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Bulletin 76

Semaine 44 - 2003

QUELLE EUROPE ?
Le 25 Octobre l'association italienne " Association pour une rénovation de la gauche " a organisé à Imperia, en Ligurie, une rencontre interrégionale entre des groupes français et italiens oeuvrant dans le même sens. Y participaient côté PACA : Ballon Rouge, ATTAC Aubagne, Alternatifs Nice, Résister et COMAGUER.
Le principal sujet à l'ordre du jour des débats était d'un intérêt commun et immédiat puisqu'il s'agissait de la Constitution Européenne.
Ce projet élaboré par un groupe spécial : la " Convention européenne " présidé et animé par Giscard d'Estaing, est aujourd'hui en débat entre les gouvernements des pays membres (les 15 actuels et les 10 nouveaux entrants de 2004) de l'Union Européenne.
Le texte qui sortira de leurs débats devra être approuvé dans chaque pays suivant une procédure qu'il choisira seul en fonction de ses propres dispositions constitutionnelles : en France ce pourra être un simple vote du Parlement ou un référendum, le choix n'est pas encore fait.
Tous les participants ont marqué leur préférence pour un référendum qui permet un plus grand débat public qu'un vote parlementaire lequel, vu les majorités existantes, ne serait en Italie comme en France qu'une simple formalité sans grand écho en dehors des appareils politiques.
Tous ont également souligné que le terme de " CONSTITUTION " est abusif car il s'agira en droit d'un simple traité international comme il en a été beaucoup signé dans l'histoire européenne depuis la création du Marché Commun en 1957 (traité de Rome). En France le seul de ces traités qui ait été soumis à référendum a été celui de Maastricht et ce référendum a laissé un très mauvais souvenir à la classe politique française car, alors qu'elle était très majoritairement pour, il n'a été approuvé que d'extrême justesse par la population (51% des votants).
Ce traité est important, d'abord parce qu'il confirme les orientations capitalistes libérales qui sont inchangées depuis l'origine , toutes les carences de l'Europe en matière sociale et tous les reculs possibles en matière de services publics , mais surtout parce qu'il vise à créer une politique étrangère et une défense communes.
C'est ce qui a suscité l'intérêt particulier qu'y porte COMAGUER et la position qu'il a exposée à la rencontre d'Imperia, qui suit.C'est ce qui a suscité l'intérêt particulier qu'y porte COMAGUER et la position qu'il a exposée à la rencontre d'Imperia, qui suit.

1- Le terme de " CONSTITUTION " est abusif.
Les constitutions sont des documents importants correspondant à des moments fondateurs dans l'Histoire d'un pays. Les constitutions de 1946 et celle de 1958 pour la France comme la constitution de 1947 en Italie ont bien ce sens et cette portée collective. La " CONSTITUTION " européenne, dont le projet est issu de travaux laborieux de politiciens mâtinés de technocrates qui ont traité ce dossier comme ils auraient traité celui des subventions aux exportations agricoles, est totalement dénuée de ce caractère historique. Mais son approbation a pour objectif évident de donner à ce traité une valeur politique supérieure aux Constitutions des Etats membres. Il s'agit là d'une escroquerie et d'une monstruosité juridique. En effet, dans la hiérarchie des textes juridiques, un traité international est au rang d'un loi et donc inférieur à la Constitution. La supériorité de la Constitution se vérifie lorsque le Conseil Constitutionnel invalide tout ou partie d'une loi en ce qu'elle est contraire à la Constitution.
L'adoption de la soi-disant " CONSTITUTION EUROPEENNE " en faisant de la Constitution nationale un texte inférieur à une simple loi, vise à permettre l'abolition ou la mise en sommeil de telle ou telle disposition des constitutions nationales et à aligner les constitutions nationales sur les plus rétrogrades existant aujourd'hui en Europe.

2 - Qui sont les ennemis de l'Europe, où sont-ils ?
Ce qui a rendu l'Europe acceptable pour la majorité de ses habitants c'est que sa création scellait la réconciliation des deux pays, France et Allemagne, dont les affrontements avaient ensanglanté l'Europe et le monde pendant presque un siècle (1870-1945) et aujourd'hui personne n'imagine qu'un retour en arrière soit possible dans cette pacification du continent.
Si donc l'Europe doit se défendre, c'est contre des ennemis extérieurs. Mais qui sont-ils et où sont-ils ? L'Europe n'a heureusement pas déclaré la " Guerre au terrorisme " qui, comme on le constate depuis deux ans, est une justification aux expéditions néocoloniales ravageuses des Etats-Unis. Le traité en préparation postule donc que l'Europe est menacée ou peut l'être sans qu'aucune explication ne soit donnée sur cette question. L'explication de ce silence est simple.Il n'y a aucun débat possible sur cette question pourtant fondamentale car il s'agit de maintenir, de conforter, voire d'approfondir les engagements militaires et les orientations stratégiques déjà pris.

3 - La défense européenne est sous la domination des Etats-Unis
Sur les 15 pays aujourd'hui membres de l'Union, tous sauf deux (Suède et Autriche) sont membres de l'OTAN. Les dix nouveaux membres sont tous membres de l'OTAN et leurs gouvernements tous plus dévoués les uns que les autres aux injonctions des Etats-Unis. Ils ont d'ailleurs tous été admis dans l'OTAN avant de l'être dans l'Union et tout s'est passé comme si l'OTAN était l'antichambre obligée de l'Europe. (Il est tout à fait révélateur que le commissaire européen chargé de la politique extérieure de l'Union : Javier Solana, soit l'ancien secrétaire général de l'OTAN).
Dans l'OTAN toutes les décisions sont prises à l'unanimité, donc les Etats-Unis vont disposer d'un droit de veto sur la politique de défense de l'Europe. En supposant même que certains membres de l'Union Européenne aient la velléité de faire prendre à l'Europe des initiatives en matière de défense qui déplairaient aux Etats-Unis et à leurs marchands de canons, les alliés des Etats-Unis qui sont très majoritaires dans l'Union les en empêcheront.
Enfin la totalité des postes de commandement militaire de l'OTAN sont aux mains de généraux et d'amiraux étasuniens ce qui rend encore plus manifeste la situation de sujétion des européens dans l'institution.

4- La " défense " européenne sur le modèle étasunien

5- Une politique étrangère de forteresse assiégée
Préparant des agressions militaires à l'extérieur, l'Europe dans le même temps se barricade pour refuser l'accès de son territoire à ceux qui venant de ces mêmes pays où l'Europe sera allée se " défendre ", essayent d'échapper à une misère dont ils ne sont pas les seuls responsables et que nos bombardements n'ont fait qu'accroître. Ainsi, mais ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres, l'Europe, après avoir, au sein de l'OTAN, participé à la démolition de la Yougoslavie, s'efforce de fermer la porte aux ressortissants de cette région qui voudraient tenter leur chance chez nous.
Cette Europe, inhospitalière et agressive, déjà en actes, ne pourra qu'être renforcée quand les grandes décisions seront prises de plus en plus loin de ses citoyens par un état-major de plus en plus difficile à contrôler.

