Semaine 24- 2003
Bulletin n° 66 - semaine 24- 2003
REARMEMENT DU JAPON
Le parlement
japonais vient d'adopter trois lois qui altèrent la constitution pacifiste
du pays et vont permettre " en cas d'urgence " de mettre le pays en état
de guerre .Quelle évolution depuis 1945 ! Après les bombardements d'Hiroshima
et Nagasaki et la capitulation du pays, les Etats-Unis ont imposé au pays
une constitution dont l'article 9 est ainsi libellé " Le peuple japonais
renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation. "
Ce renoncement a été accepté par un peuple qui sortait de 14 ans de guerre
(la guerre contre la Chine avait commencé en 1931) et avait perdu trois
millions de personnes (civiles et militaires) pendant le conflit. Mais la
guerre froide allait paradoxalement faire du Japon - pays extrême-oriental
- un des bastions de " l'Occident ".
Les Etats-Unis décidèrent donc :
Dès 1948,
ces forces de défense comptaient 150 000 hommes et étaient chargées en particulier
de protéger les bases et les ressortissants US. La guerre de Corée fournit
l'occasion de doubler les effectifs et la plupart des officiers de l'ancienne
armée impériale retrouvèrent donc leur poste. La situation nouvelle fut
officialisée par le traité de paix de San Francisco en 1951. Ce traité transformait
le Japon en allié militaire des Etats-Unis, autorisait le maintien indéfini
des bases US sur le sol japonais et encourageait le Japon à assumer la responsabilité
de se défendre contre toute agression, directe ou indirecte. Le Japon est
ainsi redevenu progressivement une puissance militaire - parmi les toutes
premières du monde - à laquelle il ne manque que l'arme nucléaire. L'armée
japonaise compte aujourd'hui 240 000 soldats. Le Japon a depuis cinq ans
dépensé environ 50 milliards de dollars pour l'équipement et le fonctionnement
de son armée ce qui, en termes financiers, place ce pays au second rang
dans le monde derrière les Etats-Unis. Il s'agit d'une armée très moderne,
maîtrisant toutes les techniques de la guerre électronique. Face à la montée
en puissance de la Chine, face à la crainte qu'inspire la Corée du Nord,
la classe dirigeante japonaise parle de plus en plus ouvertement de doter
le pays de l'arme nucléaire.Ce passage serait techniquement très facile
: le Japon qui, comme la France, manque de pétrole a fait le choix d'une
industrie nucléaire civile très développée, dispose d'un personnel spécialisé
de très bon niveau et de plutonium en abondance. Reste à obtenir l'indispensable
accord des Etats-Unis. Ce ne devrait pas être bien difficile, les Etats-Unis
jouant les hypocrites mais laissant faire comme ils ont laissé faire Israël
et la soi-disant menace Nord Coréenne servant de justification aux yeux
de l'opinion publique. Rappelons à ce sujet que la Corée du Nord qui vit
sous la menace des armes nucléaires US déployées en Corée du Sud, au Japon
et sur les porte-avions de la VII° flotte, demande à négocier avec les Etats-Unis
un traité de non-agression mais qu'elle ne reçoit pas de réponse.
Le principal obstacle à la nucléarisation de l'armée japonaise risque d'être
le peuple japonais lui-même qui n'a jamais cessé depuis 1945 d'entretenir
le culte des victimes des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki et à qui
il sera difficile de faire admettre que le temps du pacifisme est passé.
La voie d'un renouveau du nationalisme militaire japonais est donc étroite,
mais elle est désormais ouverte. Ce grand changement a été immédiatement
perçu au Japon et les premières protestations populaires ont déjà eu lieu
à l'appel de syndicats au moment du vote des nouvelles lois.
En même temps le premier ministre sud-coréen en visite officielle au Japon
a témoigné très diplomatiquement de son inquiétude face à la remilitarisation
du Japon qui rappelle aux coréens , qu'ils soient du Sud ou du Nord, les
très fâcheux souvenirs d'une occupation brutale et prolongée de leur pays.
