Semaine 15- 2005
Après les " Etats-voyous ", après " l'axe du mal ", voici les " Etats instables
".
Il ne s'agit pas d'un simple changement d'appellation car l'équipe BUSH II
bis est en train de passer d'une liste affichée de régimes ou de gouvernements
ennemis à une liste d'Etats instables tenue secrète et mise à jour deux fois
l'an. Au nom de l'expansion mondiale de la " DEMOCRATIE- MACDO " (les électeurs
sont une garniture coincée entre deux tranches de pain interchangeables qui
représentent l'alternance politique), les Etats instables peuvent faire l'objet
d' " interventions " de divers niveaux. Ca commence par l'envoi d'ONG fidèles
et subventionnées pour faire le diagnostic de l'état économique et social
du pays, détecter les opposants fiables, les former et les conseiller, ça
peut se poursuivre par l'assassinat de dirigeants encombrants - le nouveau
patron de la CIA, PORTER GOSS, a reconnu que cette activité ne lui était pas
interdite, ça culmine avec l'invasion militaire.
Cette liste sera établie par le Conseil National du Renseignement, service
du département d'Etat. Pour savoir qui sont ces " Etats instables " non cités
nommément, il faut interpréter les propos publics de Mme RICE. Dans une interview
au Washington Post, elle a déclaré que le statu quo au Moyen Orient n'était
plus acceptable et qu'il fallait du " changement ". Donc plus question de
mal incarné, d'armes de destruction massive, tous les dirigeants de la région
même les plus fidèles comme MOUBARAK en Egypte sont menacés. Ne seront reconnus
que les dirigeants mis en place directement par les Etats-Unis. Chaque nouveau
gouvernement ne doit plus être qu'un nouveau commissariat local de la police
globale, un service local de la multinationale US.
Comme l'indique HASSAN NAFAA professeur de Science Politique à l'université
du Caire il s'agit du choix délibéré du chaos. Cette politique est une tentative
d'application dans le monde des relations internationales des opérations pratiquées
par les directions des grandes entreprises transnationales qui vont du harcèlement
- déstabilisation de faible intensité -aux restructurations brutales et aux
licenciements - agressions massives.
Deux organismes étasuniens :
ont établi un bilan de l'aide financière ininterrompue accordée par les Etats-Unis
à l'Etat d'Israel depuis sa création.
A peu de choses prés, ils arrivent au même résultat en matière d'aide directe
: de 1980 à 2000 Israël a reçu environ 90 milliards de dollars d'aide publique
et les derniers versements atteignent 3 milliards par an à raison de 1,2 pour
l'aide civile et de 1,8 pour l'aide militaire. Mais le CRS s'en tient aux
sommes figurant clairement dans le budget d'aide voté par le Congrès qui fait
d'Irael le plus gros bénéficiaire d'aide US depuis la seconde guerre mondiale.
Il faut y ajouter des crédits du Ministère de la Défense versés au titre des
programmes de recherche et développement estimés par le WRMEA à 5 milliards
de dollars. A titre d'exemple, le développement des missiles anti-missiles
ARROW dérivés des PATRIOT US, celui des chars d'assaut MERKAWA, ou celui du
développement d'un modèle spécial de chasseur-bombardier F16 capable de faire
l'aller-retour Tel-Aviv -Téhéran sans ravitaillement sont en fait des aides
directes à Israël puisque ces armes n'ont aucun intérêt direct pour les Etats-Unis.
Mais les largesses ne s'arrêtent pas là :
Demander de l'aide aux USA est une habitude bien ancrée dans la classe dirigeante
israélienne. On vient ainsi d'apprendre que SHIMON PERES, Vice-premier Ministre
va aller demander une aide spéciale à Washington pour financer le retrait
des colonies de la bande de Gaza. La demande est claire : si Israël n'a pas
beaucoup d'argent pour installer très confortablement les colon de Gaza dans
le Néguev ou dans une autre région d'Israël, ces colons vont se fâcher et
comme ils sont armés, entraînés, bien organisés, la situation peut dégénérer
en guerre civile. C'est d'ailleurs ce que n'arrête pas de prédire l'ambassadeur
d'Israël en France. Cette inquiétude d'une guerre civile annoncée n'empêche
pas SHARON de dormir. Il connaît très bien tous les colons, les a aidés à
s'installer et il saurait certainement se faire obéir. Mais semer cette inquiétude
largement médiatisée permet, d'une part de faire pression sur l'Autorité Palestinienne
pour qu'elle assouplisse encore ses positions, désarme les groupes palestinien
armés, d'autre part de tendre la main à BUSH pour financer les déménagements.
Si les colons passent à la lutte armée ce sera dans le cadre d'une stratégie
à la colombienne : les "paramilitaires" comme on les appelle là-bas, les colons
ici, étant le bras caché du gouvernement pour les "sales besognes" et l'Etat
israélien pouvant se vêtir de probité candide et de lin blanc pour "séparer
les terroristes". Inutile de préciser qu'un Etat qui pratique ce genre de
politique s'aventure en dehors des limites de la démocratie et peut en mourir.
