Semaine 43 - 2003
Agitation militaire
au Moyen-Orient
Outre l'annonce - officieuse et contestée par certains experts - de l'armement
nucléaire de ses 3 sous-marins, annonce destinée à impressionner l'Iran, Israël
en bombardant en Syrie a fait monter la tension régionale d'un cran et l'armée
syrienne vient d'être mise en état d'alerte. Autre signe de tension : la présence
annoncée dans la région de citoyens des Etats-Unis qui ne sont certainement
pas des touristes, présence qui suscite des réactions violentes : on l'a vu
d'abord à Gaza et plus récemment au Sud-Liban où un convoi de véhicules transportant
des " experts " étasuniens a été bloqué et chassé par des hommes en armes.
Le Hezbollah, très présent dans cette région, n'a pas revendiqué cette action
qui est un signe supplémentaire de montée de la tension régionale.
Il faut savoir que les forces spéciales sont des unités militaires fonctionnant
sans uniforme, par petits groupes, et capables d'intervenir clandestinement
dans n'importe quel pays mais à leur risques et périls (c'est-à-dire que l'armée
qui les emploie les ignorera s'ils se font prendre ou ne pourra tenter de
les sauver que par des méthodes clandestines).
Nouveaux missiles pakistanais
Préoccupé par le développement de la coopération militaire entre l'Inde
et Israël, coopération qui pourrait annoncer une alliance plus étroite entre
l'Inde et les Etats-Unis, le Pakistan essaie de s'affirmer comme puissance
régionale et vient de procéder par trois fois ce mois-ci à des essais de nouveaux
missiles capables de porter une arme nucléaire à 1500 Km, c'est-à-dire bien
au-delà du Cachemire qui est la pomme de discorde avec le voisin indien. Le
Japon lui-même a manifesté officiellement son inquiétude.
Azerbaïdjan : Transition
monarchique
Une première
dans une ancienne république de l'URSS : le pouvoir passe du père au fils.
Alyev fils vient de succéder à la Présidence de la République à son père gravement
malade et hospitalisé aux Etats-Unis. Le père, à la tête du pays depuis 1993,
était un ancien dirigeant du Parti Communiste et avait été membre du bureau
politique du PC de L'union Soviétique. L'Azerbaïdjan indépendant fait partie
du groupe GUAM (Georgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie), groupe d'anciennes
républiques de l'URSS devenues amies des Etats-Unis.Bien que l'OSCE, qui avait
600 observateurs sur place, ait déclaré que l'élection était truquée, toutes
les grandes puissances et les pays voisins (Etats-Unis, Russie, Turquie, Iran
...) ont fait assaut d'amabilité pour saluer la victoire du jeune Alyev. C'est
que le pays occupe une place stratégique pour le transport du pétrole de la
Caspienne vers le marché mondial : ce pétrole peut en effet être acheminé
soit via la Russie, soit via la Georgie soit via la Turquie, soit via l'Iran
et il n'est pas question de se fâcher avec le gérant du poste d'aiguillage
au moment où de gros investissements pétroliers sont prévus sur son territoire.
Afghanistan : les généraux
allemands réclament du renfort
Conscients que le seul maintien de l'ordre à Kaboul ne peut permettre
de faire croire que l'Afghanistan est désormais gouverné, les généraux allemands
qui commandent la force internationale (ISAF : 5000 hommes) demandent 10000
hommes supplémentaires pour essayer de pacifier d'autres régions du pays qui
sont aux mains des seigneurs de guerre. Leur demande qui a été prise en considération
par l'OTAN et par le Conseil de Sécurité de l'ONU n'a pas été suivie immédiatement
d'effet mais elle constitue une reconnaissance officielle du désordre qui
règne. En même temps, elle permet à l'armée US de se consacrer entièrement
à ses propres opérations " antiterroristes " sur le sol afghan.
