Bulletins
Radio & débats
Sources
Contact

Bulletin 122

Semaine 14- 2005

La suisse de l'Asie Centrale ?

Une ancienne république soviétique de l'Asie Centrale vient brusquement d'arriver sous les feux des projecteurs médiatiques. Bien difficile de la nommer et d'orthographier son nom : KIRGHIZSTAN était l'ancienne appellation soviétique, après l'indépendance elle décida de s'appeler officiellement REPUBLIQUE KIRGHIZE et certains auteurs parlent plus simplement de KIRGHIZIE. Nous nous contenterons de cette appellation simple sachant que toutes les traductions de la langue kirghize, de la famille des langues turques issues historiquement des steppes mongoles, sont nécessairement approximatives.
Pourquoi, la Suisse ?
Parce que la Kirghizie est un pays très montagneux au point que la chaîne de TIAN CHAN qui la sépare de la Chine, avec laquelle elle partage 1200 km de frontière, culmine au dessus de 7000 m et vient donc juste derrière l'Himalaya parmi les plus hautes chaînes du monde. Le reste du pays n'est pas beaucoup moins montagneux au point que 90% du territoire est à plus de 1000 m d'altitude. Pas de surprise, la Kirghizie est verdoyante et champêtre : elle compte 10 millions de moutons et 2 millions de chevaux pour 5 millions d'habitants.
Une seule plaine, en l'occurrence un tout petit morceau de la riche vallée du Ferghana, découpée par Moscou selon un tracé incroyablement tortueux entre l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et la Kirghizie.
Cette masse montagneuse fait évidemment office de château d'eau régional et cette eau abondante peut devenir progressivement un facteur géopolitique important car les ressources des voisins mise à sont faibles. (La Chine a d'abondantes ressources en eau, en gros 25 % de l'eau douce mondiale mais la région frontalière de la Kirghizie est un désert : le Sin Kiang).
Dans le découpage économique de l'ex URSS la Kirghizie n'avait pas de spécialisation particulière : ni industrielle - les petites industries locales sont installées dans le Nord - ni agricole et elle se situait, vu son relief, à l'écart des grands courants d'échange. Peuplée majoritairement de Kirghizes, elle compte une forte minorité ouzbek dans le Sud et comptait une forte proportion de russes et d'ukrainiens pendant la période soviétique. Ceux-ci étaient surtout installés dans la capitale FROUNZE * rebaptisée BICHKEK après l'indépendance.

*le nom de FROUNZE lui avait été donné en hommage à celui qui fut ministre de la guerre de l'URSS après la mise à l'écart de TROTSKI

