéit plus au doigt et à l’œil à Washington, ce qui
est une situation radicalement nouvelle.
Il se crée une dynamique politique continentale d’opposition au monde unipolaire
voulu par BUSH et mis en oeuvre de la façon la plus barbare en Irak. Cette
opposition n’est certes pas assez forte pour s’opposer frontalement et soudainement
à la mondialisation capitaliste et pour rejeter totalement le fardeau de la
dette, mais elle s’est manifestée par une série d’initiatives ou d’évènements
qui tous vont dans le sens d’un monde polycentrique et d’un affaiblissement
de l’hégémonie US. Parmi eux :
Ukraine : incertitudes
Alors que YUSCHENKO vient seulement de commencer officiellement son mandat,
sa coalition est déjà menacée d’éclatement. L’assemblage hétéroclite de forces
politiques qui a soutenu sa candidature à la Présidence de la République est
déjà menacé de se défaire au moment où il doit constituer son gouvernement.
Les grands médias occidentaux sont très discrets là-dessus et ne veulent voir
que le triomphe de leur candidat. Ils soulignent tous que son adversaire avait
les faveurs de la Russie mais feignent d’ignorer l’appui politique, diplomatique
et financier massif et prolongé apporté à YUSCHENKO tant par les Etats-Unis
que par l’Union Européenne et ses membres les plus inféodés à Washington :
Pologne, Lituanie, sans oublier le Vatican. (Voir nos précédents bulletins).
Qu’en est-il sur le terrain ? Le parti socialiste pourtant résolument pro-occidental
et qui a soutenu YUSCHENKO propose le vote d’une loi accordant à la langue
russe le statut de seconde langue officielle à égalité avec l’ukrainien. Il
heurte ainsi de front l’aile nationaliste de la coalition mais fait une démarche
qui s’oppose à l’éclatement du pays.
D’un autre côté, la milliardaire ultra-libérale et futur premier Ministre
TIMOSHENKO veut faire annuler les modifications apportées à la Constitution
qui ont été votées à une large majorité par le Parlement en Décembre 2004
et revenir à un régime présidentiel. Elle reconnaît ainsi implicitement que
la victoire de son candidat a été une victoire à la Pyrrhus. YUSCHENKO de
son côté voudrait calmer ceux qui ont tenu la rue à Kiev pendant plusieurs
semaines et veulent maintenir la pression. Il devra en particulier se défier
des courants et organisations antisémites qui restent actifs dans l’Ouest
du pays. (ne pas oublier que dans ces régions dont la population juive fut
décimée par l’occupant nazi avant même la mise en œuvre de la solution finale
industrielle (Treblinka, Auschwitz), l’armée du Reich a pu recruter de nombreux
soldats ).
Ainsi, une fois passée l’effervescence de la campagne de « marketing orange »
la réalité reprend ses droits. Elu à l’issue d’une campagne de promotion publicitaire
mondiale YUSCHENKO, qui n’a pas rallié l’est du pays où les suffrages au 3°
tour des présidentielles sont allés à plus de 90 % à son adversaire, qui n’a
pas de majorité parlementaire, dont la majorité gouvernementale est incertaine
pour ne pas dire incohérente,qui n’a pas de programme à part de claironner
que l’Ukraine veut rentrer dans l’Union européenne ( ce qui au rythme où se
font les adhésions peut prendre entre 10 et 20 ans à partir du moment où l’Union
lui ouvrirait la porte, ce qui n’est même pas aujourd’hui le cas). Mais en
proclamant cet objectif, YUSCHENKO rejette implicitement le projet de marché
commun : Russie, Belarus, Kazakhstan Ukraine que son prédécesseur avait approuvé
début 2004.
En fait, pour les sponsors de YUSCHENKO la seule question à régler d’urgence
est celle de l’adhésion à l’OTAN. Le sort des ukrainiens est le cadet de leur
souci et pour Washington, c’est désormais officiel, le prochain gouvernement
à déstabiliser dans la région est celui du pays voisin : le Belarus qui n’a
demandé à adhérer ni à l’OTAN ni à l’Union européenne. Ca mérite bien une
raclée !
Quant à la MOLDAVIE, elle aussi mitoyenne elle est certainement promise à
une campagne « ORANGE » à l’occasion des élections législatives du printemps
prochain : le nouveau duel médiatique opposera le « bleu » SERAFIM URECHEANU
à « l’orange » YOURI ROCHCA . A vos écrans ! On prend les paris !
Les lecteurs attentifs de la presse auront remarqué qu’en accueillant YUSCHENKO
à Moscou, POUTINE a souligné que la Russie ne soutenait pas de partis d’opposition
dans les pays voisins, histoire de rappeler que lorsqu’il s’est rendu en Ukraine
avant les élections présidentielles c’était à l’invitation du premier ministre
en exercice : VIKTOR YANUKOVICH.
