Semaine 01- 2004
Le grand virage de
la Libye
La reddition inattendue de Kadhafi a pris des allures de revirement individuel
d'un dictateur vieillissant désireux de mourir dans son lit. Kadhafi, au pouvoir
depuis 1969, n'en est pourtant pas à son premier coup d'éclat et sa renonciation
spectaculaire aux armes de destruction massive suscite beaucoup de questions.
Bien sur, Bush et Blair sont ravis : un " état voyou " repentant est un succès
dans la " guerre contre le terrorisme " succès d'autant plus remarquable que
Kadhafi n'a pas hésité à inviter les autres " états voyous " à faire comme
lui pour éviter des désagréments à leur peuple. Le directeur de l'agence internationale
de l'énergie atomique est, lui, plus réservé : en première analyse, la Libye
est bien loin d'avoir la capacité de fabriquer des armes nucléaires.D'autre
part, l'embargo et la surveillance permanente du territoire libyen par les
satellites US rendent bien improbable la fabrication d'armes chimiques et
biologiques.
En ne renonçant pas à grand-chose si ce n'est à des projets peu avancés, Kadhafi
a donc surtout choisi de faire plaisir aux anglo-saxons. La contrepartie est
probablement le retour des compagnies pétrolières US en Libye. Les réserves
pétrolières du pays sont importantes mais les recherches de nouveaux gisements
ont été interrompues par l'embargo et le matériel d'exploitation des puits
mis en service avant l'embargo, très vétuste, a impérativement besoin d'être
renouvelé. Les compagnies US qui avaient investi en Libye avant l'embargo
ne sont pas les très grandes du marché mondial mais des outsiders : Marathon
Oil, Occidental Petroleum ( compagnie dans laquelle Al Gore a des intérêts,il
n'y a pas que Bush qui fréquente ces milieux ) qui ne peuvent pas investir
dans le monde entier comme le font Exxon/Mobil, BP/AMOCO Shell ou Chevron/Texaco,ont
maintenu leur activité et fondent beaucoup d'espoir dans de nouvelles gisements
en Libye.Ces gisements sont proches de la mer et beaucoup plus proches des
marchés européens que leurs concurrents du Golfe arabo-persique et de la Caspienne.Mais
l'embargo des Etats-Unis n'est pas encore levé et ceux-ci s'apprêtent à envoyer
sur place leurs inspecteurs - ils ne font pas confiance à ceux de l'ONU -
histoire d'avoir sur place des espions non masqués.
La cheville ouvrière de ce rapprochement est le nouveau premier ministre libyen,
Shokri Ghanem, ancien représentant du pays à l'OPEP et partisan de " réformes
libérales ", comme on dit avec un sourire gourmand dans les multinationales.
Politiquement, le retournement de la Libye a des allures de capitulation.
Kadhafi, imaginant détrôner l'Arabie saoudite dans les faveurs du monde pétrolier,
tombe dans les bras de Bush au moment où le monde arabe est victime d'une
invasion armée en violation du droit international et où la politique coloniale
de Sharon en Palestine est condamnée dans le monde entier à l'exception des
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Il est vrai que les palestiniens ont
déjà appris à leurs dépens que le régime libyen ne les soutenait pas. Bien
sur, Kadhafi, visant Israël, demande que tous les pays de la région renoncent
comme la Libye aux armes de destruction massive mais il sait très bien qu'il
s'agit d'une demande sans portée puisqu'elle n'est pas soutenue par les Etats-Unis
et qu'Israël continue à jouer les innocents en refusant de reconnaître qu'il
possède des armes nucléaires, chimiques et biologiques. La Syrie tient un
tout autre discours et rejette Kadhafi dans le rôle du traître puisque Bachar
El Assad lui-même a confirmé que son pays ne renoncerait à aucune arme tant
qu'Israël ne désarmerait pas.
Cette capitulation fait d'autres heureux : les islamistes. Sur leurs sites
Internet, les fondamentalistes qui prônent la guerre sainte, se réjouissent
de la disparition de Saddam Hussein et de son régime laïc et du virage de
Kadhafi qui marque, selon eux, la faillite définitive du nationalisme arabe
et les laisse désormais seuls face au " grand Satan " occidental.
Ce n'est heureusement pas exactement le cas mais pour la propagande de l'équipe
Bush, à moins d'un an des élections, ce face à face de deux camps, d'un côté
" les chrétiens, leurs dollars et leur démocratie " de l'autre " les terroristes
islamistes " est un scénario de rêve.Pour sa participation dans un premier
rôle à ce nouvel épisode de la superproduction " GUERRE SAINTE " de la " BENBUSHLADEN
COMPANY ", Kadhafi va sans doute toucher un bon cachet !
