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Bulletin 84

Semaine 01- 2004

Le grand virage de la Libye
La reddition inattendue de Kadhafi a pris des allures de revirement individuel d'un dictateur vieillissant désireux de mourir dans son lit. Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, n'en est pourtant pas à son premier coup d'éclat et sa renonciation spectaculaire aux armes de destruction massive suscite beaucoup de questions.
Bien sur, Bush et Blair sont ravis : un " état voyou " repentant est un succès dans la " guerre contre le terrorisme " succès d'autant plus remarquable que Kadhafi n'a pas hésité à inviter les autres " états voyous " à faire comme lui pour éviter des désagréments à leur peuple. Le directeur de l'agence internationale de l'énergie atomique est, lui, plus réservé : en première analyse, la Libye est bien loin d'avoir la capacité de fabriquer des armes nucléaires.D'autre part, l'embargo et la surveillance permanente du territoire libyen par les satellites US rendent bien improbable la fabrication d'armes chimiques et biologiques.
En ne renonçant pas à grand-chose si ce n'est à des projets peu avancés, Kadhafi a donc surtout choisi de faire plaisir aux anglo-saxons. La contrepartie est probablement le retour des compagnies pétrolières US en Libye. Les réserves pétrolières du pays sont importantes mais les recherches de nouveaux gisements ont été interrompues par l'embargo et le matériel d'exploitation des puits mis en service avant l'embargo, très vétuste, a impérativement besoin d'être renouvelé. Les compagnies US qui avaient investi en Libye avant l'embargo ne sont pas les très grandes du marché mondial mais des outsiders : Marathon Oil, Occidental Petroleum ( compagnie dans laquelle Al Gore a des intérêts,il n'y a pas que Bush qui fréquente ces milieux ) qui ne peuvent pas investir dans le monde entier comme le font Exxon/Mobil, BP/AMOCO Shell ou Chevron/Texaco,ont maintenu leur activité et fondent beaucoup d'espoir dans de nouvelles gisements en Libye.Ces gisements sont proches de la mer et beaucoup plus proches des marchés européens que leurs concurrents du Golfe arabo-persique et de la Caspienne.Mais l'embargo des Etats-Unis n'est pas encore levé et ceux-ci s'apprêtent à envoyer sur place leurs inspecteurs - ils ne font pas confiance à ceux de l'ONU - histoire d'avoir sur place des espions non masqués.
La cheville ouvrière de ce rapprochement est le nouveau premier ministre libyen, Shokri Ghanem, ancien représentant du pays à l'OPEP et partisan de " réformes libérales ", comme on dit avec un sourire gourmand dans les multinationales.
Politiquement, le retournement de la Libye a des allures de capitulation. Kadhafi, imaginant détrôner l'Arabie saoudite dans les faveurs du monde pétrolier, tombe dans les bras de Bush au moment où le monde arabe est victime d'une invasion armée en violation du droit international et où la politique coloniale de Sharon en Palestine est condamnée dans le monde entier à l'exception des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Il est vrai que les palestiniens ont déjà appris à leurs dépens que le régime libyen ne les soutenait pas. Bien sur, Kadhafi, visant Israël, demande que tous les pays de la région renoncent comme la Libye aux armes de destruction massive mais il sait très bien qu'il s'agit d'une demande sans portée puisqu'elle n'est pas soutenue par les Etats-Unis et qu'Israël continue à jouer les innocents en refusant de reconnaître qu'il possède des armes nucléaires, chimiques et biologiques. La Syrie tient un tout autre discours et rejette Kadhafi dans le rôle du traître puisque Bachar El Assad lui-même a confirmé que son pays ne renoncerait à aucune arme tant qu'Israël ne désarmerait pas.
Cette capitulation fait d'autres heureux : les islamistes. Sur leurs sites Internet, les fondamentalistes qui prônent la guerre sainte, se réjouissent de la disparition de Saddam Hussein et de son régime laïc et du virage de Kadhafi qui marque, selon eux, la faillite définitive du nationalisme arabe et les laisse désormais seuls face au " grand Satan " occidental.
Ce n'est heureusement pas exactement le cas mais pour la propagande de l'équipe Bush, à moins d'un an des élections, ce face à face de deux camps, d'un côté " les chrétiens, leurs dollars et leur démocratie " de l'autre " les terroristes islamistes " est un scénario de rêve.Pour sa participation dans un premier rôle à ce nouvel épisode de la superproduction " GUERRE SAINTE " de la " BENBUSHLADEN COMPANY ", Kadhafi va sans doute toucher un bon cachet !

