Semaine 12- 2005
Bush : "L'idée que les Etats-Unis soient prêts à attaquer l'Iran est simplement
ridicule " (Février 2005 pendant sa visite en Europe).
Le propos parait rassurant. Il ne l'est pas. L'analyse du texte conduit en
effet à deux conclusions
Donc ce qui se prépare n'est pas une invasion de l'Iran, opération dont les
Etats-Unis, embourbés en Irak, n'ont pas aujourd'hui les moyens mais une attaque
ciblée menée par Israël sur les installations nucléaires iraniennes et en
particulier sur la centrale électrique de BUSHER avant que celle-ci- construite
par des entreprises russes - n'entre en activité fin 2005.
Cette opération que les Etats-Unis favorisent politiquement en dramatisant
la question de l'armement atomique et techniquement en occupant militairement
les frontières est - Afghanistan - et ouest - Irak - de l'Iran et en testant
ses défenses antiaériennes, aurait dans l'imagination des stratèges US et
Israéliens qui la concoctent, un effet déstabilisateur sur le régime iranien.
Elle favoriserait l'arrivée à la tête de l'Etat de dirigeants moins hostiles
aux Etats-Unis que l'équipe actuelle. Cela peut aussi avoir l'effet inverse...
mais les apprentis sorciers n'en sont pas à une horreur prés !
Le vote d'une loi par l'assemblée nationale populaire chinoise visant à empêcher
la sécession de TAIWAN est présenté comme un durcissement de la politique
chinoise. Cette décision, intervenue à quelques jours de la visite de CONDOLEEZA
RICE à Pékin, est à mettre en regard de quelques autres.
Les Etats-Unis viennent d'installer sur l'île de GUAM dans la Pacifique à
trois heures de vol de la côte chinoise un escadron de bombardiers B 2 qui
vient renforcer (ou remplacer ?) les lourds B 52. Outre les appareils eux-mêmes
et les munitions, sont présents sur place tous les techniciens nécessaires
à l'entretien de ces bijoux très onéreux (2 milliards de dollars pièce) de
technologie de pointe.
De GUAM à la CHINE il n'y a à franchir sur 3000 km que de vastes étendues
d'océan. GUAM est donc un gigantesque porte-avions hors de portée de la défense
chinoise.
Le B2, bombardier furtif à très long rayon d'action (15000 km avec un seul
ravitaillement en vol), subsonique, capable, au moins en théorie, vu sa forme,
sa couleur, la position de ses réacteurs, et les matériaux utilisés pour sa
construction (pas plus de 20 % de métal) d'échapper à tous les radars et de
percer, à basse altitude, toutes les défenses anti-aériennes existantes peut
frapper partout, soit avec des armes conventionnelles, soit avec des armes
atomiques.
Les Etats-Unis font pression sur l'Union Européenne pour qu'elle ne lève pas
l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine. " L'épouvantail " militaire chinois
se mesure ainsi :le budget militaire chinois, certes en augmentation de 8%
comme le PIB chinois, s'élève en 2005 à environ 30 milliards de dollars, le
budget militaire des Etats-Unis, guerres d'Afghanistan et d'Irak comprises,
approche les 500 milliards de dollars. Qui est menaçant ?
Les relations entre les Etats-Unis et TAIWAN sont régies par le TAIWAN RELATIONS
ACT, voté en 1979, amendé en 1999 et qui garantit en permanence la défense
de Taiwan par l'armée US : c'est-à-dire que quel que soit le niveau de l'armement
chinois, les Etats-Unis fournissent à TAIWAN le matériel équivalent et maintiennent
à proximité de la Chine l'énorme VII° flotte, son porte-avions, ses bâtiments
d'assaut naval et ses sous-marins. Il faut préciser que si l'île de Taiwan
est à environ 200 km de la côte chinoise de petites îles dépendant de Taiwan
se trouvent à quelques minutes de navigation des villes côtières chinoises
de Fuzhou et Xiamen ce qui veut dire qu'il peut y avoir à quelques kilomètres
de ces cités des missiles nucléaires US pointés sur elles. La reconnaissance
de la souveraineté chinoise sur TAIWAN redessinerait les eaux territoriales
chinoises d'une façon beaucoup plus rassurante pour la Chine. Qui est menaçant
?
De plus le Pentagone a entrepris une révision de ses relations militaires
avec ses alliés japonais et sud-coréens. Jusqu'à présent, les troupes US installées
sur le sol de ces deux pays sont des troupes d'occupation et ce caractère
les rend de plus en plus impopulaires dans les deux pays. Washington aimerait
bien changer totalement les règles du jeu et créer une alliance militaire
chargée de la défense des intérêts communs des trois pays dans la région.
Ainsi les troupes US deviendraient des troupes alliées et les deux partenaires
prendraient leur part du fardeau financier militaire commun. Pour constituer
une alliance militaire qui deviendrait une sorte d'OTAN asiatique, une OTPAN
(organisation du traité du Pacifique Nord), il faut avoir un adversaire, déclaré
ou supposé, commun : il y en a au moins deux dans la région, la Corée du nord
autour de laquelle on fait grand bruit, mais surtout la Chine qui inquiète
beaucoup plus, sans oublier la Russie qui dispose d'une vaste fenêtre sur
cette océan.
Pour cette alliance, la défense de TAIWAN contre une attaque chinoise - par
ailleurs bien peu vraisemblable - serait également une priorité. Mais l'accord
politique pour cette alliance est difficile à obtenir : pour le Japon cela
suppose une modification de la Constitution - imposée paradoxalement par un
général US - Mac Arthur- en 1945 qui n'autorise au pays qu'une armée défensive
et cette modification que le gouvernement KOIZUMI fait avancer doucement malgré
une vive opposition populaire, pour la Corée du Sud cela veut dire se poser
en adversaire résolu de la Corée du Nord alors que la volonté de réunification
- même lente, même progressive - est manifeste et majoritaire dans le pays
et rencontre un écho favorable, même si la prudence est de mise, chez les
dirigeants du Nord. Face à ce projet affiché des Etats-Unis les deux gouvernements,
japonais et sud-coréens sont à tout le moins réservés.
Vue de Pékin une telle alliance est vue pour ce qu'elle est : une tentative
des Etats-Unis pour créer un état de tension politique entre la Chine et le
Japon, conduire à l'intensification des dépenses militaires, à la militarisation
accrue de la zone, en bref un facteur de désordre destiné à profiter au grand
manipulateur. La Chine a donc choisi de rappeler au président des Etats-Unis
et à CONDOLEANCE RICE, comme l'appelle CHAVEZ, que leur pays s'était toujours
engagé à ne pas reconnaître l'indépendance de TAIWAN et que ses actes ne devaient
pas contredire ses paroles.