Chronique pétrolière
Résistance indienne en Equateur
Comme dans la Colombie voisine, la région amazonienne de l'Equateur est
riche en pétrole et intéresse beaucoup les multinationales US. Mais les habitants,
en majorité indiens, à qui l'on annonce depuis des années que le pétrole va
les enrichir voient surtout d'énormes dégâts environnementaux, des rivières
polluées. Certains ont entamé des actions en justice et ont obtenu des indemnisations
pour les dommages subis. Mais ils ne sont pas enrichis pour autant car les
recettes pétrolières de l'Etat équatorien ne profitent pas aux régions indiennes
où 78 % de la population vit au dessous du seuil de pauvreté .L'annonce de
nouveaux investissements pétroliers et d'un possible doublement de la production
équatorienne durcit les positions des indiens.Les chantiers des nouveaux pipelines
sont attaqués, des salariés des compagnies séquestrés.
La riposte à cette résistance populaire se prépare à Washington.
En effet, l'Equateur est en cours de colonisation militaire directe par les
Etats-Unis qui veulent pouvoir prendre la guérilla colombienne à revers à
partir du territoire équatorien. Le dispositif comprend un centre de commandement
naval et aérien à Manta sur la côte pacifique.Mais le rôle de Manta est beaucoup
plus large puisque s'y exerce une activité d'espionnage électronique et aériene
de tout le continent sud américain. Manta coordonne les activités militaires
à l'intérieur du territoire équatorien. Ces activités sont conduites soit
par des détachements de l'armée US (7 bases dans la zone amazonienne) soit
par des sous-traitants privés du Pentagone comme Cyncorp et Dyncorp qui assurent
les transports et la logistique. La police équatorienne entraînée par le FBI
participe de plus en plus à ces activités anti-terroristes.Les fonds alloués
par les Etats-Unis à ces activités en Equateur sont passés de 2 millions de
dollars en 2001 à 37 millions de dollars en 2003.
Pétrole contre nourriture
Sans tambours ni trompettes, l'ONU a mis fin le 21 Novembre 2003 à l'accord
"pétrole contre nourriture" appliqué à l'Irak depuis 1996.Cet accord avait
ceci de particulier que, pour la première fois dans l'histoire de l'aide humanitaire,
c'était le pays " aidé " qui payait lui-même son aide.
Rappelons le déroulement des évènements : pour obliger l'Irak à libérer
le Koweït, l'ONU vote dès le 6 août 1990 un embargo extrêmement sévère (résolution
661du Conseil de Sécurité) réduisant le commerce extérieur de l'Irak aux achats
de nourriture et de médicaments, embargo qui justifie le contrôle par les
marines étasuniennes, anglaises et australienne de tous les navires approvisionnant
l'Irak, qui permet de supprimer tous les vols réguliers vers Bagdad et qui
autorise les pays voisins: Turquie, Iran, Syrie à fermer leur frontière avec
l'Irak.En pratique les importations de nourriture peuvent être bloquées à
tout moment. Le Koweït libéré, l'ONU ne lève pas l'embargo, adoptant donc
une stratégie d'étouffement de l'Irak voulue par les Etats-Unis.La résolution
687 votée par le Conseil de Sécurité le 3 Avril 1991 trouve simplement une
nouvelle justification à l'embargo : il s'agit de l'éliminations des armes
de destruction massive, élimination confiée à la première mission d'inspection
de l'ONU : l'UNSCOM. Le choix est donc fait d'affamer la population.
Le gouvernement irakien met donc aussitôt en place un programme de rationnement
alimentaire qu'il financera en puisant dans les comptes qu'il détient à l'étranger.
La dégradation de la situation sanitaire du pays consécutive aux destructions
de la guerre du Golfe et à l'embargo est relevée 1991 par les organsiations
spécialisées de l'ONU.L'idée de financer les achats de nourriture et de médicaments
par les ventes de pétrole prend corps mais le régime irakien redoute cette
mise en tutelle totale. Il ne s'y résout que lorsque ses caisses sont vides.Le
programme est approuvé le 1995 et mis en oeuvre à partir du 1996. Il s'agit
d'un mécanisme très contraignant et punitif : les recettes pétrolières sont
perçues par l'ONU déposées sur un compte de La BNP-PARIBAS à New York, une
partie de ces recettes couvre la réparations des dégâts de l'armée irakienne
au Koweït, les frais du service de l'ONU qui gère ce programme ( soit 893
personnes de l'ONU et 3600 irakiens), les frais et salaires des inspecteurs
qui recherchent des armes de destruction massive en Irak, les frais et salaires
des contrôleurs qui surveillent l'arrivée des marchandises en Irak ( ils touchent
100 000 dollars par an). Ces lourds prélèvements effectués, chaque achat de
nourriture ou de médicaments est soumis à une commission où sévissent les
représentants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne au Conseil de sécurité,
qui en permanence coupent les cheveux en quatre, imaginent que les achats
d'eau de javel sont destinés à fabriquer des armes chimiques et prennent beaucoup
de temps avant de donner leur accord. Pendant ce temps les enfants irakiens
meurent faute de soins ou de malnutrition. Cette attitude est à ce point insupportable
que deux directeurs successifs du programme : Denis Halliday et Hans Von Sponeck
vont démissionner en signe de protestation et mener campagne publiquement
contre ce carcan mortifère. Sans succès, puisqu'il faudra attendre l'invasion
et l'occupation de l'Irak pour que la résolution 1483 du Conseil de Sécurité
en Mai 2003 mette fin à ce système. Le nouveau système est connu : les Etats-Unis
vendent le pétrole irakien et la recette est gérée directement par le gouverneur
Bremer. C'est simple et discret !
