Bulletins
Radio & débats
Sources
Contact

Bulletin 81

Semaine 49 - 2003

Les USA s'installent au Sud du Caucase
Après les interventions en coulisses pour faire tomber le gouvernement Chevardnadze, après l'arrivée immédiate en Georgie de représentants de la Banque mondiale et du FMI prêts à distribuer ce qu'il faut de dollars pour assurer l'élection du nouveau leader de la Georgie, il ne manquait plus que la visite sur place de Rumsfeld pour bien démontrer que la face à face armé Etats-Unis/Russie au Caucase est désormais une réalité.
Rumsfeld a d'abord visité l'Azerbaïdjan en soulignant tout l'intérêt qu'il porte à la stabilité de ce pays, grand producteur d'or noir et point de départ du fameux pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan en construction pour un consortium dirigé par BP/AMOCO. Il s'est refusé à annoncer l'installation de bases militaires US dans ce pays mais a parlé de coopération militaire étroite. Ainsi se poursuit également l'encerclement de l'Iran : déjà coincé entre deux pays occupés par l'armée US : l'Afghanistan et l'Irak, il voit maintenant sa fenêtre Nord sur la Mer Caspienne étroitement surveillée par un pays allié des Etats-Unis. Malgré la relative discrétion de Rumsfeld sur place, les observateurs militaires pensent que le Pentagone envisage d'envoyer en Azerbaïdjan 15000 hommes qui seraient prélevés sur les troupes aujourd'hui basées en Allemagne et d'installer des F 16 sur plusieurs aérodromes azéris. Les Etats-Unis ont également fourni à l'Azerbaïdjan du matériel pour son service de garde-côtes sur la Caspienne. Le partage des richesses pétrolières et gazières sous-marines de la Caspienne est en effet une source de conflit avec l'Iran et le Turkménistan.
Il s'est ensuite rendu en Afghanistan et le lendemain en Georgie. Là son souci premier a été de faire pression sur la Russie pour qu'elle ferme ses bases militaires dans ce pays. Les Etats-Unis auraient ensuite le champ libre pour installer les leurs ....
Il n'était pas seul sur place puisqu'une mission gouvernementale US comprenant des représentants de la Maison Blanche, du département du trésor et des agences d'aide à l'étranger, conduite par Lynn Pascoe, responsable des affaires européennes et eurasiennes au département d'Etat a séjourné 3 jours à Tbilissi pour " renforcer les liens entre les Etats-Unis et la Georgie et soutenir le processus électoral " (les présidentielles sont fixées au 4 Janvier, il faut faire vite !)
La liste des prochains pays qu'envisagent de déstabiliser ou de contrôler les Etats-Unis a été fournie par Nicolaï Kovalyov, ancien dirigeant du FSB russe ( ex KGB soviétique) et aujourd'hui vice-président de la Commission de la Sécurité à la Douma ( parlement russe). Il a en effet déclaré au cours d'une conférence de presse que la préparation des " révolutionnaires " géorgiens avait été assurée par des instructeurs US dans un camp de Serbie où ils avaient retrouvé cet été d'autres " stagiaires " venus d'Ukraine, de Moldavie, d'Arménie et d'Azerbaïdjan.Les dits stagiaires étaient présents à Tbilissi au moment du renversement de Chevardnadze. Travaux pratiques d'automne après le stage d'été ...

Israël, Palestine : tous les Etats sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres
Il a été fait grand bruit autour de " l'initiative de Genève ", résultat d'un travail commun de citoyens israéliens et palestiniens. Bien sûr, toute tentative sincère de mettre un terme à un conflit vieux de 55 ans suscite l'intérêt. Mais il faut souligner que le projet comporte trois failles d'importance :

Elargissement de l'Europe
Très sagement et sans faire grand bruit, le Parlement français a approuvé en Novembre 2003 l'entrée de 10 nouveaux membres dans l'Union Européenne. Après la bataille, si l'on peut dire. Cet élargissement a, en effet, été approuvé en Décembre 2001 par les gouvernements des 15, les citoyens des pays nouveaux venus ont les uns après les autres approuvé l'adhésion de leur pays par référendum, les nouveaux membres participent déjà activement aux discussions sur le traité constitutionnel. Tout ce processus s'est fait sans que les élus de la nation soient consultés.
Qu'importe ! Ainsi va l'Europe ! Les citoyens sont des vaches qui regardent passer le train communautaire et à qui on demandera peut-être, l'année prochaine, d'applaudir, par référendum, le spectacle de la " Constitution " au sujet de laquelle se poursuivent d'âpres discussions de marchands de tapis. Comme dans tous les spectacles, on applaudit après la représentation quand le dénouement est connu.