Des électeurs qui élisent des gouvernements de gauche, des populations qui
luttent contre la dévastation de leurs terres, de leurs économies par le capital
transnational, des gouvernements qui se plient de moins en moins aux diktats
de Washington qu'ils viennent de la Maison Blanche, du Pentagone, de la Banque
Mondiale ou du FMI, l'Amérique Latine inquiète les puissants.
Tous les pays n'évoluent pas au même rythme, tous les gouvernements ne sont
pas poussés avec la même vigueur par les mouvements populaires, certains même,
mise à part la Colombie qui elle réprime, les redoutent et les freinent, mais
cette tendance est forte et réelle. Au quartier général de la réaction, à
Washington on prépare les mesures pour briser ce mouvement. Dans cette effervescence
politique, le Mexique semble un peu en retrait. La droite libérale a pris
le pouvoir, c'est-à-dire la Présidence de la République - dans le système
constitutionnel mexicain le Président est très puissant voire tout puissant
- en 2000 et se prépare à affronter en 2006 une gauche qui pourrait l'emporter.
Allons y voir de plus prés !
Il est certainement mille façons de parler du Mexique, vaste pays, bordé par
deux océans, peuplé de 105 millions d'habitants, foyer de très anciennes civilisations
( aztèque et maya en particulier) et théâtre de moments importants de l'histoire
" moderne " ( au sens où l'entendent les historiens c'est-à-dire depuis 1492
date à partir de laquelle les Aztèques voient surgir de frêles navires quelques
soudards espagnols envoyés à l'aventure par Isabelle la Catholique) et en
particulier de l'unique Révolution ayant eu lieu sur le continent américain.
Notre intention n'est donc nullement de faire un portrait (nécessairement
immense à l'image des fresques des muralistes mexicains - Diego Rivera, Siqueiros..)
mais de réfléchir à la capacité de ce pays à vivre à côté de la première puissance
mondiale, partageant avec lui 3500 km de frontière commune, et à la possibilité
de conserver un minimum d'indépendance politique, d'autonomie culturelle et
de liberté d'action économique et sociale.
Comment résister à ce voisinage écrasant, à cet impérialisme de plus en plus
envahissant ? Comme si, au lieu du sombrero traditionnel, le Mexique portait
en permanence sur la tête une énorme enclume soumise aux coups répétés d'un
forgeron forcené. Comme si le Mexique figurait un géant Atlas fatigué, tenant
à bout de bras musculeux mais vieillis un globe terrestre trop gros pour lui.
1- LE MEXIQUE RETRECIT
Quand en 1776, les 13 premiers Etats fédérés des Etats-Unis proclament leur
indépendance, le Mexique n'est encore qu'une colonie de la couronne d'Espagne.
Il ne devient indépendant qu'en 1821 après une décennie de combats dans le
grand mouvement d'émancipation de l'Amérique Latine conduit par Bolivar dans
l'hémisphère Sud. Immense, il s'étend depuis ce qui est aujourd'hui le Costa-Rica
jusqu'à des territoires très peu peuplés et qui deviendront dans les futurs
Etats-Unis d'Amérique le Texas, la Californie l'Arizona, l'Utah, le Nevada
et le Nouveau Mexique.
En 1823, les petites républiques d'Amérique Centrale prennent leur indépendance
mais le jeune pouvoir mexicain a déjà trop à faire avec son voisin du Nord
pour s'en préoccuper. Le voisin du Nord en effet après avoir racheté pour
15 millions de dollars la Louisiane (une Louisiane immense qui s'étend jusqu'aux
grands lacs) à Napoléon devient en effet très gourmand. Après avoir proposé,
chèque à l'appui, une fusion des deux Etats qui en aurait fait, selon les
ambitions affichées d'un certain MONROE qui n'est encore que Secrétaire d'Etat
avant de devenir Président, la première puissance mondiale, proposition rejetée
avec dédain par les mexicains, les Etats-Unis, lancés dans leur grande chevauchée
vers l'Ouest, se muent en agresseurs. La guerre va durer plusieurs années,
entrecoupée de périodes d'accalmie, mais finalement le Mexique est défait
et, par le traité de GUADALUPE - 1848 - qui fixe la frontière à son emplacement
actuel, abandonne à son voisin le territoire des Etats cités plus haut, soit
quelques 3 millions de km2 (6 fois la France). Sur le moment, cette perte
n'est pas ressentie très cruellement par le Mexique de l'époque car il s'agit
à l'époque de territoires très peu peuplés, en partie désertiques.
Quelques noms connus liés à guerre :
Côté mexicain le Général Santa Anna, plusieurs fois président mais pour des
durées brèves, côté Etats-Unis le général Houston président du Texas sécessionniste
avant que cet Etat n'intègre définitivement les Etats-Unis.
Pendant cette guerre les Etats-Unis font l'apprentissage impérialiste de la
"diplomatie de la canonnière". En Décembre 1845 La flotte US s'installe devant
Vera Cruz et bloque le port pour ralentir les fournitures d'armes européennes
et faire pression sur le gouvernement mexicain, les marines débarquent à Monterrey
en 1846 et à Vera Cruz en 1847 d'où ils commencent leur marche sur la capitale.
Bientôt, Le drapeau US flotte sur Mexico.
Dans ces combats les Etats-Unis ont perdu 25000 hommes mais le gain territorial
est énorme. En même temps, ils se sont fait les dents de grande puissance
dominatrice sur leur voisin.