Comme partout dans l'URSS l'indépendance s'est faite dans le calme mais, à la différence de ce qui s'est passé dans les autres république d'Asie Centrale : Kazakhstan, Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, ce n'est pas un ancien dirigeant communiste local qui est resté au pouvoir mais un physicien, Président de l'Académie des Sciences de Kirghizie, sans passé politique, qui a pris les rênes du pays. Considéré par GORBATCHEV comme un symbole d'ouverture et de renouvellement de la classe politique et appuyé par celui-ci .ASKAR AKAEV, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est élu Président du Soviet Suprême en 89 et va se retrouver tout naturellement Président de la KIRGHIZIE indépendante en 1991. Il prend vite goût au pouvoir au point de se faire plébisciter en 1995 pour un nouveau mandat de 10 ans. La constitution ne lui permettant pas de se représenter, il allait achever ce mandat à l'automne 2005. Les événements de ces derniers jours n'ont fait qu'avancer l'échéance.
La Kirghizie indépendante :
Elle n'a pas retenu l'attention particulière des Etats-Unis car l'URSS n'y avait installé aucun armement stratégique, aucune base nucléaire ou de missiles intercontinentaux. Priorité était évidemment donnée au démantèlement de l'arsenal nucléaire de l'Ukraine et du Kazakhstan. ASKAR AKAEV a donc pris ses distances avec la Russie avec laquelle la Kirghizie n'a pas de frontière commune, a fait du kirghize la langue officielle à la place du russe, a ouvert le pays aux investisseurs étrangers ( la mine d'or qui constitue une des principales richesses du pays est aujourd'hui exploitée par une société canadienne), accepté les règles du jeu de la mondialisation au point de faire de la KIRGHIZIE la première république de l'ex URSS admise à l'OMC (1998). Autant de gestes qui furent appréciés à Washington. Cependant et comme nombre d'autres républiques ex soviétiques, La KIRGHIZIE ne souhaitait pas rompre avec Moscou, elle avait adhéré à la CEI et son maigre commerce extérieur restait majoritairement orienté vers les anciennes républiques de l'URSS.
Tout cela aurait dû suffire à garantir à ASKAEV et à son clan (ses rivaux le soupçonnaient d'organiser l'accession de sa femme à la Présidence de la République) une longue vie au pouvoir, dussent les mécanismes de la démocratie électorale en souffrir.
Survint en Octobre 2001 l'invasion de l'Afghanistan. Il fallut, pour assurer l'arrivée des troupes et du matériel US sur le terrain, puis celle des renforts et les relèves - l'armée US est sur place depuis maintenant 3 ans et demi et aucune date de retrait n'est annoncée même si comme en Irak le discours officiel annonce la construction progressive d'une armée nationale - mettre sur pied des circuits de transport sans passer ni par le Pakistan ni par le Tadjikistan, l'un et l'autre trop impliqués dans le conflit afghan. Bien que n'ayant pas de frontière commun avec l'Afghanistan, mais relativement plus calme, la KIRGHIZIE fut choisie. Les USA installèrent donc sur l'aéroport civil de Manas, à 30 kilomètres à l'ouest de Bichkek une grosse base de transit militaire occupant environ 3000 hommes qui sert de relais aux soldats intervenant en Afghanistan. Ils arrivent des USA dans des avions gros porteurs et sont ensuite acheminés par petites unités vers leurs bases afghanes dans des avions cargo Hercules de l'US AIR FORCE. Même chose en sens inverse pour les rapatriements. On trouve sur cette base tout ce qu'il faut pour la maintenance des avions, leur ravitaillement et pour l'accueil temporaire des unités combattantes. Symboliquement les Etats-Unis ont donné à cette base, qui est aussi utilisée par des contingents alliés, le nom de PETER GANCI, capitaine des pompiers de New-York, mort en service le 11 Septembre 2001. La bienveillance d'ASKAEV a été récompensée : l'entreprise fournissant le carburant pour les avions et la base US est dirigée par son gendre !