La demande de PERES s'élève à 500 milions de dollars soit la moitié du budget
estimé pour l'évacuation de GAZA - colons et installation militaires comprises
- et sans cet argent le retrait de GAZA soutenu par BUSH ne peut pas avoir
lieu ...
Conclusions :
Tant que cette aide massive continuera toutes les annonces de " feuille de
route ", " plan de paix ", " climat nouveau " au gré du bavardage médiatique
ne seront que leurres, billevesées, trompe-l'œil et faux semblants.
Si les Etats-Unis veulent vraiment la paix au Moyen-Orient ils n'ont qu'à
fermer le robinet et lever leur veto aux résolutions du Conseil de Sécurité
concernant la Palestine. Tout le reste est mystification.
On sait qu'en matière d'armes nucléaires, la doctrine israélienne a été joliment
dénommée : "AMBIGUÏTÉ STRATÉGIQUE ".
Il s'agit de produire en abondance (loin derrière les Etats-Unis et la Russie
mais probablement autant que la Chine aujourd'hui, Chine qui devient elle
le dernier épouvantail à la mode) des armes nucléaires et les moyens - vecteurs
- de les lancer sur la cible mais de ne jamais reconnaître leur existence.
Les Etats-Unis s'étaient jusqu'à présent toujours fait les complices de ce
secret de Polichinelle. Ils viennent de sortir de leur silence. Ils l'ont
fait par la voix de deux officiels : JACKIE WALCOTT SANDERS et MARK FITZPATRICK,
inconnus du grand public, mais qui vont représenter les Etats-Unis à la conférence
sur le bilan du Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP) qui doit s'ouvrir
aux Nations Unies le mois prochain.
Comme ils ont reçu comme consigne de renforcer les contraintes du TNP et de
tout faire pour que de nouveaux pays n'accèdent pas à l'arme nucléaire, à
commencer par l'Iran, ils sont obligés, pour ne pas paraître ridicules de
reconnaître que 3 pays n'ont pas, en pleine connaissance de cause, signé le
TNP et se sont dotés de l'arme nucléaire : L'Inde, le Pakistan et Israël et
qu'il s'agit d'un très mauvais exemple à ne pas suivre. Ils prennent donc
les devants et répondent par avance aux réactions des diplomates iraniens
et probablement de quelques autres qui ne manqueront pas d'observer qu'aucune
sanction n'est prévue (ni a fortiori appliquée) pour les pays qui ne signent
pas le TNP et qui donc font "proliférer" librement l'arme atomique . Que fait
le Conseil de sécurité vis-à-vis de ces "proliférateurs" ? RIEN.
La Corée du Nord, à l'origine signataire du TNP, a d'ailleurs tiré les conséquences
de cette incohérence en suspendant son adhésion au traité.
Bien sûr, ces propos de circonstance de personnages intermédiaires ne changeront
rien au soutien sans faille de BUSH aux 3 non signataires qui restent des
pays amis.
Les braves fonctionnaires US qui vont déplorer l'armement nucléaire israélien
sont tout simplement ridicules. Mais ils sont (bien) payés pour ça et ne boudons
pas notre plaisir quand, pour une fois, des représentants officiels US disent
une vérité sur Israël.
La carte qui suit est une version française et une adaptation réalisées par
l'équipe COMAGUER d'un document publié par une fondation étasunienne, la Carnegie
Endowment for Peace et en libre accès sur le net. Pour ne pas la surcharger
inutilement nous n'y avons pas fait figurer toutes les bases mentionnées dans
le cartouche en bas à gauche pas plus évidemment que les sous-marins lance-
missiles qui patrouillent en Méditerranée et en Mer Rouge. Les hauteurs du
Golan, territoire syrien, sont occupées par Israël depuis 1967 et la Cisjordanie
sous autorité palestinienne (West Bank) est, pour cause de mur et de colonies
plus petite aujourd'hui que sur la carte.
cliquer sur l'image pour la taille normale
Double jeu des Etats-Unis
La désignation de JOHN BOLTON à la tête de la représentation des Etats-Unis
à l'ONU a pu surprendre tant ce personnage a manifesté, avec constance et
arrogance, d'hostilité publique à l'institution dont il a même souhaité la
disparition.
Elle a pourtant sa logique :
L'ONU est une institution à laquelle la majorité des Etats, et surtout ceux
qui n'ont qu'une petite place dans le concert des nations, sont attachés car
ils peuvent un peu s'y faire entendre et à l'occasion y obtenir une aide.
Les Etats-Unis y resteront donc car c'est un endroit où ils peuvent exercer
des pressions, menacer, affaiblir la position diplomatique de tel ou tel,
faire voter des sanctions. En même temps, le choix de BOLTON confirme que
l'équipe BUSH est décidée à s'affranchir chaque fois qu'elle le décide, de
toute tutelle des Nations Unies, à violer sa charte (sans qu'il n'ait jamais
été question d'une sanction pour ce viol délibéré), ce qu'elle a fait pour
l'invasion de l'Irak, ce que CLINTON avait fait pour le bombardement de la
Yougoslavie.