Leur démarche dans cette période fondatrice est résumée par l'historien français
Thomas Calvo professeur à Paris X, qui écrit dans l'ouvrage collectif : "
Le Mexique face aux Etats-Unis " (L'Harmattan -2004) :
"Déjà les Etats-Unis mettent au point leur diplomatie expansionniste, basée sur l'usure, l'interprétation abusive des textes, la manipulation cartographique de territoires encore mal délimités et , au bout du compte, une certaine mauvaise foi appuyée sur la force." , phrase d'une éclatante actualité
2 - LES INTERETS ECONOMIQUES US DOMINENT
Cependant le traité de GUADALUPE ne calme aux Etats-Unis que les appétits
gouvernementaux. Le Nord du Mexique, ses terres, ses richesses minières sont
convoitées par les aventuriers qui sévissent dans les nouveaux Etats annexés
et qui n'ont aucun respect pour les frontières nouvellement tracées. Ils le
font sous la bannière étoilée mais sous un contrôle faible ou nul de l'Etat
fédéral. La figure la plus connue de ces personnages est WILLIAM WALKER qui
après avoir tenté de s'approprier la basse Californie (province mexicaine)
prend possession du Nicaragua où il devient temporairement chef d'Etat. Dans
le texte qui suit, Il a bien exprimé l'opinion des " gringos " sur les mexicains
et autres latinos :
"Ceux qui parlent d'établir des relations durables entre la race américaine pure, ainsi qu'elle existe aux États-Unis, et la race mêlée indo-hispanique, sans l'emploi de la force ne sont que des visionnaires. Partout où se trouvent face à face la barbarie et la civilisation, ou deux formes de civilisation, le résultat doit être la guerre."
Il a ainsi souligné une différence fondamentale entre les deux pays : au
nom d'une mythologie de la race pure, les Etats-Unis se sont bâtis sur l'élimination
quasi-totale des indiens alors que le Mexique, lui-même profondément métissé,
même s'il a souvent maltraités et marginalisés les indiens, ne les a pas éliminés,
comme si les siècles de civilisation précolombienne qu'ils portent en eux
leur donnaient une fabuleuse capacité de résistance, une sorte de pérennité
historique et les protégeaient de l'extermination.
La pression étasunienne sur le Mexique va se relâcher en raison du conflit
entre Nordistes et sudistes qui va déboucher sur la guerre de sécession. Ce
relâchement est perçu en Europe comme une opportunité de reprendre pied sur
ce continent si riche. Napoléon III poursuit à l'époque une politique colonialiste
et s'allie avec Maximilien d'Autriche, frère cadet de l'empereur François
Joseph et donc en manque de trône, pour remettre les Habsbourg, ancienne famille
régnante en Espagne, sur le trône mexicain. La bourgeoisie mexicaine est favorable
à cette restauration mais la résistance à cette occupation s'organise autour
du général indien, BENITO JUAREZ. Elle reçoit l'appui matériel des Etats-Unis
dés que la guerre de sécession s'achève. Les troupes franco-espagnoles- autrichiennes
sont battues, Maximilien fait prisonnier et fusillé. La chute de Maximilien
est l'échec de la dernière tentative des puissances européennes de reprendre
pied sur le continent américain. Il ne restera plus aux Etats-Unis qu'à aider
les républicains cubains à chasser l'Espagne - 1898 - pour que le continent
entier échappe à toute autre influence que celle des Etats-Unis.
JUAREZ s'installe au pouvoir et le soutien qu'il a reçu des Etats-Unis fait
désormais de ceux-ci une puissance amie. L'influence étasunienne va désormais
prendre un tour plus organisé sous la supervision des deux gouvernements.
La page des aventuriers de western s'achève, place aux investisseurs, aux
banques et aux grandes compagnies. Les capitalistes US ouvrent des mines,
construisent des voies ferrées les reliant aux Etats-Unis et se trouvent progressivement
à la tête de la partie moderne de l'économie mexicaine. Cette évolution est
grandement favorisée par un basculement de la démographie au profit des Etats-Unis
: grâce à l'énorme apport migratoire consécutif à la ruée vers l'or et à la
conquête de l'ouest le pays compte à la fin du 19° siècle 75 millions d'habitants
alors que les mexicains ne sont que 15 millions. La domination des Etats-Unis
devient donc multiforme : territoriale depuis 1848, elle est maintenant démographique,
économique et militaire.
Le dictateur PORFIRIO DIAZ, qui reste au pouvoir de 1879 à 1911, favorise
cette prise en mains et s'installe en bon gérant des intérêts US en faisant
régner un ordre très brutal sur le Mexique. Comble de bonheur : en 1901, une
entreprise californienne extrait les premiers barils de pétrole mexicain prés
de Tampico et cette production va très vite porter le pays à la troisième
place mondiale des producteurs après les Etats-Unis et la Russie.
3 - LA MAIN DES ETATS-UNIS DANS LA REVOLUTION MEXICAINE
Cette main mise des Etats-Unis est très mal acceptée par la population mexicaine
et sera une des causes profondes de la révolution qui débute en 1910. DIAZ
est renversé en Mai 1911 et remplacé à la tête de l'Etat par un réformateur
modéré : FRANCISCO MADERO qui veut redonner au Mexique un droit de contrôle
sur ses richesses. C'en est trop pour les Etats-Unis et l'ambassadeur des
Etats-Unis à Mexico favorise un complot contre MADERO. FELIX DIAZ, neveu du
dictateur, et le général HUERTA renversent le gouvernement et exécutent MADERO
le 22 février 1913. HUERTA prend le pouvoir. Ce coup d'état orchestré par
les Etats-Unis - on voit que le renversement d'ALLENDE , 60 ans plus tard,
a eu des précédents - attise le feu révolutionnaire. Entrent alors en scène
CARRANZA, PANCHO VILLA, FRANCISCO ZAPATA, personnages célèbres, à la tête
de mouvements et de forces politiques diverses qui mèneront avec succès la
guerre contre HUERTA mais ne s'unifieront pas sur un programme révolutionnaire.
Leur campagne militaire est paradoxalement soutenue par les Etats-Unis qui
après avoir favorisé HUERTA changent brusquement de cheval. En effet le personnage
HUERTA n'est pas en lui-même bien reluisant mais surtout il se met à rechercher
l'appui des puissances européennes pour sauver son régime et se propose d'ouvrir
les champs pétroliers mexicains aux anglais. En stricte application de la
doctrine MONROE : " L'Amérique aux américains " (lire l'Amérique aux Etats-Unis),
il faut lâcher HUERTA. C'est ce que va faire le nouveau président US WILSON.
Le 22 Avril 1914, les marines débarquent à nouveau à Vera Cruz ; marchent
sur Mexico et font basculer le pouvoir du côté des révolutionnaires. La bannière
étoilée flotte une nouvelle fois sur Mexico. HUERTA s'enfuit en Juillet 1914.
Reste à faire le tri entre les insurgés. WILSON choisit évidemment le plus
modéré : CARRANZA, il suspend toute fourniture d'armes à l'armée du Nord de
PANCHO VILLA et aux zapatistes et lance ses troupes à la poursuite de PANCHO
VILLA. Cette poursuite est interrompue par l'entrée en guerre des Etats-Unis
en Europe en 1917 mais l'élan révolutionnaire est brisé. ZAPATA lui-même sera
victime d'un complot et assassiné en 1919.
