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Bulletin 128

Semaine 22- 2005

L'étrange M. BARROSO

Une motion de censure vient d'être déposée au Parlement européen contre le Président de la Commission, qui avait déjà du se débarrasser d'un commissaire italien réactionnaire et encombrant, ROCCO BUTTIGLIONE (pas de souci pour ce dernier, BERLUSCONI l'a gardé comme Ministre de la Culture dans son nouveau gouvernement). Voir texte ci-après, diffusé par " Objectif civique 2007 "

C'est à peine croyable mais pourtant vrai
Une motion de censure a été déposée au Parlement européen le jeudi 12 mai contre le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, il y a maintenant plus de huit jours. Elle sera discutée le 25 mai lors d'une mini-session à Bruxelles et soumise au vote lors de la session qui se tiendra à Strasbourg entre le 6 et 9juin.
En avez vous entendu parler? Avez-vous lu quelque chose là-dessus? Si vous lisez la presse européenne, il y a des chances. Si vous lisez la presse française, si vous écoutez les radios et regardez les télés françaises en revanche.
C'est comme si toutes les rédactions avaient décidé de ne pas en parler A part une allusion dans un article du Figaro (19 mai), vite retiré de son site Internet, à part un article dans Politis (19 mai), rien de rien.
La motion de censure reproche à Barroso d'avoir menti en affirmant que la Commission n'avait pas intercédé en faveur de Spiro Latsis, un milliardaire grec (54e fortune mondiale) sur le yacht duquel le président de la Commission, nommé mais pas encore investi) a passé des vacances l'été dernier, tous frais payés. Ces vacances de luxe ont été révélées à la mi-avril par Die Welt (beaucoup de journaux ont repris l'info, mais en France seulement l'Humanité). Barroso a été prié de s'expliquer devant le Parlement mais s'est contenté de le faire dans une lettre adressée le 22 avril au président du Parlement européen, Josep Borell. Et c'est là qu'un hebdo espagnol de gauche, La Clave (6 mai), a retrouvé des documents où la Commission appuyait un projet d'oléoduc d'une société où Spiro Latsis a une grosse participation.
C'est tellement gênant, à l'approche du 29 mai (France) et du 1er juin Pays-Bas) que seuls les députés eurosceptiques et europhobes sont montés au filet et ont déposé une motion de censure. Motion aussitôt dénoncée par les 4 principaux groupes du parlement (PPE, PSE, Verts, Libéraux et démocrates) dans un communiqué commun. Cette sainte alliance a dû suffire à impressionner toute la presse française.
Comme le nuage de Tchernobyl, l'info s'est arrêtée à nos frontières. Si vous voulez savoir ce qui se dit au-delà, tapez Barroso et Spiro Latsis dans Google.
C'est fou tout ce qui s'accumule sous le tapis en prévision du 29 mai.