Chronique pétrolière
Résistance indienne en Equateur
Comme dans la Colombie voisine, la région amazonienne de l'Equateur est riche en pétrole et intéresse beaucoup les multinationales US. Mais les habitants, en majorité indiens, à qui l'on annonce depuis des années que le pétrole va les enrichir voient surtout d'énormes dégâts environnementaux, des rivières polluées. Certains ont entamé des actions en justice et ont obtenu des indemnisations pour les dommages subis. Mais ils ne sont pas enrichis pour autant car les recettes pétrolières de l'Etat équatorien ne profitent pas aux régions indiennes où 78 % de la population vit au dessous du seuil de pauvreté .L'annonce de nouveaux investissements pétroliers et d'un possible doublement de la production équatorienne durcit les positions des indiens.Les chantiers des nouveaux pipelines sont attaqués, des salariés des compagnies séquestrés.
La riposte à cette résistance populaire se prépare à Washington.
En effet, l'Equateur est en cours de colonisation militaire directe par les Etats-Unis qui veulent pouvoir prendre la guérilla colombienne à revers à partir du territoire équatorien. Le dispositif comprend un centre de commandement naval et aérien à Manta sur la côte pacifique.Mais le rôle de Manta est beaucoup plus large puisque s'y exerce une activité d'espionnage électronique et aériene de tout le continent sud américain. Manta coordonne les activités militaires à l'intérieur du territoire équatorien. Ces activités sont conduites soit par des détachements de l'armée US (7 bases dans la zone amazonienne) soit par des sous-traitants privés du Pentagone comme Cyncorp et Dyncorp qui assurent les transports et la logistique. La police équatorienne entraînée par le FBI participe de plus en plus à ces activités anti-terroristes.Les fonds alloués par les Etats-Unis à ces activités en Equateur sont passés de 2 millions de dollars en 2001 à 37 millions de dollars en 2003.

Pétrole contre nourriture
Sans tambours ni trompettes, l'ONU a mis fin le 21 Novembre 2003 à l'accord "pétrole contre nourriture" appliqué à l'Irak depuis 1996.Cet accord avait ceci de particulier que, pour la première fois dans l'histoire de l'aide humanitaire, c'était le pays " aidé " qui payait lui-même son aide.
Rappelons le déroulement des évènements : pour obliger l'Irak à libérer le Koweït, l'ONU vote dès le 6 août 1990 un embargo extrêmement sévère (résolution 661du Conseil de Sécurité) réduisant le commerce extérieur de l'Irak aux achats de nourriture et de médicaments, embargo qui justifie le contrôle par les marines étasuniennes, anglaises et australienne de tous les navires approvisionnant l'Irak, qui permet de supprimer tous les vols réguliers vers Bagdad et qui autorise les pays voisins: Turquie, Iran, Syrie à fermer leur frontière avec l'Irak.En pratique les importations de nourriture peuvent être bloquées à tout moment. Le Koweït libéré, l'ONU ne lève pas l'embargo, adoptant donc une stratégie d'étouffement de l'Irak voulue par les Etats-Unis.La résolution 687 votée par le Conseil de Sécurité le 3 Avril 1991 trouve simplement une nouvelle justification à l'embargo : il s'agit de l'éliminations des armes de destruction massive, élimination confiée à la première mission d'inspection de l'ONU : l'UNSCOM. Le choix est donc fait d'affamer la population.
Le gouvernement irakien met donc aussitôt en place un programme de rationnement alimentaire qu'il financera en puisant dans les comptes qu'il détient à l'étranger. La dégradation de la situation sanitaire du pays consécutive aux destructions de la guerre du Golfe et à l'embargo est relevée 1991 par les organsiations spécialisées de l'ONU.L'idée de financer les achats de nourriture et de médicaments par les ventes de pétrole prend corps mais le régime irakien redoute cette mise en tutelle totale. Il ne s'y résout que lorsque ses caisses sont vides.Le programme est approuvé le 1995 et mis en oeuvre à partir du 1996. Il s'agit d'un mécanisme très contraignant et punitif : les recettes pétrolières sont perçues par l'ONU déposées sur un compte de La BNP-PARIBAS à New York, une partie de ces recettes couvre la réparations des dégâts de l'armée irakienne au Koweït, les frais du service de l'ONU qui gère ce programme ( soit 893 personnes de l'ONU et 3600 irakiens), les frais et salaires des inspecteurs qui recherchent des armes de destruction massive en Irak, les frais et salaires des contrôleurs qui surveillent l'arrivée des marchandises en Irak ( ils touchent 100 000 dollars par an). Ces lourds prélèvements effectués, chaque achat de nourriture ou de médicaments est soumis à une commission où sévissent les représentants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne au Conseil de sécurité, qui en permanence coupent les cheveux en quatre, imaginent que les achats d'eau de javel sont destinés à fabriquer des armes chimiques et prennent beaucoup de temps avant de donner leur accord. Pendant ce temps les enfants irakiens meurent faute de soins ou de malnutrition. Cette attitude est à ce point insupportable que deux directeurs successifs du programme : Denis Halliday et Hans Von Sponeck vont démissionner en signe de protestation et mener campagne publiquement contre ce carcan mortifère. Sans succès, puisqu'il faudra attendre l'invasion et l'occupation de l'Irak pour que la résolution 1483 du Conseil de Sécurité en Mai 2003 mette fin à ce système. Le nouveau système est connu : les Etats-Unis vendent le pétrole irakien et la recette est gérée directement par le gouverneur Bremer. C'est simple et discret !