Les Etats-Unis sont intervenus en permanence dans cette révolution qui reste
inachevée. Elle va cependant laisser des traces profondes dans l'histoire
du Mexique puisque les deux exigences centrales des révolutionnaires : le
contrôle national des ressources du sol et du sous-sol et la reconnaissance
du droit par les indiens à la propriété collective de la terre (revendication
portée en particulier par ZAPATA) sont reprises dans la Constitution de 1924
qui fixe jusqu'à aujourd'hui encore les règles du jeu politique.
Un président de la république tout puissant, mais pendant un unique mandat
de 6 ans non renouvelable, un sénat comprenant deux élus pour un mandat non
renouvelable de 6 ans dans chacun des 31 Etats de la fédération plus une représentation
à la proportionnelle nationale et une chambre des députés élue tous les trois
ans pour partie dans les états fédérés pour partie à la proportionnelle nationale.
Ce système qui devait assurer un renouvellement régulier du personnel politique
et un certain pluralisme va être totalement subverti par la création en 1829
du Parti Révolutionnaire Institutionnel PRI) qui s'empare alors du pouvoir
et va contrôler le gouvernement - Présidence, Congrès et Gouverneurs des Etats
fédérés - du pays jusqu'en 2000.Le PRI assure à travers un simple changement
de personne à la Présidence la domination permanente sur le pays d'une oligarchie
métisse. Pour faire supporter cette domination, le PRI devra tout en maintenant
en place une société très inégalitaire, composer avec l'agitation populaire
qui cesse rarement au Mexique que ce soit dans les campagnes où paysans et
indiens défendent avec acharnement leurs droits ou à la ville où se constituent
dans cette période de forts syndicats ouvriers qu'il faut contrôler par le
haut en y installant des responsables du PRI. Mais qu'un mouvement faiblisse
ou qu'apparaisse ici ou là un leader syndical trop radical et voilà le PRI
qui réprime ou qui tue en ayant recours à des hommes de l'ombre qui sont la
version mexicaine des escadrons de la mort dans les autres pays latino-américains.
La différence est que ce " sale boulot " est fait directement par la classe
dirigeante mexicaine sans que les Etats-Unis, qui surveillent de loin, n'aient
à lui tenir la main.
C'est dans une période de forte agitation populaire - à partir du milieu des
années 30 - que le Président LAZARO CARDENAS va nationaliser le pétrole mexicain
et créer en 1938 la première entreprise de pétrole nationale dans le monde,
URSS mise à part. Bien que les intérêts des compagnies US soient lésés, Washington
va laisser faire car ROOSEVELT qui gouverne sent venir la guerre et les Etats-Unis,
conscients des affrontements à venir en Asie - le Japon a déjà envahi la Chine
- et en Europe, font le choix de maintenir la paix sur le continent américain,
évitant l'ouverture d'un nouveau front et garantissant des approvisionnements
vitaux pour le temps de guerre qu'il s'agisse du blé argentin ou du pétrole
mexicain. La deuxième guerre mondiale va donc être pour l'Amérique Latine
une période de développement important qui fait espérer à certaines équipes
dirigeantes une intégration rapide au monde industriel développé. Il n'en
sera rien.
4 -L'APRES GUERRE
La guerre froide conduit les Etats-Unis à empêcher par tous les moyens l'installation
au pouvoir d'équipes de gauche en Amérique Latine et à favoriser l'installation
de dictatures militaires à leur solde. N'échappent à cette politique que Cuba
grâce à la révolution de 1959 et le Mexique où la dictature démocratique du
PRI semble garantir une stabilité suffisante. Pourtant dés les années 60 le
Mexique inquiète les Etats-Unis : le developpement économique a provoqué une
forte urbanisation et une certaine démocratisation de l'enseignement supérieur.
En même temps la guerre du Vietnam a un écho politique important en Amérique
Latine. La rhétorique de la guerre froide entre superpuissances nucléaires
s'applique mal à ce petit pays asiatique peu développé. Cette guerre rappelle
la défaite de 1848, les interventions militaires US au Mexique, la bannière
étoilée flottant sur Mexico. Comme dans d'autres pays du monde, comme aux
Etats-Unis, comme en Europe, l'année 68 est au Mexique une année agitée où
une forte contestation étudiante trouve un large écho dans la population.
En Octobre 68 doivent se dérouler à Mexico les premiers jeux olympiques tenus
dans un pays du tiers-monde. Les jeux qui représentent pour le mouvement étudiant
une dépense somptuaire dans un pays où de nombreux besoins élémentaires de
la population ne sont pas satisfaits, sont contestés. Craignant que le déroulement
des Jeux soit perturbé alors qu'il y joue son prestige, le gouvernement prend
peur. Le 2 Octobre, le comité de grève étudiant appelle à un rassemblement
sur la place des 3 Cultures à Mexico,le Tlatelolco, place symbolique entourée
de ruines aztèques, d'une église baroque et de grands immeubles d'habitation
populaire. Environ dix mille personnes s'y retrouvent en fin d'après-midi
: étudiants, habitants du quartier, militants syndicaux. La nuit tombe et
tandis que les leaders prennent la parole depuis le balcon d'un des immeubles
d'habitation qui bordent la place, des feux de Bengale l'éclairent soudain.
A ce signal, la place est encerclée par 300 chars d'assaut, des brigades en
civil portant autour du poignet un petit foulard en signe de reconnaissance
s'infiltrent dans la foule , des mitrailleuses lourdes arrivées sur des camions
ouvrent le feu, des soldats chargent à la baïonnette. C'est un massacre. Le
gouvernement annonce des " affrontements " et une trentaine de morts sans
distinguer entre agresseurs et agressés. Le chiffre des morts est au moins
dix fois plus élevé mais il sera interdit aux familles de reconnaître leurs
dépouilles. la police et l'armée font des milliers de prisonniers. La protestation
étudiante et sociale a été noyée dans le sang. Les JO vont pouvoir s'ouvrir
dans le climat de terreur ainsi créé. L'ordonnateur de ce bain de sang est
le secrétaire général du gouvernement, LUIS ECHEVERRIA qui, sous les couleurs
du PRI sera élu l'année suivante à la Présidence de la république. Il est
établi aujourd'hui qu'ECHEVERRIA était un agent de la CIA et que le calme
devait être rétabli à Mexico sur ordre de Washington qui ne voulait pas que
les Jeux Olympiques se transforment en un immense meeting contre la guerre
du Vietnam. Il en fut ainsi, même si deux athlètes étasuniens noirs manifestèrent
contre la politique de leur gouvernement en levant, devant les journalistes
et les caméras du monde entier, un poing ganté de noir au moment où, les médailles
d'or et de bronze autour du cou pour leur course du 200 m, éclatait la musique
de l'hymne US. Le massacre de Tlatelolco, béni par les Etats-Unis, n'eut pas
le même retentissement que celui de la place Tien an Men, 21 ans plus tard.