La Chine troisième
puissance spatiale mondiale
La Chine comptait déjà avec la Russie, les Etats-Unis, la France et le Japon
au nombre des cinq puissances spatiales c'est-à-dire capables de lancer des
satellites artificiels. Elle vient de franchir un nouveau pas et appartient
désormais au club encore plus fermé des trois puissances capables de mettre
un homme en orbite. Bien sur elle le fait environ quarante ans après l'URSS
et les Etats-Unis mais qui aurait dit en 1960 qu'elle arriverait si vite à
un tel niveau technologique ? Bien sur l'avantage des régimes politiques autoritaires
est qu'ils peuvent concentrer leurs efforts sur un secteur particulier au
détriment d'autres qui seraient d'un intérêt plus immédiat pour leur population
mais ce vol spatial habité est une nouvelle donnée dans les rapports de force
mondiaux car il signale que les Etats-Unis, qui depuis des années avaient
placé sous embargo tout ce qui pouvait permettre à la Chine d'accéder à la
maîtrise spatiale, ne sont plus les seuls maîtres du jeu. Ils le sont d'autant
moins que la chute de la navette spatiale les met aujourd'hui dans l'impossibilité
d'agir dans le domaine spatial civil.Les deux cosmonautes, un russe et un
étasunien, qui viennent de prendre place dans la station spatiale, ont été
expédiés par une fusée russe depuis la base de Baïkonour au Kazakhstan. L'évènement
n'a pas suscité beaucoup de commentaires.
D'autre part, la Chine a conclu avec l'Union Européenne un accord de coopération
au programme GALILEO contribuant ainsi à briser le monopole mondial du GPS
(Global Positionning system) qui est entre les mains de l'armée des Etats-Unis
et permet à ce pays de priver tout utilisateur d'informations stratégiques
à un moment crucial (ce qu'ils firent par exemple au début de la guerre du
Golfe).
La Thaïlande nouvel
allié officiel
En dehors de l'OTAN, les Etats-Unis sont les alliés militaires officiels
de quelques pays. La liste comprend les pays suivants : Japon, Egypte, Israël,
Jordanie, Philippines, Corée du Sud, Argentine, Australie et Nouvelle-Zélande.
La Thaïlande vient d'être acceptée dans ce club très fermé ce qui lui donne
les droits et avantages suivants : achat prioritaire de matériel militaire
US, en particulier munitions à l'uranium appauvri, accès à des prêts très
avantageux pour ces achats, participations à des programmes de recherche militaire,
droit de stocker sur leur territoire du matériel de l'armée US. Pour faire
honneur à cette distinction, la Thaïlande a envoyé 500 soldats en Irak dans
le secteur polonais.
Manœuvres militaires
de l'OTAN en Pologne
Prés de 7000 hommes participent à des manœuvres d'envergure simulant un
conflit avec un pays voisin : l'ennemi n'est pas nommé mais il est à l'Est
: Russie et Belarus
La Russie rappelle
ce qu'est la dissuasion nucléaire
Invité à un
séminaire de l'OTAN qui se tenait sur une base de l'armée US dans le Colorado,
le Ministre de la Défense russe, Igor Ivanov a tenu au cours d'une conférence
de presse tenue sur cette base même, à souligner que la stratégie nucléaire
de la Russie n'avait pas changé et qu'il s'agissait toujours d'une stratégie
de la dissuasion c'est-à-dire d'une stratégie de riposte à une agression extérieure.
Façon d'exprimer aux Etats-Unis et sur leur propre sol le désaccord profond
de la Russie sur les guerres préventives et sur l'utilisation d'armes nucléaires
miniaturisées.
Précisons que la Russie n'a qu'un statut de partenaire de l'OTAN et que M.
Ivanov n'a pas assisté aux séances de travail à huis clos des membres de l'OTAN
mais il avait manifestement une idée assez précise de l'ordre du jour des
travaux.