Nouvelle base nucléaire
US en Méditerranée
La Maddalena est un port militaire de l'US Navy installé en Sardaigne à quelques
kilomètres des côtes Sud de la Corse qui à l'époque de la guerre froide était
un centre de surveillance de la flotte soviétique.L'année 2003 a vu cette
base prendre beaucoup d'importance pour les stratèges US.En Mars, l'escadre
sous-marine 22 qui compte un nombre tenu secret de sous-marins nucléaires
s'y est installée et y a mis en place des missiles Tomahawk et Cruise à lancer
sur l'Irak. Le personnel au sol devrait passer de 2500 à 6000 hommes et cette
base n'est pas intégrée dans l'OTAN. Mauro Bulgarelli, député Vert local,
qui craint que le gouvernement italien ne donne à cette base un statut d'extra
territorialité à dénonce cette violation de la souveraineté italienne.
Elections en Serbie
L'élection de Milosevic et du nationaliste Selsej (dont les partis étaient
alliés jusqu'en 2000) au parlement de Serbie n'a été une surprise que pour
ceux qui ont détourné leurs regards de ce pays depuis la chute de Milosevic
(Octobre 2000). Ce que la population serbe a observé depuis 3 ans c'est que
les nouveaux dirigeants " démocrates " ne faisaient pas grand-chose pour elle
et se contentaient de se soumettre aux bons vouloirs de Washington et de Bruxelles
que le pouvoir était l'objet d'affrontements mortels ( le premier ministre
a été assassiné) entre clans mafieux rivaux et qu'ils ne faisaient rien pour
réintégrer le Kosovo qui, du point de vue du droit international, est toujours
une région du pays mais où les puissances occupantes ( via l'OTAN) ne font
rien pour empêcher l'expulsion de toutes les populations non albanaises. Alors
ces électeurs qui ont voté Milosevic ou Selsej sont-ils fous ? Faut-il, comme
ironisait Brecht, dissoudre le peuple quand il se trompe ? Ou bien faut-il
comprendre que le vote nationaliste exprime un refus, parce qu'il n'y a pas
d'autre choix parmi les forces politiques en présence, de la soumission aux
grandes puissances, du pillage par les intérêts étrangers et du règne des
mafias, comme si le nationalisme était, aujourd'hui et faute de mieux, l'altermondialisme
du pauvre.
Castro rappelle des
évidences
Critiquant les puissances nucléaires à l'occasion de la célébration du 45°
anniversaire de la révolution cubaine, Castro a déclaré :
" La vie de millions d'êtres humains qui habitent cette planète dépend de
quelques uns qui pensent, croient et décident.Un petit groupe de pays monopolisent
les armes nucléaires et se vantent d'avoir seuls le droit de les produire
et de les développer. Nous avons le droit de dénoncer, de faire pression pour
des changements et d'exiger qu'il soit mis fin à cette situation qui fait
de nous des otages. "
Bref portrait de Saddam
Hussein
Document US déclassifié.
Rapport présenté à Henry Kissinger le 28 Avril 1975 par Alfred L. Atherton,
sous-secrétaire d'Etat pour le Moyen-Orient : " Hussein est un homme plutôt
remarquable... Il mène les affaires et il exerce un pouvoir impitoyable, pragmatique
et intelligent. "
Lutte des femmes :
L'écrivaine du Bangla Desh, Taslima Nasreen, poursuit son combat difficile
contre l'oppression et le patriarcat. Son dernier livre intitulé (en anglais)
" Coupée en deux " a été interdit dans son pays et qualifié de pornographique
et d'attentatoire à l'ordre public.
Trou noir
Ceux qui s'inquiètent pour la santé du président pakistanais Mousharraf, qui
a récemment échappé à deux attentats, qualifient l'armée et les services secrets
pakistanais de trou noir, c'est-à-dire de services où nul ne sait vraiment
qui commande. Cela n'est pas nouveau et n'a empêché ni les Etats-Unis, ni
la France qui a continué à livrer des sous-marins à la marine pakistanaise,
de déverser des armes dans ce trou noir. Un grand bravo pour les irresponsables
!