La littérature sur le sujet est rare et les " droits-de- l'hommistes " y font
peu référence. Signalons en espagnol l'ouvrage de ELENA PONIATOWSKA : " La
Noche de Tlatelolco " (1997- Ediciones Era - Mexico)
La répression se poursuivit pendant les années 70 mais ECHEVERRIA, sali par
le massacre du 2 Octobre, renonça à recourir aux forces légales - armée et
police - pour étendre et généraliser la pratique des équipes clandestines
d'assassins politiques. Simultanément pour dissoudre le sentiment anti-gringo
dans la population étudiante, il ouvrit largement la porte aux études à l'étranger
: Etats-Unis, Europe et aussi Chili - mais après le renversement d'Allende
! Les militants étudiants qui n'étaient sont pas en prison étaient dispersés
et l'Université de mexico perdit son rôle de chaudron révolutionnaire.
Très vite, ces largesses financières - les bourses d'études à l'étranger sont
nombreuses et généreuses - ont un effet qui perdue aujourd'hui. L'université
mexicaine forme aux premiers niveaux et les diplômes terminaux les plus prestigieux
sont obtenus à l'étranger et principalement aux Etats-Unis. Ainsi la future
classe dirigeante va-t-elle être majoritairement imprégnée de culture yankee.
L'emprise des Etats-Unis sur le Mexique devient alors extrêmement forte :
politique, idéologique, économique : deux futurs présidents seront formés
à Harvard -tout en restant ironiquement membres du Parti Révolutionnaire institutionnel,
ministres, hauts fonctionnaires sont formés aux Etats-Unis et s'ouvre l'ère
des " maquiladoras " ces usines d'assemblage délocalisées des Etats-Unis qui
s'installent dans les provinces Nord du Mexique pour profiter de la faiblesse
des salaires mexicains.
5 - DOLLAR ET PETROLE : NOUVELLE EMPRISE ETASUNIENNE SUR LE MEXIQUE
La société nationale pétrolière PEMEX continue à fonctionner mais elle a tardé
à moderniser ses installations et à poursuivre ses recherches et au début
des années 70 elle n'assure plus la totalité de la consommation du pays. Cependant
elle n'a pas adhéré à l'OPEP et cette prudence vis-à-vis du grand pays voisin
lui vaut de bénéficier d'une immense sollicitude de ce dernier dés le premier
choc pétrolier de 1973. En effet, la riposte des grands importateurs à ce
choc est de pousser la production chez les non OPEP : Mexique, et en Europe,
producteurs en Mer du Nord : Norvège et Grande-Bretagne. Il faut donc intensifier
la recherche, ouvrir de nouveaux puits et accroître la production : PEMEX
s'y emploie activement en profitant de la hausse des prix internationaux de
l'or noir. Les Etats-Unis peuvent ainsi desserrer l'étreinte de leurs gros
fournisseurs OPEP : Arabie et venezuela. Pour accélérer ce bond en avant de
l'industrie pétrolière mexicaine il faut beaucoup d'argent, il faut acheter
beaucoup de matériel à l'étranger, et comme ce boom permet aussi de distribuer
un peu de pouvoir d'achat à la population, le Mexique, certain que cette embellie
pétrolière va durer, emprunte. Mais l'eldorado pétrolier ne durera pas 10
ans. A partir de 82, le prix du pétrole diminue, avant de s'effondrer en 86.
En même temps la réserve fédérale US qui règle au niveau mondial le cours
des emprunts en dollars augmente massivement ses taux d'intérêt. Le Mexique
est financièrement dans l'impasse : Les recettes diminuent, les remboursements
d'emprunts augmentent. En décembre 82, le peso est dévalué de 40 % et le Mexique
passe sous la coupe du FMI qui va l'utiliser comme principal cobaye de ses
politiques d'ajustement structurel. Tous les budgets sociaux sont sacrifiés.
PEMEX échappe cependant à la privatisation. Impossible de toucher à ce symbole
national et inopportun au moment où il importe d'affaiblir l'OPEP et donc
de na pas se fâcher avec un fournisseur fidéle et proche des Etats-Unis.
Pour les investisseurs US, l'écroulement du peso est une bénédiction car la
dévaluation de 82 est suivie d'autres au point que le dollar qui vaut 12,5
pesos en 1976, en vaut 150 en février 82, 245 en juillet 85 et 546 en Mai
86. En 86, le peso est à un quarantième de sa valeur de 76 ! Cet effondrement
qui étend la misère dans tout le pays profite aux investisseurs US : les salaires
des ouvriers/ouvriéres mexicain/es deviennent dérisoires. Pour autant le système
politique ne craque pas : la migration vers les Etats-Unis s'intensifie, de
nombreuses familles mexicaines survivent grâce aux envois des émigrés et le
gouvernement réussit à faire en partie oublier les énormes difficultés de
la vie quotidienne pour la majorité de la population en adoptant en politique
étrangère une attitude critique par rapport à la politique de REAGAN en Amérique
Centrale (Nicaragua, El Salvador, Honduras) et sur la question cubaine. Mais
ces années vont laisser des traces dans la politique intérieure du pays :
6 - L'INTEGRATION ECONOMIQUE
Tenu sous perfusion par les dollars du FMI et par les aides gouvernementalismes
US, le Mexique va finir par payer le prix de cette dépendance qui va passer
d'un état de fait à une réalité institutionnelle. D'abord le Mexique adhère
au GATT, l'ancêtre de l'OMC, en 1986 et accepte donc les régles générale du
libre-échange ensuite il signe avec les Etats-Unis et le Canada l'Accord de
Libre Echange Nord Amérique (ALENA) qui entre en vigueur le 01.01.1994.L'ALENA
concrétise la domination du plus fort des trois partenaires sur les deux autres
et en particulier des Etats-Unis, dont le PIB est 30 fois supérieur à celui
de son voisin du Sud, sur le Mexique. Marchandises et capitaux circulent librement
sans droits de douane et sans contrôle dans ce vaste marché de prés de 400
millions de consommateurs, le phénomène des "maquiladoras " s'amplifie atteignant
les régions du centre et du sud du pays, les produits de grande consommation
produits par les firmes Us envahissent le marché mexicain , les rachats d'entreprises
industrielles et de banques mexicaines par des capitaux US s'intensifient
, les produits agricoles mexicains subissent de plein fouet la concurrence
de productions US gorgées de subventions et d'OGM.