Pour bien comprendre les sentiments de nombreux japonais face aux armes nucléaires, nous vous recommandons le film " Guerre et paix ". Ce film remarquable, réalisé par le cinéaste indien ANAND PATWARDHAN a reçu de nombreux prix internationaux. A la lumière du face à face menaçant entre l'Inde et le Pakistan, tous deux détenteurs de l'arme atomique, il est l'occasion d'une enquête complète et passionnante sur cette arme de destruction massive qui reste, aujourd'hui encore, l'arme absolue. Le réalisateur, après avoir donné la mesure de l'hystérie nationaliste guerrière qui s'est emparée de ces deux pays depuis qu'ils ont " la " bombe, nous conduit chez ceux qui l'ont subie: à Hiroshima, et chez ceux qui l'ont conçue et lancée : aux Etats-Unis. (Si vous désirez obtenir la cassette VHS du film...)
G8 : LA GUERRE ENCORE ET TOUJOURS
Bien qu'il
ait été considéré comme un sommet pour rien, le G8 d'Evian s'est en matière
de relations internationales aligné bien sagement sur les priorités de Georges
Wehrmacht Bush. Ainsi le communiqué final s'inscrit bien dans la logique
de " l'Axe du mal ". L'Iran et la Corée du Nord y sont donc montrés d'un
doigt menaçant en raison de la volonté affichée du G8 d'éviter la prolifération
de l'arme nucléaire. Pas un mot bien sûr, dans le sens du désarmement de
ceux qui possèdent les plus gros stocks d'armes nucléaires et qui, à l'exception
de la Chine et d'Israël étaient tous présents à Evian (l'Inde et le Pakistan
n'ont, pour le moment, que de petits stocks). Le G8 donne également un coup
de chapeau à " la feuille de route " quasi mort-née au Moyen-Orient et affirme
soutenir les efforts du gouvernement de Kaboul pour diriger tout l'Afghanistan
alors que tous les pays présents savent qu'Hamid Karzai ne maîtrise pas
grand-chose et que les forces internationales de " maintien de l'ordre "
sont de plus en plus attaquées.
En ce qui concerne l'Iran, la préparation de l'opinion publique par les
médias commence suivant un schéma déjà expérimenté pour l'attaque de l'Irak.
On va mettre en scène deux camps : les faucons (en anglais les neocons)
de Rumsfeld et les colombes de Powell pour nous maintenir en haleine devant
le film alors que les décisions seront déjà prises à huis clos. A suivre
également avec attention : le mouvement démocratique contre la dictature
islamiste qui s'exprime de plus en plus fort en Iran mais qui devra éviter
d'être instrumentalisé par la CIA qui connait bien le pays et y a déjà beaucoup
sévi.
CONGO : UN MINERAI RARE ET CHER
Pour compléter
notre précédent bulletin nous présentons un nouvel enjeu économique des
affrontements en cours dans l'Est du Congo : le COLTAN.
Le Coltan est
un minerai composite de colombite et de tantalite. Il est aujourd'hui extrait
principalement en Australie mais l'est du Congo renfermerait 80 % des réserves
mondiales. Le tantale, métal rare et lourd qui en est extrait, est très
utilisé dans les téléphones portables.
En raison d'une demande croissante, son prix n'arrête pas de grimper. Il
atteignait déjà 400 $ le kilo début 2002 et les principaux fabricants de
portables (Nokia, Sony, Ericsson...) se battent pour l'acheter.
Au Congo la recherche du Coltan se fait comme autrefois celle de l'or au
Far West : à la pelle et à la pioche.Depuis plusieurs années, de nombreux
paysans de l'Est du Congo (province de l'Ituri) ont abandonné leurs cultures
pour se transformer en chercheurs de COLTAN. Bien entendu, ils ne maîtrisent
pas la commercialisation et ce sont des intermédiaires armés qui transportent
et vendent à l'extérieur, en Ouganda et au Rwanda. Ces intermédiaires prélèvent
une marge importante et peuvent ainsi se fournir régulièrement en armes
et en munitions.Un bon mineur peut extraire un kilo de minerai par jour
et il est payé sur la base de 10$ par semaine : un peu plus de 1$ le kilo,
calculez la marge du revendeur !