Irak : des trous dans
les pipelines
Le niveau élevé des cours du pétrole montre bien que le brut irakien n'inonde
toujours pas le marché mondial et que l'OPEP garde pour l'instant la maîtrise
du jeu, d'autant plus facilement que le pipeline qui achemine le pétrole de
la région de Kirkuk vers le port turc de Ceyhan vient à nouveau de sauter.
Cette région de Kirkuk, restée calme jusqu'à présent, commence à voir se développer
la résistance irakienne.
Ce qu'a dit le Prix
Nobel de la Paix
L'avocate iranienne Shirin Ebadi qui vient de recevoir le prix Nobel de
la Paix a fait une très utile mise au point devant la presse internationale.
Pour elle, la lutte pour les droits de l'homme en Iran est et doit rester
l'affaire du peuple iranien et les puissances étrangères ne doivent pas s'en
mêler. Mme Ebadi est particulièrement bien placée pour tenir de tels propos
puisque, âgée aujourd'hui de 56 ans, elle a commencé son action pour les droits
de l'homme sous le régime du Shah, régime policier féroce et l'a poursuivi
sous le régime des Ayatollahs qui l'ont destitué de son poste de magistrat
(une femme ne peut occuper un tel poste dans la république islamique) l'ont
emprisonnée quelque temps puis relâchée. Elle indique aussi très clairement,
bien qu'à mots couverts, qu'il ne lui a pas échappé que sa désignation intervient
à un moment où les Etats-Unis suivis par l'Union européenne font pression
sur l'Iran pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire et que toutes les
occasions sont bonnes pour critiquer le régime iranien, et à un moment où
les services secrets israéliens annoncent que les sous-marins israéliens peuvent
désormais embarquer et tirer des missiles à tête nucléaire ce qui permet à
Israël de menacer l'Iran en se plaçant à quelques kilomètres de ses côtes.
Or, plus le trajet du missile est court plus son interception est difficile.
Par ailleurs et profitant du poids nouveau que lui confère le prix Nobel,
elle a dès son arrivée à Téhéran réclamé la libération de tous les prisonniers
politiques et annoncé qu'elle continuerait son combat pour la suppression
des peines les plus barbares du code pénal iranien : la lapidation et l'amputation
des mains.
Le Japon va payer
Face à l'hostilité de la population, le gouvernement japonais ne se résout
pas à envoyer des troupes en Irak. Pour se faire pardonner par Bush il va
probablement lui faire un chèque de 5 milliards de dollars pour couvrir une
partie des frais de l'occupation de l'Irak. Pour la guerre du Golfe, le Japon
avait payé 13 milliards de dollars.Que ce soit de cette façon ou d'une autre,
les dollars que gagne le Japon, grâce à son commerce extérieur excédentaire
en permanence, reviennent aux Etats-Unis qui vivent au crochet des pays plus
riches qu'eux et qui s'autorisent de leur puissance militaire pour pratiquer
holds-ups et rackets.
Bolivie : après avoir
tué 140 manifestants, l'armée cesse le feu
Le départ de la marionnette de Washington est évidemment un succès du mouvement
populaire puisque cette démission était sa première revendication mais laisse
le pouvoir aux mains de l'oligarchie blanche dans le respect des procédures
constitutionnelles. La demande s'assemblée constituante n' pas été satisfaite.
Quant au projet d'exploitation de gaz naturel il devrait être soumis à référendum
mais les manœuvres vont certainement être lancées pour éviter de tenir cette
promesse. La fuite du président Sanchez de Losada à Miami a certainement été
organisée par l'ambassade des Etats-Unis à La Paz car elle a eu lieu peu après
que le commandement militaire US pour l'Amérique du Sud ait annoncé l'envoi
d'une mission " d'observation " en Bolivie.
Cette manœuvre sauve temporairement le régime mais laisse pendantes deux
questions fondamentales qui concernent de nombreux pays dépendants mais plus
crûment encore la Bolivie pays (de 8 millions d'habitants) le plus pauvre
d'Amérique latine.
