Semaine 12- 2004
Statistiques nucléaires
L'age atomique s'est ouvert le 6 août 1945 à Hiroshima.
Depuis cette date il a été fabriqué 128 000 bombes atomiques. A 98
%, ces armes ont été produites par les deux protagonistes de la guerre
froide : USA (70 000) et URSS (55 000). (Les 6 autres membres du club nucléaire
: Chine, France, Grande-Bretagne, Israël, Inde et Pakistan se partagent les
2% restants.) Les tentatives de réduction coordonnée de cet arsenal démesuré
entreprises sous Gorbatchev ont été stoppées par l'administration Bush et
environ 10% du total reste en état de marche. Pourtant il est proprement
ridicule de prononcer le mot désarmement si les USA et la Russie, dépositaire
de la quasi-totalité de l'arsenal soviétique, ne donnent pas l'exemple.
Chypre : encore un
projet dangereux des Etats-Unis
Les discussions en cours pour parvenir à une réunification de Chypre avant
le premier Mai 2004, date officielle de l'entrée de la république de Chypre
(partie sud) dans l'Union Européenne se poursuivent mais n'avancent guère,
tant le gouvernement de la république turque du nord de Chypre, non reconnue
internationalement, met peu d'empressement à se saborder, tant l'armée turque
qui maintient 30000 hommes dans cette quasi colonie n'est pas prête à lâcher
cette magnifique base militaire.
Le gouvernement turc sait que le règlement de la question chypriote est un
préalable à l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne mais se satisferait
d'une réunification de façade sous la forme d'un bricolage institutionnel
d'état binational ou de confédération très souple qui consisterait en fait
à masquer tous les problèmes posés par l'inégalité de développement entre
les deux parties de l'île (PIB par tête 5 fois moins élevé au Nord qu'au Sud).
Il s'y ajoute le problème des réfugiés qui sans être aussi dramatique qu'en
Palestine est de même nature puisque en 1974 plus de 200000 chypriotes grecs
ont abandonné leurs terres et leurs maisons dans la partie Nord où ils ont
été remplacés par des colons turcs - plus de 100000 - venus du continent et
qui sont aujourd'hui plus nombreux que les habitants d'origine. Il s'agit
donc d'une question délicate et difficile à régler rapidement au bout de 30
ans d'occupation turque car elle concerne plus du tiers de la population totale
de l'île. Les Etats-Unis qui ne participent pas directement aux négociations
et qui se fichent comme d'une guigne des chypriotes font pression pour une
solution rapide - sans se soucier qu'elle soit bancale - car ils veulent que
la Turquie intègre au plus tôt l'Union européenne.
Leur dernière menace est de reconnaître unilatéralement la république turque
de Chypre. Cette reconnaissance consacrerait la division définitive de l'île
et serait un beau cadeau empoisonné pour le chypriotes des deux pays qui aspirent
majoritairement à la réunification et pour l'Union européenne.
Irak : curieux trafic
d'armes
Des sources d'information iraniennes font état du débarquement dans les
ports du Sud Irak de matériel militaire lourd assez ancien qui semblerait
provenir d'arsenaux démantelés d'Europe de l'Est.Ces informations faciles
à obtenir par les iraniens le long de la frontière commune avec l'Irak n'ont
pas ou peu été reprises à l'étranger. Ces armes (des missiles en particulier)
pourraient être destinées non pas aux armées d'occupation de l'Irak qui disposent
d'un matériel bien plus moderne, mais à la campagne présidentielle aux USA.
En effet, elles permettraient aux inspecteurs US de découvrir enfin les
fameuses " armes de destruction massive " qui n'existaient pas et en plus
de mettre en accusation l'ex camp soviétique. Cette bienheureuse découverte
ferait contrepoids au contenu des fameux documents de 13000 pages remis par
l'Irak aux Nations Unies avant l'invasion et qui renferment les noms de tous
les fournisseurs d'armes à l'Irak à commencer par ceux des Etats-Unis et des
autres grands vendeurs d'armes : Grande-Bretagne, France, Allemagne, documents
dont le dépouillement s'achève et dont l'analyse devrait être bientôt rendue
publique.
Irak : le coût de la
guerre
Bien que l'administration Bush ne soit pas très bavarde là-dessus, les estimations
faites par la presse indépendante et les groupes anti-guerre convergent autour
du chiffre de 100 milliards de dollars dépensés en un an.
Ce chiffre est à comparer à d'autres récemment publiés par le magazine Forbes
concernant le patrimoine de ceux (individus ou familles) qui possèdent plus
de 1 milliard de dollars US. Ils sont au nombre de 587 à la fin 2003 en progression
de 23 % par rapport à 2002. Leur fortune totale s'élève à 2000 milliards de
dollars US et il est bien probable que directement ou indirectement l'économie
de guerre leur profite. Cette somme dépasse le total du PIB des 170 pays les
plus pauvres de la planète, catégorie dans laquelle se situent tous les pays
aujourd'hui victimes d'une invasion ou d'une occupation par un pays riche
: Haïti, Palestine, Irak, Afghanistan ou dans lesquels se déroule un guerre
civile alimentée par les pays riches comme la Colombie.