Poker menteur en Syrie
La Syrie va-t-elle acheter des missiles à la Russie ? Cette question agite
le gouvernement israélien et le Pentagone. Le missile en question est un développement
du SCUD bien connu, de portée moyenne – autour de 300 kilomètres - mais suffisante
pour atteindre Israël et peut-être même le désert du Néguev où sont fabriquées
les armes nucléaires israéliennes. Ce missile serait doté des derniers perfectionnements
en matière de brouillage électronique et pourrait donc assez difficilement
être intercepté. Israël tempête en affirmant que ces missiles vont tomber
entre les mains des terroristes (le Hezbollah libanais, qu’ils ne citent pas,
est évidemment visé). La Syrie se refuse à officialiser, la Russie, sans confirmer
ni infirmer fait valoir qu’il n’existe aucune interdiction de vente de ce
type d’armement et dépêche quand même à Tel Aviv son vice ministre des affaires
étrangères pour des explications.
On n’en sait guère plus pour l’instant mais il est probable que ce projet
est destiné à faire réfléchir ceux qui à Washington et à Tel Aviv veulent
sans plus tarder détruire les installations nucléaires de l’Iran. Nouvel épisode
de la néo-guerre froide.
Les nouveaux ennemis :
Outre CUBA, déjà considéré comme une simple colonie des USA en 1903 ce que
démontre à l’envie cette déclaration de Théodore ROOSEVELT alors président
des Etats-Unis : « Je suis tellement fâché contre cette infernale petite république
que j’aimerais qu’elle soit rayée de la carte. », on retrouve les ennemis
déjà déclarés : Corée du Nord et Iran et il s’y ajoute quelques nouveaux.
Le Myanmar (ex Birmanie) dont la junte militaire était tolérée par Washington
tant que le pays contrôlait le triangle d’or de la production d’opium mais
qui perd de son intérêt dés l’instant où les intérêts US sont bien défendus
par la CIA et les forces spéciales US dans un l’Afghanistan est redevenu de
très loin le premier producteur mondial, le Zimbabwe et le Belarus.
Ces trois nouveaux ennemis officiels ont deux points communs :
L’un, souligné à grand bruit par Washington, est qu’ils sont gouvernés par
des régimes autoritaires.
L’autre, qui ne l’est pas, c’est que ce sont des pays petits, faibles, peu
peuplés, ce qui a fait dire aux théoriciens US de la domination comme ZBIGNIEW
BRZEZINSKI que l’administration BUSH manquait d’ambition et que les vrais
adversaires restaient la Russie et la Chine. Il en serait presque à accuser
BUSH d’être un « tigre de papier ».
Annexe :
vous trouverez le texte de l' "Accord entre le président de la République
bolivarienne du Venezuela et le président du Conseil d’État de Cuba pour l’application
de l’Alternative bolivarienne pour les Amériques" à l'adresse
suivante : http://granmai.cubaweb.com/frances/2004/diciembre/mier15/51acuerdo.html
A propos des élections
en Irak : un point de vue canadien
Texte de la déclaration signée par plus de 70 personnalités du Québec et par
L'aut' journal, Avocats contre la guerre (LAW), Centre de recherche sur la
mondialisation (CRM), Collectif échec à la guerre, l'Entraide missionnaire,
Option citoyenne, Union des forces progressistes (UFP), l'Union paysanne.
Un extrait de ce texte fut publié dans La Presse , Montréal, 25 janvier 2005
www.globalresearch.ca
25 janvier 2005
Elections irakiennes sous occupation: Le Canada complice d'une mascarade démocratique
Comment tenir des élections libres et justes lorsque la majorité des candidats ne sont même pas en mesure de faire campagne? Lorsque des populations entières ne peuvent participer au vote? Lorsque l’élection elle-même sert d’abord et avant tout un «agenda» américain de mainmise sur toute une région du globe?
Les élections prévues le 30 janvier en Irak-- s'il est même possible de les tenir dans les conditions actuelles d'occupation militaire américaine, de violence, et dans le contexte d'un boycott important par la communauté sunnite-- ne visent qu'à légitimer l'occupation militaire états-unienne, et à justifier l'invasion de l'Irak par les États-unis sans l'autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le Canada, même s'il n'a pas participé à la coalition des envahisseurs états-uniens, prête aujourd'hui, par son soutien au "processus électoral" (qui n'est ni "indépendant", ni l'expression d'une quelconque véritable souveraineté irakienne), main-forte à l'entreprise de légitimation de cette guerre qu'on a tenté de justifier par tant de prétextes, voire de désinformation et de mensonges. Le Canada accepte ainsi d'être complice d’un agenda bien précis et d'une campagne de relations publiques pour rehausser l'image de l'administration Bush en Irak, qui malgré un transfert (plutôt factice) de souveraineté à une institution "intérimaire", maintient néanmoins des effectifs de 150 000 soldats dans ce pays prétendument "souverain".
En effet, après que le Premier ministre Martin ait offert une contribution canadienne au Président Bush en avril dernier, et après la rencontre Bush-Martin du début décembre, le Canada était l'hôte, les 19 et 20 décembre derniers, du "Forum 04", une conférence à huis clos dite "internationale" portant sur les élections irakiennes. Le forum a accouché de la Mission internationale sur les élections en Irak, dont Élections Canada assurera le Secrétariat. Tous les pays impliqués dans la mission d'observation sont ou ont été membres de la coalition américaine, à l'exception du Canada, du Mexique et du Yémen.