Dans le sens inverse, les Etats-Unis remplacent les droits de douane par des
réglementations tatillonnes qui freinent l'accès des produits mexicains sur
le territoire US. Comme toujours, entre deux partenaires dramatiquement inégaux,
la libéralisation ne profite qu'au plus fort. Comble d'affaissement le peso
est à nouveau dévalué en Décembre 1994 ce qui met sous la coupe des détenteurs
de dollars, étasuniens, voire japonais ou européens, la force de travail mexicaine
à vil prix. Cette nouvelle crise financière qui prélude les crises russe et
asiatique est l'occasion d'une intervention massive du FMI qui renfloue les
caisses mais impose des contraintes économiques toujours plus sévères et prend
cette fois une hypothèque sur les réserves pétrolières mexicaines. PEMEX est
toujours nationalisée, les ressources du sous-sol sont toujours propriété
d'Etat, mais ces richesses sont mises au clou !
Alimentée par la résistance armée des zapatistes au Chiapas * qui a élargi
son champ d'action politique à d'autre états de la fédération à travers le
FZLN ( front zapatiste de libération nationale), par une autre rébellion rurale
moins connue : l'ERP , et par des luttes syndicale fortes malgré l'étroit
contrôle de la direction syndicale par la PRI au pouvoir, la contestation
sociale va éroder le pouvoir du PRI, corrompu, usé par 70 ans de pouvoir ininterrompu,
de plus en plus complice de la mainmise des Etats-Unis sur le Mexique. Cependant
en l'absence d'expression politique nationale de cette opposition - les zapatistes
en particulier ne sont pas candidats au pouvoir - l'affaiblissement du PRI
va profiter à la droite qui remporte les présidentielles de 2000.
* nous avons pris le parti de ne pas accorder un long développement à la rébellion du Chiapas non pas que nous en minimisions l'importance, réelle et prolongée malgré la répression, mais parce qu'elle s'est donnée les moyens de ne pas être oubliée par les médias mondiaux, qu'elle a influencé d'autres mouvements indiens en Amérique Latine, qu'elle a clairement avec son mot d'ordre " Pas contre la couleur de la peau, mais contre la couleur de l'argent ! " annoncé que son combat n' était pas une défense d'une quelconque " ethnicité " supérieure et qu'elle est donc assez bien connue.
Le nouveau Président, VICENTE FOX, est un homme d'affaires, formé à Harvard, ancien PDG de Coca-Cola Mexique, personnage bien adapté au nouveau rôle assigné par Washington au Mexique : celui d'une simple filiale de la World Company couvrant le Mexique et l'Amérique Centrale. C'est donc FOX lui-même qui lance le Plan Puebla Panama (PPP) destiné à intégrer les Etats du sud de la fédération mexicaine - les plus pauvres - et les républiques d'Amérique Centrale à la grande zone de libre-échange de toute le continent américain (ALCA) que lancent les Etats-Unis avec l'ambition de faire, depuis le grand nord canadien jusqu'à la Terre de Feu, un immense marché où le dollar et la marchandise US (vendue par les firmes US même si elle est fabriquée en Chine !) circuleront sans contraintes. Le PPP consiste à quadriller les terres indiennes qui, du Chiapas au Guerrero, du Guatemala au Panama restent, par leurs luttes acharnées pour le maintien d'une agriculture nourricière peu polluante et d'une organisation collective et solidaire de la production, des foyers d'opposition à l'agrobusiness étasunien dévoreur de pétrole et de chimie. Quadriller c'est tracer routes et autoroutes, installer de nouvelles zones de maquiladoras à salaires encore plus bas que ceux pratiqués au Nord du Mexique, installer des plantations coloniales d'essences manipulées génétiquement - comme des plantations d'eucalyptus transgéniques à croissance accélérée - créer des ports pour évacuer directement les productions vers la Californie ou le Texas avec des coûts de transport beaucoup plus bas que ceux du transport par route et tout cela en grignotant les territoires de l'agriculture indienne. A ce quadrillage agro-industriel s'ajoute un quadrillage biologique en ce sens que des zones entières de ce vaste territoire livré aux appétits capitalistes sont vouées au pillage des exceptionnelles richesses botaniques qu'il recèle. Place aux multinationales du génie génétique et des biotechnologies qui vont faire main basse sur ce patrimoine exceptionnel et en le brevetant, gagner beaucoup d'argent sans beaucoup se fatiguer. Mais le Plan Puebla Panama a de la difficulté à se mettre en application. Les enjeux sont connus et très bien compris par les populations concernées.
7 - L'ARMEE MEXICAINE
Ce titre prêt à sourire. D'une certaine façon à juste titre car depuis la
Révolution le Mexique a consacré peu de moyens à son armée. Réalisme oblige
! Impossible de rivaliser avec le voisin du Nord et aucun danger du côté Sud.
L'armée qui existe cependant - elle compte environ 200 000 hommes - sert principalement
à la surveillance intérieure et quelquefois à la répression ouverte (2 octobre
68 ou interventions contre l'EZLN et autres mouvements armés). Les tâches
les plus meurtrières : assassinats de militants syndicaux ou de leaders paysans,
sont de plus en plus confiées à des paramilitaires.
Cependant sous la pression des Etats-Unis cette situation pourrait bientôt
évoluer. Un groupe de travail Canada-Etats-Unis- Mexique a été mis en place
pour actualiser l'ALENA. Composé de l'ancien vice-président canadien JOHN
MANLEY, de l'ancien gouverneur du Massachusetts WILLIAM WELD et de l'ancien
ministre des Finances du Mexique PEDRO ASPE, il vise à donner corps à une
politique commune dite de sécurité qui est en réalité une politique militaire.