La moitié de ces milliardaires habitent aux Etats-Unis dont 40 à New-York
et dans les environs.42 milliardaires sont allemands. Plus inattendu le fait
que 23 habitent Moscou, 8 de plus qu'en 2002. L'affrontement pour le pouvoir
entre ce groupe, largement favorisé par Eltsine et les Etats-Unis avec lesquels
ils entretiennent d'étroites relations et qui espérait gouverner au nom fallacieux
de la " démocratie ", et la nouvelle équipe gouvernementale de Poutine va
marquer durablement la politique russe.
D'autres milliardaires ont du pouvoir politique tel le maire de New-York :
Michael Bloomberg, ou sont carrément au pouvoir tels Berlusconi qui pèse aujourd'hui
10 milliards de dollars ou Thaksin Shniwatan le premier ministre thaïlandais.Dans
ce palmarès en or massif on trouvera également les émirs pétroliers de Dubaï,
du Brunei et une certain nombre de princes saoudiens et la famille Ben Laden,
bien que non citée, n'est sûrement pas loin du compte.
Taiwan : élections
à fort impact international
Alors que dans le monde entier se déroulaient d'importantes manifestations
contre la guerre et les occupations les taiwanais votaient le 20 Mars. Ce
vote était important puisque outre le choix d'un nouveau président de la république,
ils devaient se prononcer par référendum sur deux questions concernant l'avenir
de l'île et ses rapports avec la Chine populaire.
Un peu d'histoire est nécessaire pour bien comprendre l'ampleur de l'enjeu.
L'île de Taiwan, petite île de 35000 km2 peuplée de 22 millions d'habitants
(ce qui en fait un des pays les plus densément peuplés du monde - grande comme
4 fois la Corse elle est cent fois plus peuplée !) ) se trouve à environ 160
Km des côtes Sud de la Chine.Son peuplement initial était probablement d'origine
mélanésienne mais les Chinois, très proches, s'y sont installés dès le 5°
siècle après JC et massivement à partir du 17° siècle. Colonisée superficiellement
par les Portugais et les Hollandais elle devient partie intégrante de l'empire
chinois à partir de 1661 .Le 19° siècle voit une la Chine affaiblie, impuissante
à s'opposer à la pénétration coloniale européenne et objet de la convoitise
de son voisin japonais qui a entrepris avant elle sa modernisation technique
et industrielle. Une première guerre sino-japonaise se déroule en 1884 et
le Japon en sort facilement vainqueur. Par le traité de Shimonoseki (1895)
le Japon s'empare de Taiwan où il va mener une politique de colonisation et
de japonisation (tentative d'éradication de la langue et de la culture chinoise)
qui a laissé de très mauvais souvenirs aux habitants. La capitulation du Japon
en 1945 rend Taiwan à la République chinoise mais il faut attendre 1949 pour
que l'île devienne un enjeu de la politique mondiale et une zone de friction
dans la guerre froide.
En 1949 le Parti Communiste Chinois écrase définitivement le parti nationaliste
(Kuo Min Tang) de Tchang Kai Tchek. Celui-ci, protégé par les Etats-Unis qui
sont intervenus à ses côtés mais sans succès dans la guerre civile chinoise
ne sauve sa vie, les restes de son armée et quelques fidèles qu'en se réfugiant
à Taiwan (environ un million de réfugiés) .Par la volonté des Etats-Unis et
dans le climat de la guerre froide, Taiwan avec Tchang Kaï Chek à sa tête
va être considérée comme la seule Chine officielle et va siéger à l'ONU au
lieu et place de la Chine populaire (qui compte déjà 500 millions d'habitants
en 1949) jusqu'en 1971. Depuis cette date, Taiwan est un Etat dans les faits
mais qui n'est pas reconnu internationalement et depuis 1949 la Chine populaire
n'a jamais cessé de revendiquer sa souveraineté sur Taiwan tandis que de leur
côté les Etats-unis ont fait de l'île une vitrine de développement capitaliste
face au grand voisin chinois en même temps qu'ils en assuraient une protection
militaire de tous les instants.
A l'image de ce qui s'est passé pour la Corée du Sud, autre dragon économique
asiatique, le développement industriel de Taiwan qui en a fait une ile-atelier
s'est fait dans la contrainte puisque le pays a vécu 37 ans sous la loi martiale
sous la férule du Kuo Min Tang. Ce parti va rester au pouvoir jusqu'en 2000
et bien que son histoire l'amène à exécrer le parti communiste chinois, il
ne fera rien pour sortir l'île de sa situation diplomatique ambiguë.
Mais le temps a fait son œuvre et une partie des chinois de Taiwan, enrichis
par quarante années de développement économique rapide et favorisé par les
Etats-Unis qui achètent tout ce que Taiwan peut produire, se mettent à penser
que le moment du divorce avec la mère patrie est peut-être venu. Porteur de
ces aspirations un nouveau parti, le Parti Démocratique Populaire (PDP) gagne
les présidentielles en 2000. Après 4 années de pouvoir, le PDP avait l'intention
d'avancer dans la voie de l'indépendance. C'est pourquoi il avait assorti
l'élection présidentielle où il allait à nouveau affronter le candidat du
Kuo Min Tang d'un référendum destiné à lui donner les coudées franches pour
aller vers l'indépendance.