Cette motion qui n'est soutenue ni par la droite ni par les socialistes ne passera pas
Mais revenons sur l'étrange MANUEL DURAO BARROSO
Né dans une famille de la petite bourgeoise dans la région la plus conservatrice du Portugal : le Tras Os Montes, il fait irruption sur la scène politique portugaise après la révolution des œillets. Militant à l'Université de Lisbonne on le retrouve très vite dans le groupe dirigeant d'un étrange parti maoïste : le MRPP, " Mouvement pour la Réorgansiation du Parti du Prolétariat ". Il ne semble pas qu'il ait milité contre la dictature fasciste avant le 25 Avril 1974.
Le MRPP est très actif, en milieu étudiant mais également chez les ouvriers. Mais son principal adversaire est le Parti Communiste Portugais. Le MRPP qui développe la théorie des deux impérialismes, également dangereux et également à combattre : d'un côté l'impérialisme classique regroupé derrière les Etats-Unis, de l'autre le " Social-impérialisme ", c'est-à-dire le camp de l'URSS. Tous ses tracts sont des attaques contre le PCP et ses militants ne dédaignent pas les batailles rangées avec ceux du PCP, n'hésitent pas à incendier les permanences du PCP.
Le 25 Avril 1974, l'armée et les auteurs du coup d'Etat militaire non violent - en ce sens que l'armée n'a pas volontairement fait usage de ses armes - qui a renversé la dictature portent à la tête de l'Etat un vieux général conservateur SPINOLA avec le souci de ne pas se diviser et de donner la parole au peuple. Et le peuple : ouvriers paysans, femmes, jeunes ..., prend la parole dont il avait été si longtemps privé. D'abord " sonnée ", la droite prend peur et en Septembre 1974 SPINOLA qui a regroupé derrière lui ses forces- y compris les nostalgiques de la dictature - tente un putsch pour arrêter le mouvement populaire. Empêché par une forte mobilisation populaire : barricades dans les rues, manifestations de masse, et par la division des chefs militaires qui majoritairement se désolidarisent de lui, le putsch échoue. A partir de ce moment là, la révolution portugaise devient un vif sujet d'inquiétude aux Etats-Unis où la crainte principale est que, après l'éviction de SPINOLA, le pouvoir reste aux mains de généraux ou d'officiers supérieurs officiellement proches du Parti Communiste (comme le Général Vasco Gonçalves qui occupe le poste de Premier Ministre) ou encore plus à gauche et plutôt d'orientation tiers-mondiste (comme OTELO DE CARVALHO) et que ceux-ci fassent sortir le Portugal de l'OTAN.
Les Etats-Unis vont donc envoyer à l'ambassade de Lisbonne une grosse pointure : FRANK CARLUCCI, qui a déjà organisé l'assassinat de PATRICE LUMUMBA au Congo, et aura pour mission de favoriser tous les courants, quel que soit leur bord politique, hostiles au PCP et aux généraux procommunistes ou neutralistes. Le MRPP sera évidemment du nombre et il est possibls que BARROSO ait alors fait connaissance avec CARLUCCI. A tout le moins, en sa qualité de dirigeant du MRPP il est évidemment connu de CARLUCCI même s'ils ne se rencontrent pas et son nom demeurera bien placé dans les fichiers de la CIA comme antisoviétique acharné.
Nous n'abordons pas ici la question de la division du monde communiste entre prochinois et prosoviétiques, exacerbée par la Révolution culturelle, question immense et qui dépasse évidemment le cadre d'un simple bulletin mais qui a connu une phase très intense et dont l'antagonisme PCP /MRPP donne un petit aperçu. Cet antagonisme trouvera un pendant particulièrement long et sanglant en Angola, où la guerre civile mettra face à face pendant presque 25 ans le MPLA, prosoviétique qui est au pouvoir et recevra l'appui militaire de Cuba et l'UNITA prochinoise. Une fois lancée, cette guerre civile, qui a ruiné le pays, continuera malgré la disparition de l'URSS et la réorientation de la politique chinoise après la mort de MAO, les Etats-Unis et l'Afrique du Sud (jusqu'à la fin de l'apartheid) soutenant l'UNITA bien après que ce parti ait abandonné toute référence maoïste.
CARLUCCI, secondé dans sa tâche par le fameux IRVING BROWN, spécialisé dans la fabrication de syndicats anti-communistes, joue la carte du PS portugais et d'un général centriste. La manœuvre est appuyée par tous les grands médias occidentaux et le leader du PS, MARIO SOARES, revenu de son exil français arrive au gouvernement en 1976. Il est nommé Premier Ministre par le Général EANES qui vient d'être élu à la Présidence de la République. Les généraux procommunistes et les ministres communistes sont alors écartés du pouvoir. Le MRPP fait campagne pour l'élection du général EANES, le candidat du camp occidental. La candidature EANES est fortement appuyée par les présidents CARTER et GISCARD D'ESTAING et par HELMUT SCHMIDT, et son élection clôt la période révolutionnaire.
A l'issue de cette période, le Portugal s'est doté d'une des constitutions les plus progressistes d'Europe mais n'est pas sorti du système d'alliance militaire occidental et sa bourgeoisie locale, bien soutenue par les Etats-Unis et ses voisines européennes, a repris doucement les rênes en mettant un social-démocrate à la tête du pays avant d'y réinstaller la droite, la transition faite. Elle pourra, dés 1977, frapper à la porte de l'Union européenne.
BARROSO se met alors à chercher une nouvelle voie plus conforme à ses ambitions. Fini le " maoïsme " débridé et l'agitation politique, il suit une formation aux affaires européennes en Suisse et entame avec détermination une carrière au sein du parti de centre-droit, le Parti Social démocrate, qui va le conduire par étapes et rapidement jusqu'au poste de Premier Ministre et de là à Bruxelles, à la tête de la Commission Européenne. Pendant tout son parcours il gardera des liens étroits avec les Etats-Unis en allant y parachever ses études universitaires.
A cette époque, CARLUCCI, qui, après avoir quitté le Portugal était devenu n°2 de la CIA, est devenu ministre de la Défense de REAGAN et il est aujourd'hui très proche de RUMSFELD et PDG du groupe CARLYLE, groupe financier puissant qui compte parmi ses actionnaires BUSH senior et quelques autres citoyens US du même gabarit, l'ancien premier ministre JOHN MAJOR et quelques membres de la richissime famille BEN LADEN. Pour mémoire, le 11 Septembre 2001 au matin le Conseil d'administration du groupe CARLYLE est réuni dans un grand hôtel de New-York et le lendemain les saoudiens qui y participaient seront mis dans un avion spécial qui les ramènera dans leur pays alors que le ciel des Etats-Unis est fermé à tous les vols civils. Il fallait éviter que les " honorables " membres de la famille BEN LADEN actionnaires de CARLYLE, soient confondus par des citoyens US en colère et en deuil avec le diable OUSSAMA.
BARROSO est ambitieux et opportuniste mais dans son parcours, de l'extrême gauche à la droite, il y a une constante : la fidélité aux Etats-Unis. Il l'a encore manifestée avec éclat quand, Premier Ministre du Portugal en 2003, il a accueilli aux AÇORES, archipel portugais au milieu de l'Atlantique, le sommet BUSH, BLAIR, AZNAR, BERLUSCONI qui fut l'occasion pour les chefs de la coalition d'annoncer au monde que l'Irak allait être envahi quelques jours plus tard, sans mandat et en violation de charte des Nations Unies.
L'équipe BARROSO à Bruxelles est largement à l'image de son chef et ne peut sur tous les dossiers européens que prendre des positions qui ne nuisent pas aux intérêts des Etats-Unis.

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