Semaine 16- 2004
Israël et l'arme nucléaire
Mordechaï Vanunu, technicien nucléaire israélien a été libéré le 20 Avril
après avoir effectué la totalité de sa peine : soit 18 ans, dont onze ans
au secret. Après avoir travaillé au centre nucléaire de Dimona dans le désert
du Néguev, il avait au cours d'un voyage en Angleterre révélé à la presse
britannique que, contrairement aux affirmations officielles, ce centre n'était
pas destiné à des travaux de recherche sur le nucléaire civil mais au contraire
à la production du plutonium nécessaire aux armes nucléaires.Séduit comme
dans les livres d'espionnage par une belle employée des services secrets israéliens,
il la retrouve à Rome pour un voyage en amoureux. Là ils est drogué et enlevé,
endormi, par les agents du Mossad. Quand il se réveille il est en prison en
Israël !
Il est ensuite condamné à 18 ans de prison pour trahison. Il a donc payé très
cher son acte individuel courageux consistant à révéler au public ce que savaient
tous les services de renseignement et tous les gouvernements. Il a payé pour
avoir rompu le silence que l'Etat Israël entretient, farouchement et avec
une persévérance jamais démentie depuis l'origine, sur son programme d'armes
nucléaires.
Car la politique nucléaire d'Israël est quasiment constitutive et fondatrice
de cet Etat.
Dés 1949, les savants atomistes israéliens collaborent avec leurs homologues
français et se mettent à fouiller le désert du Néguev pour y trouver de l'uranium.Cette
connivence franco israélienne, qui va durer jusqu'au début des années 60,
a plusieurs raisons :
En 1952 est créé, sur
le modèle français, le CEA israélien. Son président Ernst David Bergmann s'est
toujours déclaré favorable à l'arme atomique.Dès l'année suivante, Israël
produit de l'uranium métal et de l'eau lourde et peut envisager de faire fonctionner
un premier réacteur nucléaire.
Eisenhower, Président des Etats-Unis de 1952 à 1960, est opposé à toute prolifération
nucléaire et refuse même de vendre des armes conventionnelles à Israël. Il
n'est donc pas question que les Etats-Unis aident Israël dans son programme
nucléaire. Ceci n'empêchera pas Lewis Strauss, Président de la Commission
américaine pour l'énergie atomique et prosioniste, d'aider en sous main Israël
pour la construction du premier réacteur de recherche de Dimona.Celui-ci entre
en service en 1955.
Pendant la même période les relations franco-israéliennes s'intensifient.
En effet, la France voit dans la lutte d'indépendance du peuple algérien un
complot arabe orchestré par l'Egypte de Nasser et elle partage avec le gouvernement
de Tel-Aviv une profonde hostilité au nationalisme arabe. Ainsi l'expédition
de Suez est-elle préparée en commun par la Grande-Bretagne, la France et Israël.
Israël doit attaquer l'Egypte et ses deux compères doivent intervenir pour
protéger le Canal de Suez que Nasser a nationalisé quelques mois auparavant...
L'URSS qui soutient l'Egypte et les Etats-Unis qui veulent à la fois calmer
le jeu et évincer leurs petits alliés du monde arabe ne se laissent pas prendre
au piège et interviennent pour mettre un terme à l'opération. Les troupes
israéliennes, britanniques et françaises se retirent. L'Egypte reste maîtresse
du Canal de Suez.
Malgré cet échec, la coopération nucléaire avec la France se poursuit. En
Novembre 1956 est passé un accord secret entre la France et Israël pour la
construction d'un nouveau réacteur plus puissant à Dimona (24 MW). Les deux
négociateurs français sont le ministre de la Défense : Bourges Maunoury et
le Ministre des Affaires étrangères : Christian Pineau. Cet accord est complété
l'année suivante par une disposition non écrite autorisant Israël à retraiter
les combustibles du réacteur pour en extraire le plutonium nécessaire à la
bombe.La construction du réacteur débute en 1958 et les travaux se poursuivent
en parallèle avec ceux menés en France à Marcoule par le CEA où un réacteur
similaire est installé. Ainsi de nombreux techniciens français travaillent-ils
à Dimona tandis que de nombreux techniciens israéliens travaillent à Marcoule.