L'implication canadienne en Irak n'aura rien à voir avec la démocratie ou la promotion des droits de la personne. Elle vise, au contraire, à légitimer, en Irak, les structures imposées par l'occupation militaire américaine, et ce en toute connaissance de cause. Jean-Pierre Kingsley, Directeur général d'élections Canada, décrit ainsi la fonction des missions d'observations électorales: "La participation d'acteurs internationaux auprès d'un pays en voie de démocratisation ou qui souhaite consolider ses assises démocratiques joue un rôle fondamental de légitimation à plusieurs niveaux." Si selon Kingsley, le rôle fondamental est de légitimer, dans le cas de l'Irak, ce qui doit être légitimé, et justifié, c'est l'invasion et l'occupation meurtrières dont le pays a été victime! Ainsi, l'Irak "gagne" en démocratie ce qu'il a perdu en vies humaines, (100 000 selon la revue The Lancet) en infrastructures (à être rebâties à coup de millions par des entreprises américaines) et en respect de la souveraineté de son territoire, ou de ce qu'il en restait. De plus, selon Kingsley, une participation à une mission d'observation constitue une reconnaissance de la validité d'un processus électoral en place, et sert à communiquer ce message de "reconnaissance":
"Autrement dit, accepter une mission électorale, c'est reconnaître à prime abord que l'exercice électoral est légitime, que les éléments essentiels sont présents et que les objectifs sont réalisables. Ce message de reconnaissance joue aussi bien sur la scène internationale que nationale, c'est-à-dire auprès des intervenants locaux."
L’exercice électoral est illégitime parce qu’il sert des objectifs principalement américains, et des objectifs véritablement démocratiques sont irréalisables dans un contexte d’insécurité qui empêche les populations de plusieurs régions , en Irak, d’aller voter. De plus, il est inacceptable de "légitimer" une invasion et une occupation violant les principes fondamentaux établis, il y a un demi-siècle, par le Tribunal de Nuremberg qui qualifiait l'agression de "crime suprême" en ces termes:
"L'agression est le crime de guerre suprême. Il se distingue des autres crimes de guerre seulement en ce qu'il contient en lui le mal accumulé de tous les autres".
Et quant aux autres crimes de guerre dont " l'accession à la démocratie" servirait d'alibi avec la complicité d'Élections Canada, et de son partenaire dans la mission d'observation, l'International Foundation for Electoral Systems, ils sont parmi les plus graves aux yeux du droit international. Ce n’est pas un hasard si L’IFES, qualifiée par Élections Canada de "non partisane" et "indépendante" et qui tire son financement et son mandat du gouvernement américain, par le truchement de USAID.
L'invasion de l'Irak par les États-Unis constitue en premier lieu une violation de la Charte des Nations unies, qui interdit formellement aux états de recourir à la force dans le règlement de leurs différends. L'occupation de l'Irak s'est illustrée par des violations importantes des Conventions de Genève sur le traitement de la population civile, et de la Convention contre la torture à la prison d'Abu Ghraib. Les irakiens font l'objet de violations massives de leurs droits au quotidien. L'occupation américaine n'assure aucunement la sécurité d'une population civile terrifiée.
Le Canada n'a aucun mandat qui lui permette de légitimer, de quelque manière que ce soit, ces crimes et ces violations des droits de la personne en Irak. Encore moins en engageant le Canada dans une entreprise de faire-valoir pour une guerre américaine illégale et illégitime. Et comme, de l’avis de Kingsley, les missions d'observation sont de puissants outils de légitimation, il n'est pas toujours opportun, selon lui, d'y participer:
" Cette fonction de légitimation ne saurait cependant être inconditionnelle. Ainsi, lorsque les conditions essentielles à la démocratie ne sont pas présentes, en commençant par la tenue d'élections libres et justes, on devrait refuser de participer à une mission ou encore s'en retirer lorsque ces conditions ne sont plus rencontrées."
Comment tenir des élections libres et justes lorsque la majorité des candidats ne sont même pas en mesure de faire campagne? Lorsque des populations entières ne peuvent participer au vote, alors qu'ìl est beaucoup plus facile de le faire pour la diaspora irakienne à l`étranger, une forme d'élections "à deux vitesses"? Lorsque l’élection elle-même sert d’abord et avant tout un «agenda» américain de mainmise sur toute une région du globe? Il ne saurait y avoir un exemple plus éloquent d'une mission pour laquelle "les conditions essentielles à la démocratie ne sont pas présentes" que la Mission internationale sur les élections en Irak. Ni un exemple plus éloquent d'une politique étrangère canadienne qui ne sert en rien les intérêts de la vaste majorité de la population du Canada et du Québec.
Le texte fut rédigé par Tiphaine Dickson, avocate spécialisée en droit international, en collaboration avec le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM).