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Bulletin 80

Semaine 48 - 2003

L'Allemagne ferme un réacteur nucléaire
Conformément au plan arrêté par le gouvernement SPD/Verts, l'Allemagne a fermé définitivement une première centrael nucléaire dans la région de Hambourg. Le Ministre Vert de l'environnement s'est réjoui de cette première et a souligné que le programme devait se poursuivre jusqu'à la dernière fermeture en 2020. Mais d'ici là il y aura d'autres élections en Allemagne et il sera intéressant de voir si ce plan échappera aux vicissitudes de l'alternance politique. Quoi qu'il en soit, cette première fermeture permettra d'observer en vraie grandeur le démantèlement d'une centrale nucléaire, de vérifier l'exactitude des prévisions sur les difficultés techniques du démontage d'une installation si dangereuse et d'en établir le coût exact. Ce coût a probablement été constamment minimisé par le lobby nucléaire pour démontrer que le kilowatt nucléaire était moins cher que les autres.
L'Europe compte donc aujourd'hui 3 pays en voie de dénucléarisation : l'Allemagne, la Belgique et la Suède.Trois autres prennent le chemin inverse : la France, la Suède et dans une moindre mesure la Grande-Bretagne. Mais ces divergences dans la politique énergétique n'empêchent pas le mouvement de création d'une puissante industrie nucléaire européenne où chacun aurait ses spécialités : la France conserverait avec la Grande-Bretagne ses bombes (ancien ou nouveau modèle - voir notre précédent bulletin) et son usine de retraitement des déchets radioactifs à La Hague. Par contre elle abandonnerait son usine d'enrichissement de l'uranium (usine Eurodif de Pierrelatte) au profit du système utilisé par le consortium URENCO fondé par l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.
Pour rendre l'uranium naturel fissile et donc utilisable soit dans les réacteurs nucléaires soit dans les bombes il faut l'enrichir, c'est-à-dire augmenter la proportion de l'isotope fissile ( U 235).Deux procédés sont utilisés : la diffusion gazeuse, procédé utilisé dans l'usine française et l'ultra centrifugation, procédé utilisé par URENCO. Il est aujourd'hui établi que le second est beaucoup plus économe en énergie et donc moins coûteux. C'est la raison qui a conduit le la France (CEA et AREVA)à entamer des négociations avec URENCO pour s'associer à ce groupe et adopter la technique de l'ultracentrifugation. En conséquence, l'usine EURODIF de Pierrelatte (1100 emplois) devrait fermer d'ici 2008/2010 et être remplacée par une nouvelle usine d'enrichissement utilisant le procédé URENCO.
Pas question d'abandonner l'enrichissement qui est une industrie qui enrichit et l'uranium et ses actionnaires.
La production française d'Uranium enrichi représente environ 25% de la production mondiale alors que la consommation nationale n'en représente qu'environ 10%. Donc il reste 15% pour l'exportation. L'alliance AREVA/URENCO va permettre de créer la première entreprise mondiale de production et de vente d'uranium enrichi. Il est même question que cette nouvelle multinationale européenne implante une usine aux Etats-Unis. Après ça les gouvernements européens pourront toujours lancer de grands débats sur leur politique énergétique, les choix stratégiques seront déjà faits.

ITER : la France face aux Etats-Unis
L'Union européenne a donc décidé de soutenir la candidature française pour l'installation du futur réacteur expérimental de fusion nucléaire. Le site de Cadarache a été retenu de préférence au s ite de Vandellos sur la côte catalane de l'Espagne. Le soutien intense du gouvernement Aznar à la candidature de Vandellos n'a pu contrebalancer le fait que l'industrie nucléaire française née dès la fin de la seconde guerre mondiale dispose d'un potentiel scientifique et technique largement supérieur et d'une expérience du nucléaire civil et militaire sans commune mesure avec celle de son concurrent malheureux. Mais passés les cocoricos de circonstance, il faut retomber sur terre.

  1. Le site de Cadarache est un site très risqué du point de vue sismique
  2. Le projet ITER est présenté par le CEA dans tous ses documents publics comme un projet aléatoire : l'expérimentation peut durer environ 50 ans sans garantie de réussite et la mis en exploitation industrielle peut prendre autant de temps
  3. Pendant toute cette période le projet va consommer des crédits très importants. La seule mise en place du réacteur est estimée aujourd'hui à 6 milliards d'Euros. Ensuite il faut le faire fonctionner, l'alimenter en une énergie dont il sera un énorme consommateur (il devrait absorber la production de quatre centrales nucléaires à lui tout seul), payer son personnel et ses frais de fonctionnement pendant un demi-siècle. On a coutume d'appeler ça un projet pharaonique !
  4. Le projet est commun à plusieurs pays : Chine, Russie, Corée du Sud, Canada, Japon, Etats-Unis, Union Européenne et ils doivent prendre la décision finale d'implantation ce mois-ci. Restent en lice : le site français et un site japonais. La décision sera donc éminemment politique. Les Etats-Unis qui n'étaient pas partie dans le projet s'y sont rallié tardivement (en Janvier 2003) et vont donc peser de tout leur poids dans le choix final. A choisir entre un allié un peu rebelle et qui est en matière nucléaire un concurrent sérieux ( voir le paragraphe précédent) et un partenaire plus souple, interdit d'armes nucléaires et occupé par l'armée US, leur choix sera vite fait. Nous saurons bientôt comment se seront positionnés les autres participants. Ce que nous ne saurons pas, c'est l'intensité et le contenu des manœuvres diplomatiques qui sont maintenant en cours sur ce dossier très chaud.

Pour plus de précisions sur le projet ITER nous insérons le texte d'une intervention de Philippe Chesneau, élu des Verts au Conseil régional Provence Alpes Cote d'Azur, faite début 2003 devant cette assemblée. Ce qui n'a pas empêché le dit Conseil régional d'appuyer financièrement le projet.
Il s'agit d'un document de grande qualité qui honorerait la classe politique... s'il était suivi d'effet !

ITER (Réacteur Expérimental International thermonucléaire)
21/03/2003 Ph. Chesneau
Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la parole, manifestant votre souci de la démocratie et votre ouverture à la pluralité.
Chers collègues,
Comme certains d'entre vous l'ont souhaité, les Verts vont exprimer leur position sur le projet ITER et son implantation à Cadarache.Je ferai une intervention en cinq points ou plutôt cinq point de vue. Ainsi, ferons-nous le tour de la question. Permettez- moi un peu d'écologie dans un océan de productivisme.

1°) La théorie :
Tout d'abord, permettez au scientifique de formation que je suis de manifester son plaisir intellectuel en étudiant le principe de la fusion. Reproduire à l'échelle humaine, un petit soleil. Une plasma de deutérium et de tritium qui produit de l'hélium, des neutrons et de l'énergie. C'est la fusion comme dans les bombes H, à hydrogène, mais d'une manière contrôlée. Concrètement, expérimentons la fusion hydrogène tritium, puis 20 ou 30 ans plus tard, réalisons la fusion hydrogène-hydrogène, puis 20 ou 30 ans plus tard, couplons le réacteur avec un échangeur thermique, puis 20 ou 30 ans plus tard, au début du XXIIème siècle, nous arrivons à l'exploitation industrielle. En résumé, voici un défi théorique stimulant.
2°) Mais : Mais les noyaux de deux atomes légers ne fusionnent pas facilement. Au contraire, ils se repoussent. Pour que les deux noyaux fusionnent, il faut les lancer à grande vitesse l'un contre l'autre en les maintenant à 100 ou 150 millions de degrés dans des champs magnétiques très intenses. Et c'est ici que cela se gâte :

Trop de problèmes restent non résolus :

Et je n'évoque pas les risques d'accident et de pollutions radioactives :

3°) Cadarache ou VANDELLOS en Espagne :
(Clarington au Canada et Rokkasho-Mura au Japon)

Et pour rassurer tout un chacun :

En résumé, on veut installer une poudrière sur un volcan.

4°) l'emploi :

Les énergies renouvelables sont plus créatrices d'emploi:
Nombre d'emplois créés par million d'Euros :

Plusieurs centaines d'emplois qui ne coûtent rien.

En résumé, une politique ambitieuse d'économie d'énergie et de développement systématique des énergies renouvelables crée, à investissement égal, trois plus d'emploi que le nucléaire et de surcroît des emplois mieux répartis dans les territoires.

5°) l'alternative ENERGETIQUE : La Maîtrise de l'énergie et les Energies Renouvelables
Si ITER a une rentabilité économique contestable, il y a à heureusement d'autres solutions efficaces, porteuses d'avenir et peu coûteuses.
Je vous entends, mes collègues. Ces écologistes, toujours des rabats joie. Toujours à faire de la sinistrose, le retour aux bougies. Que nenni, chers collègues. D'abord, luttons contre le gaspillage. Les trois quarts de l'énergie que nous consommons sont gaspillées et donc économisables. Notre plus grande ressource énergétique, ce sont les économies. Ainsi le Danemark a stabilisé sa consommation d'énergie au cours des trente dernières années avec une croissance économique de 75 %. En France aussi nous savons faire : un logement, un bureau construit en 2 000 ne consomme guère plus du tiers que le même construit en 1970.
Ensuite, les énergies renouvelables sont indispensables car, en deux siècles, l'homme aura consommé la quasi-totalité des réserves fossiles (pensons aux tensions au Moyen-Orient pour la maîtrise du pétrole).
Pourtant, les Energies Renouvelables n'ont bénéficié que de :

6°) en conclusion :
Oui à la recherche, mais pas tous azimuts.
Privilégions les recherches les plus pertinentes. Oui à de la recherche sur la fusion mais prenons le temps d'approfondir les recherches sur tous les problèmes : matériaux, plasmas, couverture génératrice de tritium, etc.
Quand on aura une idée claire de la façon dont on pourra résoudre toutes ces difficultés, alors il sera raisonnable de passer à l'étape suivante, mais pas avant. Et nous en sommes encore bien loin. Bref, ITER n'est pas prioritaire alors que son budget représente l'équivalent du budget annuel de la recherche civile en France.La seule fusion que l'on maîtrise aujourd'hui est la fusion solaire. Utilisons la avec des capteurs et des photopiles. Là, l'investissement d'argent public est rentable et sûr.

Chers collègues,

imaginez les effets de 152 Millions d'euros du Conseil régional pour la recherche et le développement de la Maîtrise de l'énergie et des Energies Renouvelables : que d'emplois, ainsi créés, des entreprises régionales en rêvent, un pôle universitaire à la hauteur des ambitions du XXIème siècle et contrairement à ITER ce n'est pas un pari fou, c'est du développement local garanti.Il est temps d'opérer un virage stratégique dans notre politique énergétique. Ce virage est un pari gagnant.Rentabilité économique, protection de l'environnement, souci du bon usage de l'argent public, nous sommes au cœur de l'écologie, de l'écologie politique, qui n'est pas encore aussi largement partagée au-delà des Verts, qui eux voteront, Monsieur le Président contre ce rapport de soutien à ITER.

 

Notes :
La demande d'électricité dans le monde augmente.
C'est le même argument qui a été utilisé au début des années 1970 pour justifier le dimensionnement du parc nucléaire français. Il était évident pour les économistes de l'époque que la consommation d'électricité allait suivre la l'évolution du P.I.B n'en a rien été grâce aux progrès de l'efficacité énergétique. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec un parc de centrales nucléaires largement surdimensionné qui nous impose d'exporter à perte 18 % de note production (63Twh/an) et le développement de l'absurdité que constitue le chauffage électrique en France.
ITER permettra de lutter contre la production de gaz à effet de serre.

  1. Lla production d'électricité (16 % de l'énergie consommée dans le monde) n'est pas et de loin la l'activité qui pèse le plus lourd dans la production de gaz à effet de serre. Dans ce domaine, les économies d'énergie, et le recours aux Energies Renouvelables accessibles à tous les pays font aussi bien que le nucléaire et à un coup largement inférieur et sans produire des déchets dangereux.
  2. C'est dans le domaine des transports et du chauffage et pas dans la production d'électricité que les gains sur la production de gaz à effet de serre pourront se réaliser.

Contribution française de 900 Millions d'euros sur 10 ans : sur les 4,7 Milliards d'euros de la phase de construction : Etat, Conseil Régional, Conseil Général 04, Conseil Général 13, Conseil Général 83, Conseil Général 84, CAP Aix, respectivement 450, 152, 10, 30, 30, 75 dont Conseil Général 83 : 10 Millions d'euros sur dix ans.

Georgie : difficile prise en main de l'ex-république soviétique par les Etats-Unis
Bien "drivé" par James Baker, ancien secrétaire d'Etat US et spécialisé depuis dans les actions de démantèlement de l'ex-empire soviétique, venu le conseiller sur place cet été, Saakashvilli, le jeune leader géorgien a réussi en Novembre l'opération qu'il avait ratée en Juin 2003 : l'occupation du Parlement et le départ du Président Chevardnadze. Ce départ a été suivi de nombreuses démissions de ministres et de dirigeants d'entreprises publiques. Craignant pour leur vie, ils n'ont pas indiqué où ils se réfugiaient.
Saakashvilli et ses amis US, soucieux de donner une apparence de légalité au nouveau régime, préparent donc des élections présidentielles pour le 4 Janvier 2004. Mais il reste un gros problème : sur le papier, la Georgie est une république, comme on dit, une et indivisible, mais trois provinces du pays n'obéissent pas au gouvernement central : l'Abkhazie à l'Ouest, l'Ossétie du Sud au Nord ( c'est un peu compliqué mais il y a aussi au Nord du Caucase une Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération russe) et l'Adjarie à l'Est.Les deux premières se sont proclamées indépendantes mais n'ont pas été reconnues comme états indépendants. Cela ne les empêche pas d'avoir fermé leurs frontières avec la Georgie et de mener leur vie. Cette situation déplait souverainement aux Etats-Unis qui sentent bien que la proie géorgienne va être difficile à maîtriser dans la mesure où les séparatistes ont de très bonnes relations avec la Russie. C'est pourquoi Colin Powell, qui participait à la Conférence de l'OSCE (organisation pour la sécurité commune en Europe) à Maastricht a mis la Russie en demeure de ne pas soutenir les séparatistes et lui a en même temps demandé de retirer ses troupes qu'elle maintient encore en Georgie et en Tansdniestrie (une province de la Moldavie).
Pendant les années 90, la Russie a été pour les Etats-Unis un partenaire militaire docile et a joué le jeu du désarmement. Aujourd'hui la politique agressive de Bush la conduit à réviser sa position : les troupes de l'OTAN campent à sa frontière occidentale et au Sud elle voit les armées locales et en particulier l'armée géorgienne passer sous contrôle US. Son raidissement est inévitable et la présidente du parlement géorgien qui assure l'intérim de la Présidence de la République s'est déclarée déçue de la raideur du ministre russe de la Défense qu'elle a reçu ces derniers jours. Les Etats-Unis ne le sont pas moins.
Le face à face militaire direct entre l'armée US et l'armée russe qui n'a jamais eu lieu pendant la guerre froide constitue un danger pour la paix.

Le Bizness et l'humanitaire
L'ex PDG de Yukos/Sibneft qui avait bien assimilé les leçons du bizness à la mode US et s'inspirant des exemples de Bill Gates et de George Soros, avait parallèlement à ses activités pétrolières créé un fondation de droit anglais destinée à promouvoir des actions caritatives en Russie. Ainsi on peut d'une main piller un pays et de l'autre lui faire l'aumône. La fondation de Khodorkovsky s'appelle " OPEN RUSSIA " (Russie ouverte) et son vice-président est un certain Henri Kissinger. C'est ouvrir la bergerie au loup !

La deuxième mort de Michel Aflak
Effacer l'Histoire qui fut longtemps une spécialité de la police stalinienne est une activité que les Etats-Unis ne dédaignent pas de pratiquer à l'occasion. Ainsi l'armée d'occupation US a-t-elle reçu l'ordre de détruire le mausolée de Michel Aflak à Bagdad. Mission aujourd'hui accomplie.
Michel Aflak était né en Syrie en 1912. Il fit ses études à Paris du temps du mandat français sur ce pays. Revenu en Syrie il y fonda en 1947 le parti Baas, parti de la renaissance arabe.Lorsque le parti Baas prit le pouvoir en Irak en 1968 (renversement de la royauté mise en place par les britanniques) il s'installa à Bagdad.
Selon son fondateur le Baas était un parti nationaliste panarabe, progressiste et laïc. Que les régimes se réclamant du baasisme en Irak comme en Syrie n'aient pas été à la hauteur des ambitions du théoricien fondateur, lequel s'est jusqu'à sa mort en 1989 toujours refusé à exercer la moindre fonction gouvernementale, ne fait pas question et un bilan du baasisme réellement existant nécessiterait un plus long développement. Mais les Etats-Unis préfèrent privilégier les régimes arabes non progressistes, non laïcs et en tentant de détruire la mémoire de Michel Aflak ils donnent une indication très claire sur le type de gouvernement irakien qu'ils entendent voir arriver au pouvoir lorsqu'ils rapatrieront leur proconsul.
Mais on peut détruire les tombes, pas les idées et le nationalisme est certainement un des moteurs de l'actuelle résistance irakienne.

L'épouvantail Saddam
Selon la photographe Christine Spengler qui s'est rendue récemment en Irak et vient de publier un album " Années de guerre ", les soldats US, quand ils veulent en imposer aux irakiens qu'ils rencontrent, hors les cas où c'est à coup de fusils, utilisent couramment l'argument suivant : " Si vous nous chassez, Saddam reviendra ", comme si l'ancien dictateur était tenu en réserve pour faire peur.

Sharon Fini
Que Gianfranco Fini, vice-premier ministre italien et leader du parti néo-fasciste Alliance Nationale, reçu par Sharon à Tel-Aviv, soit encore ou non antisémite est une question qui agite son propre parti puisque des démissions et de nombreuses protestations ont suivi sa déclaration disant qu'il regrettait les actes antisémites des gouvernements de Mussolini, mais qu'il soit sincère ou non, l'important est que cette alliance de Sharon et d'un néofasciste qui aspire à devenir chef du gouvernement, renforce et officialise une alliance internationale entre gouvernements de droite dure dont Bush est le leader.

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