Le Niger et l'uranium
La visite du Président de la république au Niger n'a pas donné lieu à beaucoup de commentaires officiels sur les raisons profondes de l'intérêt que porte la France à ce pays qui, dans le classement de la pauvreté mondial établi par l'ONU au moyen de l'indicateur de développement humain (IDH), est classé au 173° rang sur 175. Sa population a une espérance de vie de 45 ans et le PIB par habitant s'élève à .
Mais dans ce pays si pauvre existe une sorte d'oasis économique en plein désert. Il s'agit de deux villes minières proches construites autour de deux mines d'uranium, l'une à ciel ouvert, l'autre à faible profondeur. Dans ces deux villes existent des équipements publics (écoles, hôpitaux,etç ..) d'un niveau sans équivalent ailleurs au Niger.C'est que l'uranium est un minerai stratégique dont la France en a besoin pour continuer à alimenter ses programmes nucléaires civils et militaires depuis qu'elle a cessé d'exploiter les maigres ressources dont elle disposait sur le sol national. Elle en a d'autant plus besoin que le gouvernement Raffarin veut relancer un nouveau programme de centrales nucléaires qui rendra notre pays encore plus dépendant des mines nigériennes. Le Niger n'est certes que le troisième producteur mondial d'uranium après le Canada et l'Australie mais les mines nigériennes sont la propriété de deux sociétés où la COGEMA (Compagnie générale des matières nucléaires), compagnie française à capitaux d'Etat, est majoritaire. Le Japon, gros consommateur d'uranium pour ses centrales nucléaires, et l'Espagne ont des participations minoritaires dans la seconde mine.Le minerai extrait au Niger est expédié en fûts métallique sous forme de concentré d'abord par camions jusqu'au nord du Bénin puis par le train jusqu'au port de Cotonou. De là les fûts sont embarqués vers le port de Saint Nazaire et rejoignent ensuite l'usine de la COGEMA à Malvési prés de Narbonne. Le concentré y est transformé en oxyde d'uranium qui sera lui-même transformé en uranium enrichi, utilisé dans les centrales nucléaires, à Pierrelatte (les amateurs de détails techniques peuvent utilement se reporter au site www.sortirdunucleaire.org). La filière nigérienne est donc totalement contrôlée par la France pour ses besoins propres ainsi que pour l'exportation. Il est donc de toute première importance que les mineurs nigériens soient contents de leur sort, que le Niger soit calme,et que le gouvernement nigérien n'ait pas la mauvaise idée (qu'il a eue dans les années 70) d'augmenter les royalties qu'il touche sur le minerai. Une visite de Chirac, quelques petits chèques pour la lutte contre le SIDA et la dépollution du fleuve Niger, sont faits pour maintenir à Niamey un climat politique favorable aux ambitions nucléaires de Paris. Grâce aux mines du Niger et grâce aux installations qu'elle a développées sur son territoire, la France est aujourd'hui un des principaux acteurs du marché nucléaire mondial. Si l'Iran a accepté, au moins temporairement, de renoncer à enrichir lui-même l'uranium enrichi dont il a besoin pour alimenter les centrales nucléaires qu'il achève de construire, c'est qu'il a obtenu la promesse de pouvoir l'acheter ailleurs et ce n'est pas Bush qui va lui en vendre...
Il ne faut d'autre part pas oublier que, au nombre des gros mensonges utilisés par Bush et son équipe pour envahir l'Irak, figurait en bonne place, la fourniture à l'Irak d'uranium du Niger. Les faux fabriqués pour appuyer les discours de Bush et Powell étaient si grossiers qu'ils ont, depuis, été dénoncés et que plus personne n'y croit, mais ces faux ont été utilisés par les Etats-Unis au moment où ils cherchaient par tous les moyens à contraindre la France à accepter à l'ONU l'invasion de l'Irak. Démontrer aux yeux du monde que la France, véritable maître de l'uranium nigérien, soutenait le programme nucléaire de Saddam Hussein aurait rendue intenable la position de la France au Conseil de Sécurité. Le coup a raté mais il en dit long sur le niveau des relations " amicales " entre " alliés ".
Cependant dans son acharnement à démontrer qu'elle n'a pas fabriqué ou utilisé consciemment des faux, l'équipe Bush est en train de s'enfoncer dans un nouveau scandale. En effet, lassé de voir la CIA accusée d'avoir trompé Bush sur l'uranium nigérien, Joseph C.Wilson, un ancien diplomate, ancien ambassadeur au Gabon, membre du Conseil National de Sécurité, envoyé par la CIA au Niger a fini par dévoiler dans la presse (le New York Times) qu'il avait été chargé d'enquêter sur cette affaire et que son rapport démontrait que le Niger n'avait pas vendu d'uranium à Saddam Hussein. Mais ce rapport n'est étrangement pas parvenu à Bush, son destinataire, qui a ainsi pu donner à cet achat d'uranium un retentissement mondial en le citant comme une raison déterminante d'envahir l'Irak dans son discours sur l'état de l'Union en Janvier 2003.Cet article était évidemment très gênant pour ceux qui ont intercepté le rapport et ils ont contre attaqué en faisant dire par des amis journalistes que c'était la femme de Wilson, Valerie Plame, un agent caché de la CIA, travaillant, sous la couverture d'une entreprise de consultants, sur le dossier des armes de destruction massive, qui avait envoyé son mari au Niger de son propre chef et qu'elle était la seule à attendre un résultat intéressant de cette mission. Découvrir ainsi un agent caché de la CIA, c'est évidemment mettre un terme à sa carrière d'agent secret, mais surtout c'est démontrer que les méthodes politiques en vigueur à Washington ont atteint un niveau de dégradation très profond et que les affrontements au sein de l'appareil d'Etat sont de plus en plus sauvages à mesure que se rapproche l'échéance présidentielle. Ce climat n'est évidemment pas de nature à inciter les citoyens des Etats-Unis à croire que leur vote a une quelconque influence sur la conduite des affaires.

MURS ! MURS !
A l'approche de la commémoration de la chute du mur de Berlin, moment où chacun pourrait espérer pouvoir se dire " Plus jamais ça ! " la " guerre contre le terrorisme " lancée par le Etats-Unis et parfaitement relayée par Israël, réouvre une nouvelle phase historique de l'enfermement de masse.Il y a les murs des embargos, les murs des frontières fermées aux demandeurs d'asiles, et de nouveau les murs en dur, les vrais, en béton, avec des miradors à distance régulière. Israël en construit un, en ignorant comme à son habitude les votes de l'Assemblée générale des Nations Unies, menace d'en construire un second qui réduirait encore l'espace exigu étouffant et mortifère laissé aux palestiniens et on apprend que le Pakistan se lance dans la construction d'un mur avec l'Afghanistan. Gros chantier : la frontière commune a 2500 kilomètres mais rien n'est trop cher pour entraver la circulation des talibans et des militants d'Al Qaida entre les deux pays.

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