En 1958, De Gaulle prend le pouvoir et en écarte la SFIO, fidèle alliée des
Israéliens. Bien que les experts israéliens soient invités aux premiers essais
atomiques français au Sahara, le gouvernement français commence à s'inquiéter
de la production d'armes atomiques par Israël. La réponse officielle à ces
inquiétudes, également vives aux Etats-Unis, est toujours la même : " Israël
n'a qu'un programme nucléaire civil ! ". Ces assurances verbales semblent
suffire et Israël rejette les demandes d'inspection formulées par Washington.
Il faut attendre 1962 pour qu'elles finissent par être acceptées mais en échange
les Etats-Unis fournissent à Israël des missiles sol-air Hawk destinés en
particulier la protection des installations nucléaires du pays. Sept inspections
auront lieu à un rythme annuel et elles ne donneront aucun résultat puisque
avant chaque inspection la partie souterraine du centre de Dimona, la plus
importante, celle où est extrait le plutonium, est totalement dissimulée :
ascenseurs murés, fausse salle de contrôle installée en surface... et les
inspecteurs se laissent prendre à cette mascarade. Le réacteur est 3 fois
plus gros que ce qu'ils ont pu voir !
L'année 63 voit monter la tension entre les Etats-Unis et Israël. Après la
crise des fusées de Cuba qui, en Octobre 62, a été l'occasion d'un face à
face menaçant entre l'URSS et les Etats-Unis, Kennedy est de plus en plus
préoccupé par la prolifération nucléaire : 4 pays ont déjà la bombe et la
Chine s'apprête à rentrer dans le club. Il va donc dans des lettres personnelles
adressées successivement aux deux premiers ministres israéliens David Ben
Gourion et Lévi Eshkol les mettre en demeure de renoncer à tout programme
d'armement nucléaire faute de quoi les Etats-Unis prendront contre Israël
de sévères mesures de rétorsion.De telles menaces de la première puissance
mondiale et sous la plume du président lui-même ont du poids. Pourtant Israël
ne change pas de position, organise la mystification des inspecteurs et fait
peut-être beaucoup plus. En effet, on ne peut passer sous silence le gros
livre de l'historien étasunien Michael Collins Piper " Jugement final : le
lien manquant dans l'assassinat de JF Kennedy " publié en 1990 sur l'assassinat
jamais élucidé de JF Kennedy, Ce livre n'a jamais été contesté ni dans son
contenu très complet et documenté (760 pages) et conclut à une participation
des services secrets israéliens dans l'assassinat.La seule réponse des groupes
sionistes a été de déconsidérer l'auteur en le qualifiant de " négationniste
" alors qu'il n'est aucunement question de l'extermination des juifs par les
nazis dans le livre.
Quoi qu'il en soit, le remplacement de Kennedy par le vice-président Lindon
B. Johnson est une bénédiction pour Israël qui a désormais un soutien fidèle
à la Maison Blanche.
Ainsi en 1964 a lieu une nouvelle négociation. Israël souligne les menace
extérieures qui pèsent sur lui, et demande qu'en l'absence des armes nucléaires
qu'il promet de ne pas fabriquer, les Etats-Unis lui fournissent des chasseurs-bombardiers.Le
Président Johnson accepte et Israël dispose ainsi des avions qui pourront
bientôt lui permettre de transporter sa bombe atomique. De leur côté les industriels
français fournissent des missiles.
1967 : guerre des six jours
Israël attaque préventivement une opération militaire égyptienne. Pour obtenir
un engagement ferme des Etats-Unis de leur côté, les israéliens n'hésitent
pas à détruire un navire de guerre US (navire de reconnaissance sans défense)
en faisant croire qu'il s'agit d'une opération montée par les égyptiens avec
l'espoir que cela déclenchera une attaque nucléaire sur le Caire. Les Etats-Unis
ne tombent pas dans le panneau mais procèdent à des envois massifs d'armes
L'URSS envoie des navires de guerre dans la région et rompt les relations
diplomatiques avec Israël.Cette intervention permet aux services secrets US
de faire croire à Israël que l'URSS a pointé des missiles nucléaires sur 4
villes israéliennes. La crise a été brève mais de part et d'autre l'arsenal
nucléaire a été mis en alerte.
C'en est assez pour qu'en 1968 Moshé Dayan, le Ministre de la Défense israélien,
décide la fabrication d'armes nucléaires au rythme régulier de 2 à 4 par an
selon la puissance des engins, fabrication qui depuis ne s'est jamais interrompue.