Mais la guerre en Afghanistan se poursuit et la KIRGHIZIE comme ses voisins se met à trouver cette présence étrangère un peu préoccupante car n'ayant désormais plus de terme prévisible. Cette inquiétude ressentie à Moscou et à Pékin, est partagée par le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan. Ces quatre républiques d'Asie Centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizie, vont donc s'impliquer plus étroitement dans l'ORGANISATION DE COOPÉRATION DE SHANGHAI (OCS) destinée à coordonner les activités de renseignement, de surveillance des frontières de ces 6 Etats qui a installé un bureau de coordination de la lutte anti-terroriste à BICHKEK et s'est doté l'année dernière d'un secrétariat permanent à Pékin. Dans ce contexte nouveau, la KIRGHIZIE décide également en 2003 d'accueillir sur son territoire une base aérienne russe à Kant à l'Est de Bichkek. La Russie et la Kirghizie ont beau expliquer qu'il s'agit d'une contribution à la guerre contre le terrorisme, qu'un mouvement islamiste, le Hizb-Ut-Tahrir Al Islami (HUT - parti de la libération islamique), ayant l'ambition de créer un nouveau califat en Asie Centrale menace le pouvoir kirghize, même s'il n'est pas encore passé à la lutte armée, cette installation déplait à Washington. L'équipe BUSH considère qu'il appartient aux seuls Etats-Unis d'organiser cette "guerre contre le terrorisme", et que cette nouvelle base aérienne russe à l'extérieur du pays, la seule et unique du genre, témoigne d'une méfiance nouvelle de la Russie vis-à-vis de la politique militaire des Etats-Unis en Asie.
L'étoile d'AKAEV va donc commencer à pâlir à Washington. Mécontents du renforcement de l'alliance militaire russo-kirghize et de l'établissement de liens réguliers avec la Chine (via l'OCS), les Etats-Unis vont commencer à préparer le remplacement d'AKAEV. Il faut bien comprendre que dans ces nouvelles républiques asiatiques, sans traditions démocratiques et sans argent, et la KIRGHIZIE est la plus pauvre d'entre elles, il suffit de quelques valises de dollars pour alimenter des ressentiments ethniques ou tribaux anciens - il y en a en KIRGHIZIE où le sud plus pauvre et à majorité ouzbek, considère qu'il est mal traité par la majorité kirghize du nord, ce même sud qui abrite la direction du HUT - et pour créer ex nihilo des journaux d'opposition, des sites Internet en anglais pour la diffusion mondiale, des radios " libres " et tous les moyens de la propagande interne et externe. Se mettent à l'œuvre quelques institutions US bien connues et qui ont déjà opéré en Ukraine : FREEDOM HOUSE dirigée par James Wolsey ex directeur de la CIA et représentée sur place par Mike Stone, la NED (Fondation nationale pour le développement de la démocratie) structure gouvernementale US qui finance l'association nommée " Société civile contre la corruption " et la Fondation pour une Société ouverte de multimilliardaire GEORGE SOROS.
L'objectif immédiat est permettre à l'opposition de gagner les élections législatives de Février 2005. (Ce ne sera pas une réussite et les opposants, qui n'ont pas d'élus, rebondiront en dénonçant la fraude électorale. Celle-ci est possible encore qu'elle n'ait pas été mise en avant par le représentant local de l'OSCE, organisme d'habitude très prompt à ce genre de dénonciation).
Les oppositions politiques réelles et structurées n'existant pas , il faut piocher dans le maigre personnel disponible c'est-à-dire utiliser des personnages dont le programme politique ne diffère guère de celui d'ASKAEV qui ont gouverné avec lui mais qu'il a écarté du pouvoir et ... de ses prébendes. Parmi eux : BAKAEV, ancien premier ministre et nouveau riche, récent bénéficiaire d'une bourse d'études aux Etats-Unis, homme du Sud sachant utiliser le mécontentement de la région contre le pouvoir central, qui va surgir sur nos écrans de télévision à la tête d'un petit " soulèvement populaire " parti du Sud où le pillage des magasins aura été le plus gros de l'activité des émeutiers.
Parallèlement à ces manœuvres politiques, l'ambassadeur des Etats-Unis en KIRGHIZIE affiche une nouvelle exigence militaire: il demande d'accueillir sur la base GANCI des avions radar AWACS. Il s'agit d'un changement important de vocation pour cette base : passer d'un lieu de transit de troupes et de maintenance des avions donc d'une simple base logistique à un point de surveillance de l'espace aérien d'Asie Centrale et d'organisation dans cet espace d'actions militaires aériennes, c'est-à-dire de bombardements ou de tirs de missiles. ASKAEV va refuser, ce qui le condamne définitivement aux yeux de Washington et ceux qui sont sélectionnés pour le remplacer ne pourront qu'accepter.
Au moment où nous écrivons la situation n'est pas encore stabilisée et de nouveaux soubresauts sont encore possibles, mais il convient de bien mesurer l'ampleur des objectifs poursuivis par les Etats-Unis dans ce changement de dirigeants et dans la transformation de la base de CHANGI en base militaire opérationnelle