Nouvelle base nucléaire US en Méditerranée
La Maddalena est un port militaire de l'US Navy installé en Sardaigne à quelques kilomètres des côtes Sud de la Corse qui à l'époque de la guerre froide était un centre de surveillance de la flotte soviétique.L'année 2003 a vu cette base prendre beaucoup d'importance pour les stratèges US.En Mars, l'escadre sous-marine 22 qui compte un nombre tenu secret de sous-marins nucléaires s'y est installée et y a mis en place des missiles Tomahawk et Cruise à lancer sur l'Irak. Le personnel au sol devrait passer de 2500 à 6000 hommes et cette base n'est pas intégrée dans l'OTAN. Mauro Bulgarelli, député Vert local, qui craint que le gouvernement italien ne donne à cette base un statut d'extra territorialité à dénonce cette violation de la souveraineté italienne.

Elections en Serbie
L'élection de Milosevic et du nationaliste Selsej (dont les partis étaient alliés jusqu'en 2000) au parlement de Serbie n'a été une surprise que pour ceux qui ont détourné leurs regards de ce pays depuis la chute de Milosevic (Octobre 2000). Ce que la population serbe a observé depuis 3 ans c'est que les nouveaux dirigeants " démocrates " ne faisaient pas grand-chose pour elle et se contentaient de se soumettre aux bons vouloirs de Washington et de Bruxelles que le pouvoir était l'objet d'affrontements mortels ( le premier ministre a été assassiné) entre clans mafieux rivaux et qu'ils ne faisaient rien pour réintégrer le Kosovo qui, du point de vue du droit international, est toujours une région du pays mais où les puissances occupantes ( via l'OTAN) ne font rien pour empêcher l'expulsion de toutes les populations non albanaises. Alors ces électeurs qui ont voté Milosevic ou Selsej sont-ils fous ? Faut-il, comme ironisait Brecht, dissoudre le peuple quand il se trompe ? Ou bien faut-il comprendre que le vote nationaliste exprime un refus, parce qu'il n'y a pas d'autre choix parmi les forces politiques en présence, de la soumission aux grandes puissances, du pillage par les intérêts étrangers et du règne des mafias, comme si le nationalisme était, aujourd'hui et faute de mieux, l'altermondialisme du pauvre.

Castro rappelle des évidences
Critiquant les puissances nucléaires à l'occasion de la célébration du 45° anniversaire de la révolution cubaine, Castro a déclaré :
" La vie de millions d'êtres humains qui habitent cette planète dépend de quelques uns qui pensent, croient et décident.Un petit groupe de pays monopolisent les armes nucléaires et se vantent d'avoir seuls le droit de les produire et de les développer. Nous avons le droit de dénoncer, de faire pression pour des changements et d'exiger qu'il soit mis fin à cette situation qui fait de nous des otages. "

Bref portrait de Saddam Hussein
Document US déclassifié.
Rapport présenté à Henry Kissinger le 28 Avril 1975 par Alfred L. Atherton, sous-secrétaire d'Etat pour le Moyen-Orient : " Hussein est un homme plutôt remarquable... Il mène les affaires et il exerce un pouvoir impitoyable, pragmatique et intelligent. "

Lutte des femmes :
L'écrivaine du Bangla Desh, Taslima Nasreen, poursuit son combat difficile contre l'oppression et le patriarcat. Son dernier livre intitulé (en anglais) " Coupée en deux " a été interdit dans son pays et qualifié de pornographique et d'attentatoire à l'ordre public.

Trou noir
Ceux qui s'inquiètent pour la santé du président pakistanais Mousharraf, qui a récemment échappé à deux attentats, qualifient l'armée et les services secrets pakistanais de trou noir, c'est-à-dire de services où nul ne sait vraiment qui commande. Cela n'est pas nouveau et n'a empêché ni les Etats-Unis, ni la France qui a continué à livrer des sous-marins à la marine pakistanaise, de déverser des armes dans ce trou noir. Un grand bravo pour les irresponsables !

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