Les ressources nationales en uranium s'étant révélées très faibles, Israël
se le procure secrètement sur le marché international. Cette production n'échappe
pas à la vigilance de la CIA qui, en 1969, alerte le Président Johnson. Celui-ci
continue à fermer les yeux. Son successeur Nixon et son conseiller à la sécurité
Kissinger soutiennent eux clairement le programme nucléaire israélien en convenant
simplement de ne pas en faire état publiquement et ils lancent le traité de
non prolifération nucléaire en sachant très bien qu'ils ne demanderont pas
à Israël de le signer.
1973 : guerre du Kippour
Israël, attaqué par surprise par ses voisins arabes, déclenche immédiatement
l'alerte nucléaire et se déclare prêt à frapper. Aussitôt les Etats-Unis interviennent
et déploient leurs forces nucléaires stratégiques dans la région. L'alerte
nucléaire israélienne est alors suspendue mais reprise lorsque l'URSS annonce
elle aussi l'envoi de troupes dans la région. Passé l'effet de surprise, l'armée
israélienne regagne du terrain mais les Etats-Unis lui imposent d'accepter
un cesser le feu.
Très curieusement ce risque très sérieux de guerre nucléaire à trois protagonistes
a été beaucoup moins médiatisé que la crise de Cuba en 1962 alors que les
propos tenus par certains responsables israéliens montrent bien le danger
couru. En effet comme l'a expliqué le journaliste Seymour Hersh dans un livre
qui lui a valu le prix Pulitzer : " L'option Samson : l'arsenal nucléaire
israélien et la politique étrangère américaine " les dirigeants israéliens
n'ignorent pas que l'exiguïté de leur territoire ferait de leur population
une victime d'une frappe nucléaire sur un pays arabe voisin menaçant car même
en l'absence de riposte militaire immédiate l'effet destructeur de l'explosion
et la contamination radioactive ne s'arrêteraient pas à la frontière israélienne.
Il s'agit donc de l'option Samson en référence au personnage biblique qui
se suicide avec ses ennemis. Ariel Sharon a résumé cette situation apocalyptique
en une courte phrase : "Les arabes peuvent bien avoir le pétrole, nous nous
avons les allumettes ! "
En 1974, Moshé Dayan se rend en Afrique su Sud pour discuter de coopération
nucléaire. Il s'en suit en 1976 un accord nucléaire Israël/Afrique du Sud
qui débouchera sur un premier essai commun au Sud de l'océan Indien en 1979.
Les Etats-Unis font les innocents et ne confirmeront pas la réalité de l'essai.
La même année, le Président Carter autorise les israéliens à utiliser les
photos des satellites espions US à condition que ce soit pour se défendre.
En pratique, ces photos permettront en Juin 1981 la destruction par l'aviation
israélienne du réacteur nucléaire irakien à Osirak
1982 : Israël envahit le Liban et Ariel Sharon, Ministre de la Défense, menace
les autres pays arabes de frappe nucléaire s'ils interviennent. Paralysant
de ce fait toute initiative militaire adverse, Il ouvre ainsi lui-même la
porte aux attentats suicides au sol comme tactique de rechange pour un adversaire
désarmé et désespéré.
A partir de 1987, l'assemblée générale de l'ONU et la conférence générale
de l'Agence Internationale de l'énergie atomique vont voter une bonne douzaine
de résolutions demandant à Israël de signer le traité de non prolifération
nucléaire. Toutes resteront lettre morte.
Pendant ce temps, Israël n'arrête pas de perfectionner son outil. Outre les
bombes, environ 200, Israël dispose désormais de tous les moyens pour viser
les objectifs puisqu'il dispose de lanceurs de satellites espions et pour
les transporter vers leur cible : avions, missiles de courte et moyenne portée,
sous- marins. Aujourd'hui les principales capitales de la région et de l'Europe
et les grandes villes de Russie sont à leur portée.Israël a donc conquis une
totale indépendance stratégique.