On est en effet bien loin du discours (faussement) rassurant du libre-échange,
puisqu'il s'agit pour les Etats-Unis de faire admettre par ses deux partenaires
le principe d'un espace de sécurité commun, soi-disant pour faire face à un
éventuel danger terroriste en réalité d'une part pour étendre le commandement
militaire aérien US sur le territoire de ces deux voisins, d'autre part pour
faire superviser par l'armée US le bouclage de la frontière Sud du Mexique.
Ce projet devrait être rendu public cette semaine à l'occasion d'une réunion
des 3 chefs d'Etat : PAUL MARTIN, VICENTE FOX et DABELIOU BUSH
8- LA FRONTIERE
Pour les mexicains , parler de "la" frontière, c'est évidemment parler de
cette longue ligne de séparation qui court du Pacifique à l'Atlantique et
qui égrène sur son tracé son chapelet de villes jumelles : Tijuana/SanDiego
à l'Ouest, Ciudad Juarez/El Paso au centre, H.Matamoros/Brownsville à l'Est.
Depuis qu'elle a été tracée elle est le lieu où s'achève l'Amérique Latine
et où commence l'Amérique anglo-saxonne, elle est la limite entre le tiers-monde
et le monde riche, elle est l'endroit où les Etats-Unis manifestent concrètement
en exerçant la violence d'Etat, ce qu'ils attendent de leurs voisins du Sud
à commencer par le premier d'entre eux.
La frontière peut être ouverte largement, lorsque les USA en guerre ont besoin
de main d'œuvre pour faire tourner les usines d'armement, elle peut être fermée,
après la crise de 29 quand le chômage sévit aux Etats-Unis, elle peut être
entrouverte sélectivement pour les périodes de récolte dans les états du Sud,
elle peut être franchie avec un permis de séjour régulier, avec le concours
d'un passeur qui recrute pour un patron US des travailleurs temporaires "
clandestins " mais connus, elle peut être passée clandestinement, elle peut
être franchie pour longtemps - on compte 23 millions de résidents mexicains
aux Etats-Unis, ou quotidiennement pour aller faire les ménages ou la vaisselle
dans les motels et les restaurants du Nord, elle est dans tous les cas l'endroit
où un pays pauvre est confronté en permanence à l'insolence et l'autosatisfaction
de la richesse, l'endroit où la drogue produite au Sud arrive chez les consommateurs
du Nord, l'endroit où trains et camions apportent la marchandise produite
à bas prix au Sud arrive au Nord, l'endroit où l'industrie US du sexe recrute
son sous-prolétariat féminin. Surveillée militairement nuit et jour, survolée
par des hélicoptères, ébranlée par les coups de feu qui vont mettre fin brutalement
à tant de rêves de ne pas crever de faim, elle est marquée à l'Ouest par des
barbelés, à l'Est par un fleuve, mais partout elle est une fracture de l'humanité.
Jésus, le 5ème soldat mort au combat en Irak était mexicain
ENZO MANGINI - LA RETE CONSERVA ,un site qui recueille les biographies des
militaires tombés en Irak garde encore le flash de CBS daté du premier avril
2003.
" Le caporal de marines Jésus Suarez Del Solar, de Escondido, Californie,
en service dans le Premier bataillon motorisé de reconnaissance, de la Première
division des marines, est tombé au combat le 29 mars ". C'était le numéro
5, quand on avait encore le temps de donner une biographie, les mots de la
veuve et l'âge du fils laissé orphelin. Dans l'info de CBS par contre, il
y a deux mensonges. La première est que le caporal de brigade Jésus Suarez
Del Solar est mort le 27 mars et non le 29. La seconde, plus grave, est que
le caporal de brigade Jesus Suarez Del Solar n'est pas du tout mort au combat.
Il a mis le pied sur une " cluster bomb ", ou bombe à fragmentation, lancée
par les avions étasuniens. Les soldats irakiens, il ne les a même pas vus.
Par une froide après-midi de février, devant l'université de Rome Trois, Fernando
Suarez, père de Jésus, raconte l'histoire qu'il répète depuis presque deux
ans dans des dizaines d'écoles, aux Etats-Unis : " Trois ou quatre jours après
la mort de mon fils, un reporter de San Diego est venu me dire que mon fils
avait été tué par un feu ami. Je ne l'ai pas cru. Quelques jours plus tard,
arrive un journaliste de la télé et il me dit qu'il a les preuves que mon
Jésus a sauté sur une " cluster-bomb ". Trois versions différentes de la même
histoire. J'ai fait mes propres vérifications, avec les marines et avec les
camarades de Jésus, et j'ai découvert que la troisième histoire était la vraie
".
Son père, Fernando, raconte
La biographie de Jésus dit qu'il était né à Tijuana, Mexique, et qu'il avait
fait des études jusqu'au lycée, à Mexico. Tijuana est à la frontière entre
le Mexique et la Californie, terre d'émigration plus ou moins régulière, de
" coyotes " qui emmènent les candidats à l'émigration à travers le désert,
des cartels de narcotrafic. " Depuis toujours, Jésus voulait être policier,
pour combattre les narcos de Tijuana. Après, dans un des nombreux voyages
que nous faisions au-delà de la frontière, il a rencontré un recruteur des
marines qui lui a dit qu'avec une année dans les forces armées il pourrait
demander à entrer dans la DEA, l'agence anti-drogue des Etats-Unis, et combattre
encore mieux les narcotrafiquants ". En 1997 la famille Suarez déménage à
Escondido, en Californie, et Jésus s'inscrit peu après au lycée local. C'est
là qu'il rencontre le recruteur, un de ceux qu'on a vus à l'œuvre dans le
film Fahrenheit 9/11, de Michael Moore.
" Il avait dix-sept ans et demi quand il s'est engagé, l'âge minimal requis
par la loi. Nous ne l'avons plus revu pendant trois mois, ceux de l'entraînement
de base, et quand il est revenu pour la première fois, il nous a dit que l'agent
recruteur lui avait dit un tas de mensonges. D'abord, il ne pouvait pas partir
après un an après mais quatre. Ensuite, dans les marines, la discrimination
contre les latinos est très forte. Le 5 février 2003, son unité a été envoyée
en Irak. Jésus n'était pas d'accord avec la guerre, mais évidemment il ne
pouvait pas refuser de partir ".