La première est
celle de la drogue :
L'ouverture sans limitation des frontières des pays pauvres aux importations
de produits alimentaires de base, au premier chef des céréales, en provenance
principalement des Etats-Unis et subsidiairement de France, d'Australie et
de quelques autres pays développés, empêche le maintien des productions vivrières
locales qui ne peuvent supporter la concurrence des produits puissamment subventionnés
par les gouvernements des pays riches exportateurs. Dans le cas des Etats-Unis
ces exportations ont une place très importante car dans le gouffre permanent
du déficit du commerce extérieur étasunien, les produits agricoles sont un
des rares secteurs excédentaires.C'est un des problèmes qui a provoqué l'échec
du sommet de l'OMC à Cancun.Tant que les paysans boliviens seront soumis à
cette pression commerciale insupportable ils ne pourront que se rabattre que
sur la seule production qui accède librement, sans que l'OMC s'en mêle, sur
les marchés des pays riches : la coca. Pour mettre un frein au trafic mondial
de drogue et donc à sa production il faut arrêter d'inonder le marché mondial
avec des céréales hyper subventionnées et dont le commerce est entre les mains
de quelques trusts étasuniens à la fois gigantesques et discrets.
Inutile donc d'ironiser sur les cocaleros boliviens. Ils produisent et vendent
ce que les organisateurs du marché mondial (qui ne sont pas boliviens) leur
laissent produire et vendre. Ajoutons que les travailleurs boliviens mâcheraient
certainement moins de feuilles de coca s'ils mangeaient tous les jours à leur
faim. Le discours moralisateur de ceux, et ce sont les mêmes, qui organisent
à leur seul profit tant le marché officiel des céréales que le marché clandestin
des drogues est irrecevable.
La seconde est celle de la valorisation des matières premières
:
Depuis la colonisation espagnole - qui, rappelons-le, a fait ,épidémies comprises,environ
100 millions de morts en Amérique du Sud - la Bolivie a vu ses matières premières
pillées sans jamais réussir à organiser leur mise en valeur locale. Ce fut
d'abord l'argent du Potosi qui pendant deux siècles ( 16° et 17°) remplit
les galions espagnols, fit la fortune du royaume puis celle des banquiers
flamands et génois où elle fructifia, puis l'étain, le tungstène sans oublier
le fameux guano, cet engrais fait d'excréments d'oiseaux marins si prisé au
début du 20° siècle et que le Chili s'appropria en même temps que le littoral
bolivien du Pacifique à l'issue de la guerre du Pacifique ( dans ce cas le
Chili ne fut d'ailleurs que l'agent local du groupe anglais qui vendit le
guano dans le monde entier). C'est aujourd'hui le gaz naturel qui, au lieu
d'alimenter une industrie pétrochimique locale et de garantir pour des décennies
l'indépendance énergétique du pays et des voisins immédiats pauvres en énergie,
va simplement être exploité par un consortium international regroupant le
groupe espagnol REPSOL et le groupe anglo-étasunien BP/AMOCO, transporté par
une conduite de 800 Km vers un port chilien où il sera liquéfié, et chargé
sur des méthaniers pour être livré en Californie. Ce qui se joue en ce moment
en Bolivie c'est la possibilité de passer d'un pillage par des étrangers des
matières premières locales qui enrichit simplement quelques intermédiaires
locaux à commencer par les dirigeants politiques, à une valorisation nationale
de ses richesses rendant possible un développement autocentré, c'est un refus
explicite et porté par un peuple insurgé de la domination du capital international.
Pas étonnant que Washington ait sacrifié si vite un pion pour maintenir le
jeu en l'état. Mais après le refus de la privatisation de l'eau par la firme
US BECHTEL, après l'opposition aux mesures d'austérité du FMI (30 morts dans
les émeutes de Février 2003) ; la guerre du gaz qui vient de s'ouvrir montre
un très haut niveau de compréhension et de lutte du peuple bolivien contre
le pillage économique néo-colonial.