C'est alors, en 2000 que, pour la première fois, le parlement israélien débat
du programme nucléaire israélien. La fameuse démocratie israélienne aura mis
50 ans à aborder ce sujet.La conclusion est tirée par un militant pacifiste
israélien John Steinbach dans un article intitulé : " Une menace pour la paix
" où il écrit :
" A moins que et jusqu'à ce que la communauté internationale s'affronte
à Israël sur son programme nucléaire clandestin, il est peu probable qu'une
solution raisonnable soit trouvée au conflit israélo/arabe, un fait qu'Israël
devra considérer comme l'aube de l'ère Sharon. "
Or, pour l'heure, la fameuse " communauté internationale " est incapable de
s'affronter à Israël puisqu'elle subit de plein fouet la politique ravageuse
et destructrice des néoconservateurs étasuniens rassemblés derrière l'illuminé
Bush (que des commentateurs de son pays de plus en plus nombreux considèrent
comme un fou).
L'ère Sharon est commencée : le petit pays qu'il gouverne ne menace pas
que le peuple palestinien dans son existence même, il menace la paix du monde.
Brèves
Negroponte : danger
John Negroponte vient d'être désigné par Bush comme futur ambassadeur des
Etats-Unis à Bagdad. En effet, à partir du premier Juillet les Etats-Unis
feront semblant de ne plus gouverner directement l'Irak et Paul Bremer, l'actuel
gouverneur, remettra le pouvoir au gouvernement fantoche irakien. Mais le
pouvoir réel sera à l'ambassade des Etats-Unis qui sera une des plus importantes
du monde (on parle de 5000 employés) et Negroponte y régnera. Ce fonctionnaire
du Département d'Etat est un homme dangereux. Formé par Kissinger au Vietnam
il a été ambassadeur des Etats-Unis eu Honduras d'où il a mis sur pied les
contras antisandinistes infiltrés ensuite au Nicaragua voisin, il a vendu
des armes en secret à l'Iran pendant la guerre Iran/Irak et il a monté des
trafics de cocaïne pour financer ces contras contribuant largement à la propagation
de cette drogue dans les quartiers pauvres de son pays.
Passé au privé sous Clinton il a été remis en avant par Bush qui l'a nommé
représentant des Etats-Unis à l'ONU. Là il s'est illustré en mettant en place
un systéme d'espionnage et d'écoute des délégations étrangères au Conseil
de Sécurité.
Il a laissé un tel souvenir au Honduras que le gouvernement de ce pays a décidé,
dans la foulée du retrait espagnol, de rapatrier tous ses soldats aujourd'hui
en Irak. Une fois à Bagdad, il pourra se livrer à une de ses activités favorites
: la formation d'escadrons de la mort qui auront mission de liquider tous
les résistants irakiens.
Kerry : patriote sans
plus
L'homme qui sera peut-être président de la première puissance militaire
mondiale en 2005 tient un discours de plus en plus insipide et décevant sur
la guerre d'Irak. Ses derniers propos sont éloquents "le plus important c'est
que nous n'échouions pas ! " ce qui veut dire " l'orgueil national avant tout,
on continue ! " et ensuite pour afficher d'entrée la soumission du politique
au militaire il adopte pour slogan le mot d'ordre " Soutenons nos troupes
! ".
Comme disait Cyrano de Bergerac " C'est un peu court, jeune homme ! "
Cindy
C'était le nom de code de l'espionne qui a séduit Mordechaï Vanunu. Elle s'appelle
en réalité Cheryl Hanin et a quitté le service. Elle a épousé un autre ancien
du Mossad. Aujourd'hui mère de deux enfants, elle vit aujourd'hui en famille
aux environs d'Orlando en Floride dans une villa de luxe installée au milieu
d'un golf.Vanunu a déclaré ne pas avoir de ressentiment à son égard
LA CITATION DE LA SEMAINE
J'apporte la guerre. Pas entre peuples : je ne trouve pas de mots pour
exprimer le mépris que m'inspire l'abominable politique d'intérêts des dynasties
européennes. J'apporte la guerre, une guerre coupant droit au milieu de tous
les absurdes hasards, les nations, états, races...une guerre... entre vouloir
vie et désir de vengeance ... entre sincérité et sournoise dissimulation.
Nietzsche- Décembre
1888
NDLR : et il n'a pas connu la suite et ne pouvait pas imaginer que les nazis
essaieraient de le récupérer alors que dès l'apparition du vocable "antisémite
" dans les années 1880 en Allemagne, Nietzsche s'est proclamé " Anti-antisémite
" !