Ce référendum comportait deux questions :
Derrière cette formulation
subtile dans laquelle est cependant inscrite une perspective de guerre se
dissimule à peine le principe d'une négociation d'égal à égal entre deux Etats
souverains que la Chine a toujours refusée et surtout une énorme mystification.
Car même si divers pays ont vendu à l'occasion du matériel militaire à Taiwan
dans des conditions proches de la contrebande, on se souvient ici des fameuses
frégates françaises, le face à face militaire ne peut-être qu'un face à
face Chine-Etats-Unis.
Du strict point de vue militaire, ce face à face est inégal : le budget militaire
de la Chine, quoi qu'en augmentation, représente moins de 10% de celui des
Etats-Unis mais c'est un face à face dangereux puisque impliquant deux puissances
nucléaires.Or la Chine a toujours affirmé qu'elle voulait un règlement politique
et pas de guerre et elle a affirmé qu'il en irait de Taiwan comme de Hong
Kong et de Macao c'est-à-dire que la souveraineté chinoise rétablie sur l'île
ne remettrait pas en cause le régime capitaliste qui y a été installé. C'est
le principe énoncé dès 1984 par Deng Tsiao Ping : " un seul pays, deux régimes
" et que le gouvernement actuel de Pékin répète avec constance.
Officiellement les Etats-Unis ont désapprouvé ce référendum , signe qu'ils
ne veulent pas mécontenter ouvertement la Chine qui remplit leurs supermarchés
de produits de plus en plus variés et élaborés et qui prête des milliards
de dollars au trésor Us en situation de déficit dramatique, mais l'équipe
Bush est une équipe de provocateurs tout à fait capable d'entretenir en sous-main
un foyer de tension avec cette Chine que les doctrinaires néoconservateurs
décrivent comme le seul adversaire stratégique du XXI° siècle.
Les douze millions d'électeurs taiwanais se trouvaient donc ce 20 Mars face
à des choix qui les dépassaient très largement. Leur vote traduit bien leur
embarras : s'ils semblent avoir réélu le Président sortant, c'est de justesse
et après un étrange épisode préélectoral qui aurait vu ce monsieur et sa femme
être victimes deux jours avant le scrutin d'une agression mal expliquée et
ayant entraîné une légère blessure par balle dont il ne restait guère de trace
le jour du scrutin où les télévisions du monde entier ont présenté le couple
présidentiel en train de voter. Au point que le candidat du Kuo Min Tang,
adversaire du président sortant, distancé de 30000 voix sur 6 millions a déposé
un recours en annulation des élections.
Quant au référendum, c'est un échec puisque le oui a obtenu moins de 50 %
pour les deux questions : les taiwanais, qui sont des chinois, n'ont probablement
pas eu envie de s'affronter avec la grande Chine continentale avec laquelle
par ailleurs les relations privées qu'elles soient familiales ou commerciales
se sont beaucoup amélioré ces dernières années et ils ont sans doute conscience
que les Etats-Unis s'intéressent plus aux grands choix stratégiques et au
maintien de leur domination qu'à l'avenir de leur petite île.En même temps
le désir de vengeance qui animait les réfugiés de 1949 s'est estompé et leurs
enfants n'ont que peu de goût pour le maintien d'une situation de crise permanente
avec la Chine.
Par contre les Etats-Unis manifestent en permanence leur volonté de maintenir
en état dans cette région du monde le dispositif stratégique de la guerre
froide avec l'encerclement de la Chine par le Japon, la Corée du Sud et Taiwan.
Dans ce climat politique incertain, le baromètre capitaliste baisse : les
cours de la bourse de Taipeh ont chuté après l'élection.
Georgie : regain de
tension
A l'approche des nouvelles élections législatives partielles en Georgie,
le nouveau Président essaie d'asseoir sa légitimité. Pour ce faire il doit
obtenir que le vote puisse avoir lieu dans les trois provinces autonomistes
: l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et l'Adjarie.
Ses efforts portent principalement sur l'Adjarie à la frontière turque qui
a un double intérêt : d'une part s'y trouve une importante base militaire
russe que les Etats-Unis voudraient voir disparaître, d'autre part le fameux
pipeline Bakou, Tbilissi, Ceyhan qui est en cours de construction et constitue
l'investissement majeur de la stratégie pétrolière des Etats-Unis dans la
région, doit la traverser. Pour ce faire le Président Saakashvili fait monter
la tension en faisant fermer par ses garde-côtes (formés par les spécialistes
des Etats-Unis : les " US Coast Guards ") l'accès au port adjarien de Batoumi
par où est exporté une partie du pétrole en provenance d'Azerbaïdjan et menace
l'Adjarie d'un embargo total.
Le face à face inamical Moscou-Washington dans la région du Caucase se
poursuit donc par Georgiens interposés.