Les Etats-Unis méprisent l'ONU, continueront à la mépriser et BOLTON ne manquera
jamais une occasion de le dire, mais ils y resteront pour la contrôler et
pour l'empêcher de prendre des positions qui seraient contraires à leurs intérêts
impériaux en rappelant haut et fort qu'ils sont les principaux financeurs
de la structure.
Abondance de candidatures au Conseil de Sécurité
Peu de grandes déclarations, peu de prises de position officielles, mais les
coulisses de la grande politique internationale sont toutes bruissantes des
projets de réforme de l'ONU et en particulier de la réforme de l'organe dirigeant
: le Conseil de Sécurité.
Celui-ci devrait s'élargir à 24 membres au lieu des 15 actuels et ouvrir ses
portes à une série de nouveaux membres permanents. Mais les candidatures abondent
et la sélection s'annonce difficile. L'Amérique latine devrait être représentée
mais il va falloir choisir entre le Brésil et le Mexique. Lula est plus actif
sur la scène internationale que le président mexicain Fox mais il doit prendre
garde à ne pas trop s'opposer aux Etats-Unis sinon ...
La candidature de l'Inde, puissance nucléaire, ne semble poser de problèmes
qu'à son voisin Pakistanais. Mais celui-ci a obtenu des compensations sous
forme d'une levée de l'embargo sur les fournitures d'armes US concrétisée
bientôt par la livraison de chasseurs F 16. En échange le Pakistan va autoriser
l'usage par l'US AIR FORCE de bases pakistanaises proches de la frontière
iranienne.
Ce n'est pas le cas de celle du Japon qui doit prendre garde à ne pas susciter
trop d'hostilité de la Chine alors que la pression des Etats-Unis le pousse
à un durcissement des ses rapports avec Pékin. La tension manifeste ces derniers
jours entre les deux pays y trouve son origine.
L'Europe qui a déjà trois sièges - si l'on compte la Russie - sur 5 permanents
aux Conseil de sécurité devra choisir un nouveau membre. L' Italie, où le
résultat des élections régionales va accentuer la crise politique, ne sera
probablement pas récompensée de la soumission complète de Berlusconi (comme
de ses prédécesseurs) aux Etats-Unis et le nouveau venu européen sera sans
doute, malgré l'hostilité italienne affichée, l'Allemagne. Celle-ci verra
ainsi satisfaite son ambition d'avoir un rôle politique international conforme
à sa puissance économique, la première dans l'Union européenne.
Même si elle a pris ses distances avec la politique de Bush en Irak, l'Allemagne
a par ailleurs participé très activement aux activités de l'OTAN en d'autres
lieux : ex Yougoslavie et Afghanistan et les Etats-Unis lui en sont très reconnaissants.
Deux places sont réservées à l'Afrique. Trois candidats : Afrique du Sud,
Egypte et Nigeria sont en lice mais l'Union Africaine semble décidée à faire
elle-même son choix à l'abri des pressions extérieures
D'ici la décision finale - prévue pour l'automne - qui devra obtenir l'accord
des 5 membres permanents du Conseil et des deux tiers de l'assemblée générale,
cette compétition va avoir une grande influence sur les rapports internationaux,
mais il en sera peu question officiellement car il s'agit d'une réforme, la
première d'importance depuis la création des Nations Unies, qui va officialiser
la liste des nouvelles puissances et vraisemblablement y réintégrer les vaincus
de la seconde guerre mondiale.
Ce mot qui a quasiment disparu du vocabulaire courant des dirigeants politiques
occupe encore quelques diplomates qui, loin des projecteurs, dans de discrètes
réunions internationales dont ils sont presque les seuls à parler, s'évertuent
à proposer des mesures de désarmement. Les résultats sont donc bien maigres
et risquent de le rester tant que les Etats-Unis n'abandonneront pas leur
politique belliciste et ne renonceront pas à la menace qu'ils font peser sur
l'ensemble de la planète.
Deux continents ont cependant donné un bon exemple : l'Afrique et l'Amérique
Latine qui ont décidé collectivement de renoncer à l'arme nucléaire. Ce n'est
pas tout, mais c'est la preuve que des dirigeants politiques peuvent être
assez raisonnables pour ne pas jouer leurs peuples au poker menteur de la
dissuasion nucléaire.
Le projet de traité constitutionnel européen n'utilise lui-même le mot de désarmement qu'une seule fois Article III - 120 - 1 mais il ne s'agit pas d'envisager d'être un continent pacifique, il s'agit de désarmer les " autres ". Qui ? Le traité est silencieux ...
Le naïf de service pourrait imaginer que le désarmement consiste à désarmer d'abord ceux qui sont armés plutôt qu'à stigmatiser ceux qui pourraient l'être. Mais il n'en va pas ainsi dans le monde néocolonial et post démocratique dans lequel nous vivons. Les surarmés veulent désarmer ceux qui le sont moins. Nous assistons à l'auto-institution d'une police mondiale : quelques pays s'arrogeant le privilège du " monopole international de la violence légale ", pour reprendre l'expression que Max Weber utilisait pour les Etats nationaux.