Tué par une " cluster-bomb " US
C'est une chaîne de mensonges, qui commence avec le recruteur et finit avec
les deux marines qui se sont présentés le 28 mars chez Jésus pour apprendre
à sa femme la nouvelle de sa mort " au combat ", tué par les armes de destruction
de masse irakiennes. C'est pour cela que, le 3 septembre 2004, du parterre
de la Convention nationale républicaine à New York, s'élève une banderole
: " Bush lied, my son died ". Bush a menti, mon fils est mort. Celui qui brandit
la banderole : Fernando Suarez.
" Après la mort de Jésus ma vie a changé. Je suis entré dans l'association
des Military families speak out (Msfo, Le familles des militaires élèvent
leur voix, NDR) et j'ai commencé à participer à des rencontres, des conférences,
des débats. Je suis allé en Irak, à l'endroit où Jésus est mort, et pour connaître
les familles irakiennes, les parents des enfants tués par les marines. Mais
surtout, je vais dans les écoles pour expliquer aux enfants ce qu'est vraiment
la guerre et le service militaire. Au début ça n'a pas été facile : le gouvernement
fédéral assure plus de subventions aux écoles qui permettent aux forces armées
d'envoyer leurs agents recruteurs et du coup de nombreuses écoles ne voulaient
pas qu'aient lieu des manifestations pacifistes ou " antipatriotiques ". Je
ne veux pas mettre les écoles en difficulté, c'est pour ça que je fais attention
aux termes que j'utilise. J'y vais et je raconte l'histoire de mon fils, de
ce qu'il m'a dit et de ce qu'il a vécu chez les marines. Après je dis toujours
aux jeunes " faites ce que vous voulez, mais au moins maintenant vous en savez
un peu plus pour faire votre choix avec plus de discernement ". Désormais,
je suis allé dans presque 150 écoles de plus de 70 villes et je dois dire
que la réponse est, dans la grande majorité des cas, positive ".
Jésus, comme beaucoup de morts d'origine hispanique, n'avait pas la citoyenneté
étasunienne : " Les forces armées sont le seul travail que tu peux faire aux
Etats-Unis sans que la citoyenneté soit nécessaire -dit Fernando- et pour
moi c'est une forme de discrimination. Ensuite, si on regarde la composition
des forces armées, on peut voir que dans la marine et l'aviation, les jeunes
hispaniques sont 0,1 %, alors que dans l'infanterie et les marines ils sont
20-25 %. Ça aussi c'est une forme de discrimination : les recruteurs cherchent
les jeunes pauvres pour les unités les plus à risque, qui en plus sont les
moins payées ".
C'est l'engagement dans Mfso qui a aidé Fernando à surmonter la douleur de
la perte de son fils. " Nous sommes plus de deux mille familles, et personne
ne peut nous accuser de ne pas être impliqués ou d'être anti-américains, étant
donné que nos fils, filles, parents sont au front ou risquent d'y aller. Nous
voulons le retrait des troupes et la fin de la guerre. Dans tous les pays
qui ont des soldats en Irak, qui ont eu des morts, les familles devraient
parler et être écoutées. C'est justement parce que nous les soutenons, que
nous ne voulons pas que ceux qui nous sont chers reviennent chez eux dans
des cercueils, mutilés ou démolis psychologiquement à cause de ce qu'ils ont
vu et de ce qu'ils ont du faire. Les premières victimes de la guerre, en plus
des irakiens, sont les soldats qui sont allés combattre parce qu'ils ont cru
les mensonges du gouvernement. Le gouvernement nous ment, mais eux ils meurent
".
Extrait de Carta settimanale, Fiction e reality dans : CARTA Cantieri sociali,
numéro 9, 3/9 mars 2005
www.carta.org ; carta@carta.org
Traduit de l'italien par m-a patrizio
9 - LA SITUATION A UN AN DES PRESIDENTIELLES
FOX et l'ANP, qui n'a pas la majorité au Congrès, n'ont guère avancé dans
leur politique. Le PPP rencontre une hostilité marquée des populations concernées
majoritairement indiennes et en progresse que très lentement.
Ni l'EZLN, ni l'ERPI (Armée révolutionnaire du peuple insurgé) qui a succédé
à l'ERP n'ont été éliminées.
La résistance ouvrière à la surexploitation, alors que la répression va jusqu'au
meurtre, reste vive.
L'inféodation trop visible de FOX aux Etats-Unis et l'impopularité mondiale
de BUSH ouvrent largement la porte à une victoire électorale de la gauche
- PRD - aux présidentielles de 2006. Ce succès est çà ce point prévisible
que FOX a entrepris une manœuvre qui est un véritable coup d'état juridique
en tentant de faire invalider le candidat le plus dangereux du PRD (bien que
non encore officiel) : MANUEL LOPEZ OBRADOR actuel gouverneur du district
fédéral : MEXICO.
La privatisation de la PEMEX n'a pas été réalisée bien que l'éclatement effectif
en plusieurs sociétés spécialisées : extraction, transport, raffinage, distribution
en soit le prélude. La mobilisation des travailleurs du secteur est forte,
le niveau de leurs analyses politiques élevé et la partie sera difficile.
En attendant, au lieu d'intensifier la recherche pétrolière sous-marine à
grande profondeur qui s'avère très prometteuse dans tout le Golfe du Mexique,
le Mexique temporise alors que dans la partie US des eaux du golfe, les compagnies
US, prises d'une véritable frénésie, ont déjà foré 4000 puits. L'avenir de
ce nouvel eldorado pétrolier se joue entre les trois pays qui se partagent,
en application de la Convention internationale du droit de la mer, les eaux
du golfe : Etats-Unis, Mexique et Cuba. Que le Mexique et Cuba s'associent
dans cette exploration/exploitation et la face du monde pétrolier du continent
américain est changée. Au contraire, si PEMEX, qui vend aujourd'hui 50 % de
sa production aux Etats-Unis, tombe aux mains des multinationales US, Cuba
se retrouvera une nouvelle fois seul face au géant, un ennemi prêt à piller,
prêt à tricher sur les limites des eaux territoriales, prêt à menacer militairement,
prêt aux attentats, bref, prêt à tout et cette fois avec un enjeu économique
colossal.
Le Mexique, qui ne plie pas sur tous les sujets, a adhéré au G 20 qui défend
la position des pays du tiers-monde, Chine et Inde en tête, contre l'invasion
des produits agricoles subventionnés d'Europe et des Etats-Unis et il l'a
fait parce qu'aujourd'hui le Mexique, qui, comme on dit, a donné le maïs au
monde, importe du maïs, transgénique bien entendu, des Etats-Unis. ALENA oblige
!