Protocole de Kyoto : La Russie et les autres
Que la Russie n'entende pas signer le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre a fait scandale. Mais elle n'est pas la seule : les Etats-Unis, premier émetteur mondial, s'y refuse également tout comme l'Australie ainsi que l'Inde et la Chine. Ces deux derniers pays ne sont pas encore de gros émetteurs de gaz mais leur taille et leur rythme de croissance extrêmement soutenu va très rapidement les faire rentrer dans le club. Dans l'Union européenne où tous les états membres ont signé, le respect des engagements laisse à désirer. Ainsi, selon le commissaire à l'environnement, l'Union qui devrait réduire ses émissions de 8% en 2010 par rapport à 1990 s'achemine plutôt vers une réduction de 0,5%. Seuls deux pays sont dans les normes L'Angleterre et la Suède, la France, la Finlande, la Grèce , l'Irlande et les Pays-Bas sont en bonne voie, les 8 autres sont franchement en retard.
En raison de la concurrence entre les grandes puissances, la pollution continue !

Corruption : Deux poids, deux mesures
Inacceptable en Georgie, la corruption est sans importance en Azerbaïdjan ou en Equateur.
Le président équatorien Lucio Guttierez, élu début 2003, a lancé, dès son entrée en fonction, une campagne contre la corruption et contre la politqiue réactionnaire de ses prédécesseurs. De plus en plus, ce discours anticorruption est une figure imposée face au scepticisme très marqué des électeurs dans le monde entier. Pour parvenir au pouvoir, Guttierez a mené une campagne populiste et a obtenu le soutien des partis de la gauche traditionnelle et des mouvements indigènes qui avaient renversé le gouvernement précédent. Une situation très semblable à celle de la Bolivie. Mais son revirement a été très rapide et les mouvements indigènes ont abandonné son gouvernement au mois d'août pour protester contre le programme d'austérité imposé par le FMI et qui ressemblait trait pour trait à celui qui avait été accepté par le gouvernement précédent. Symboliquement, Guttierez a renié sa promesse électorale de redonner une monnaie nationale au pays, le " sucre ", monnaie équatorienne ayant été supprimée au profit du dollar en 2000, et il a aussitôt été qualifié par Bush de " grand ami des Etats-Unis ".
Aujourd'hui Guttierez est confronté à une intense campagne politique en raison des liens désormais avérés qu'il entretient avec les trafiquants de drogue lesquels auraient financé sa campagne électorale et voudraient tranquillement empocher les dividendes....Sa réponse est d'une grande banalité : " tout le monde touche ! ". Les Etats-Unis toujours prompts à dénoncer les corrompus qui ne leur mangent pas dans la main, a dépêché en Equateur un certain Otto Reich, envoyé spécial du Président, qui est connu comme un grand spécialiste de la fabrication des coups d'Etat en Amérique Latine et à qui l'on doit, entre autres, la mise sur pied des contras nicaraguayens pour renverser le régime sandiniste. Directement chaperonné par les durs de Washington, Guttierez envisage l'avenir plus sereinement. La cocaïne va continuer à arriver aux Etats-Unis....Mais l'Equateur entre dans une nouvelle phase d'instabilité.

Les leçons de l'histoire
L'historien étasunien Ben H. Bagdikian qui publie un livre sur " les nouveaux monopoles médiatiques " se demande dans ce livre si Saddam Hussein n'a pas lu l'ouvrage de Tolstoï " La guerre et la Paix ". En effet, la prise de Bagdad par la plus puissante armée du monde s'est faite presque sans combats et la fameuse Garde Républicaine irakienne, 80000 hommes bien équipés, bien entraînés, loyaux, a disparu sans laisser de traces. Saddam Hussein se serait-il inspiré de l'exemple du Général russe Kutusov qui avait décidé de laisser l'immense armée napoléonienne, 600 000 hommes, la plus puissante de l'époque, s'enfermer dans Moscou en attendant qu'elle s'épuise ? On n'en sait rien car il s'agit, par définition, d'une activité clandestine, mais la question de savoir qui organise et coordonne la résistance irakienne à l'occupant est posée de plus en plus ouvertement.

Erratum : dans le bulletin 80, la Suède a été mentionnée par erreur deux fois dans la même rubrique. La Suède est bien en train d'abandonner le nucléaire civil mais ce n'est pas le cas de son voisin finlandais qui construit de nouveaux réacteurs

Actions