Dans ces grandes manœuvres stratégiques pour le contrôle de l'Asie de l'Est et pour l'encerclement de la Chine - Taiwan au Sud, Japon et Corée du Sud à l'Est, Kirghizie au Nord - le petit peuple kirghize pèse de peu de poids, car son territoire montagneux constitue un véritable donjon au cœur de cet espace.

Chacun sait, depuis le Moyen Age, que le maître du donjon domine les campagnes avoisinantes.

Le loup dans la banque

La désignation de Paul Wolfowitz, actuel numéro deux du Pentagone, à la Présidence de la Banque mondiale, est logique. Le gang qui dirige les Etats-Unis est bien organisé et fonctionne désormais selon le scénario suivant :

Acte 1
Rumsfeld bombarde puis envahit un pays adverse.
La liste est tenue à jour et lue devant la foule par le garde-champêtre BUSH.

Acte 2
Rice installe sur des ruines un " gouvernement ami "

Acte 3
Wolfowitz finance, à la demande de ce " gouvernement ami " installé par Rice, la reconstruction de ce qui a été détruit par Rumsfeld

Acte 4
Les marchés de reconstruction payés avec les dollars du FMI sont attribués par ce "gouvernement ami" à Dick Cheney et à ses copains (Halliburton et autres)

Admirez au passage le montage financier :

Actes 1 et 2
Le contribuable américain paye (y compris avec son sang)

Acte 3
Les dollars du FMI sont pris dans la caisse commune à laquelle les Etats-Unis cotisent à proportion de leurs parts dans la banque (17%) il y a donc " mutualisation " du financement,

Acte 4
Tous les dollars reviennent dans la caisse des grosses entreprises US amies du pouvoir

Vous avez dit racket ? Oh le vilain mot !
Bien sur, les autres actionnaires du FMI l'ont mauvaise car ils aimeraient bien que leur contribution (acte 3) soient payée de retour, mais ils n'auront même pas l'audace de ne pas voter pour Wolfowitz !
Dans la pièce, ils jouent le rôle des cocus.

NDLR : on attend un nouveau Brecht pour l'écrire.

Il y a même du sentiment, la maîtresse de Wolfowitz, Shaha Riza, est en poste à la Banque Mondiale où elle a en charge les programmes de défense des droits des femmes - si, si, ça ne s'invente pas - et les femmes irakiennes dont les enfants souffrent de la guerre vont pouvoir lui demander d'intercéder en leur faveur.
Unité de lieu : tout se passe à Washington dans un périmètre extrêmement restreint, entre le Pentagone, la Maison Blanche, le Congrès, la Banque mondiale. Les protagonistes : ministres, sénateurs, lobbyistes peuvent se rencontrer tous les jours.
Pendant ce temps, dans le bureau ovale, BUSH, un grand garçon un peu immature qui certains jours se prend pour Charlie Chaplin dans le Dictateur, d'autres pour SCHWARZENEGGER, plante des drapeaux sur une planisphère.

Envoyer les manuscrits à COMAGUER.

Inde- Pakistan : BUSH relance la course aux armements

Après 15 années d'embargo, les Etats-Unis viennent d'accepter de livrer au Pakistan 24 chasseurs bombardiers F 16. C'est ce qu'a annoncé Condoleeza Rice à l'occasion de sa visite à Islamabad.
A son retour, BUSH lui a fait la bise car cette commande va donner du travail à 5000 ouvriers d'une usine Lockheed située au Texas.
Le gouvernement indien n'a pas tardé à réagir. Bien que son budget militaire ne lui permette pas de gros achats, il lui faut entretenir une armée qui, en effectifs, est la quatrième du monde, il a pris sans tarder quelques décisions immédiates:

et prévoit d'acheter ensuite des avions neufs en France : mirage 2000-5s, en Suède : JAS 39 et en Russie : Mig 29s.
En échange de ce cadeau aux militaires pakistanais, CONDOLEEZA RICE a mis le gouvernement pakistanais en demeure de ne pas laisser passer par son territoire un gazoduc projeté par l'Iran pour exporter sur le marché mondial.

L'agent orange, inoffensif pour les uns, pas pour les autres

Selon que vous êtes un civil vietnamien ou un soldat US, la dioxine contenue dans l'agent orange déversé par l'armée US sur les campagnes et les forêts vietnamiennes ne fait pas le même effet. C'est du moins ce que semble penser le juge new-yorkais entre les mains duquel des vietnamiens victimes, eux ou leurs enfants difformes et gravement handicapés, de ce poison, avaient déposé une plainte pour demander des réparations à l'image de ce qu'ont obtenu les soldats US victimes du même poison.
Les plaignants vietnamiens ont décidé de faire appel.

Actions