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Bulletin 95

Semaine 16- 2004

Israël et l'arme nucléaire
Mordechaï Vanunu, technicien nucléaire israélien a été libéré le 20 Avril après avoir effectué la totalité de sa peine : soit 18 ans, dont onze ans au secret. Après avoir travaillé au centre nucléaire de Dimona dans le désert du Néguev, il avait au cours d'un voyage en Angleterre révélé à la presse britannique que, contrairement aux affirmations officielles, ce centre n'était pas destiné à des travaux de recherche sur le nucléaire civil mais au contraire à la production du plutonium nécessaire aux armes nucléaires.Séduit comme dans les livres d'espionnage par une belle employée des services secrets israéliens, il la retrouve à Rome pour un voyage en amoureux. Là ils est drogué et enlevé, endormi, par les agents du Mossad. Quand il se réveille il est en prison en Israël !
Il est ensuite condamné à 18 ans de prison pour trahison. Il a donc payé très cher son acte individuel courageux consistant à révéler au public ce que savaient tous les services de renseignement et tous les gouvernements. Il a payé pour avoir rompu le silence que l'Etat Israël entretient, farouchement et avec une persévérance jamais démentie depuis l'origine, sur son programme d'armes nucléaires.
Car la politique nucléaire d'Israël est quasiment constitutive et fondatrice de cet Etat.
Dés 1949, les savants atomistes israéliens collaborent avec leurs homologues français et se mettent à fouiller le désert du Néguev pour y trouver de l'uranium.Cette connivence franco israélienne, qui va durer jusqu'au début des années 60, a plusieurs raisons :

En 1952 est créé, sur le modèle français, le CEA israélien. Son président Ernst David Bergmann s'est toujours déclaré favorable à l'arme atomique.Dès l'année suivante, Israël produit de l'uranium métal et de l'eau lourde et peut envisager de faire fonctionner un premier réacteur nucléaire.
Eisenhower, Président des Etats-Unis de 1952 à 1960, est opposé à toute prolifération nucléaire et refuse même de vendre des armes conventionnelles à Israël. Il n'est donc pas question que les Etats-Unis aident Israël dans son programme nucléaire. Ceci n'empêchera pas Lewis Strauss, Président de la Commission américaine pour l'énergie atomique et prosioniste, d'aider en sous main Israël pour la construction du premier réacteur de recherche de Dimona.Celui-ci entre en service en 1955.
Pendant la même période les relations franco-israéliennes s'intensifient. En effet, la France voit dans la lutte d'indépendance du peuple algérien un complot arabe orchestré par l'Egypte de Nasser et elle partage avec le gouvernement de Tel-Aviv une profonde hostilité au nationalisme arabe. Ainsi l'expédition de Suez est-elle préparée en commun par la Grande-Bretagne, la France et Israël. Israël doit attaquer l'Egypte et ses deux compères doivent intervenir pour protéger le Canal de Suez que Nasser a nationalisé quelques mois auparavant...
L'URSS qui soutient l'Egypte et les Etats-Unis qui veulent à la fois calmer le jeu et évincer leurs petits alliés du monde arabe ne se laissent pas prendre au piège et interviennent pour mettre un terme à l'opération. Les troupes israéliennes, britanniques et françaises se retirent. L'Egypte reste maîtresse du Canal de Suez.
Malgré cet échec, la coopération nucléaire avec la France se poursuit. En Novembre 1956 est passé un accord secret entre la France et Israël pour la construction d'un nouveau réacteur plus puissant à Dimona (24 MW). Les deux négociateurs français sont le ministre de la Défense : Bourges Maunoury et le Ministre des Affaires étrangères : Christian Pineau. Cet accord est complété l'année suivante par une disposition non écrite autorisant Israël à retraiter les combustibles du réacteur pour en extraire le plutonium nécessaire à la bombe.La construction du réacteur débute en 1958 et les travaux se poursuivent en parallèle avec ceux menés en France à Marcoule par le CEA où un réacteur similaire est installé. Ainsi de nombreux techniciens français travaillent-ils à Dimona tandis que de nombreux techniciens israéliens travaillent à Marcoule.
En 1958, De Gaulle prend le pouvoir et en écarte la SFIO, fidèle alliée des Israéliens. Bien que les experts israéliens soient invités aux premiers essais atomiques français au Sahara, le gouvernement français commence à s'inquiéter de la production d'armes atomiques par Israël. La réponse officielle à ces inquiétudes, également vives aux Etats-Unis, est toujours la même : " Israël n'a qu'un programme nucléaire civil ! ". Ces assurances verbales semblent suffire et Israël rejette les demandes d'inspection formulées par Washington. Il faut attendre 1962 pour qu'elles finissent par être acceptées mais en échange les Etats-Unis fournissent à Israël des missiles sol-air Hawk destinés en particulier la protection des installations nucléaires du pays. Sept inspections auront lieu à un rythme annuel et elles ne donneront aucun résultat puisque avant chaque inspection la partie souterraine du centre de Dimona, la plus importante, celle où est extrait le plutonium, est totalement dissimulée : ascenseurs murés, fausse salle de contrôle installée en surface... et les inspecteurs se laissent prendre à cette mascarade. Le réacteur est 3 fois plus gros que ce qu'ils ont pu voir !
L'année 63 voit monter la tension entre les Etats-Unis et Israël. Après la crise des fusées de Cuba qui, en Octobre 62, a été l'occasion d'un face à face menaçant entre l'URSS et les Etats-Unis, Kennedy est de plus en plus préoccupé par la prolifération nucléaire : 4 pays ont déjà la bombe et la Chine s'apprête à rentrer dans le club. Il va donc dans des lettres personnelles adressées successivement aux deux premiers ministres israéliens David Ben Gourion et Lévi Eshkol les mettre en demeure de renoncer à tout programme d'armement nucléaire faute de quoi les Etats-Unis prendront contre Israël de sévères mesures de rétorsion.De telles menaces de la première puissance mondiale et sous la plume du président lui-même ont du poids. Pourtant Israël ne change pas de position, organise la mystification des inspecteurs et fait peut-être beaucoup plus. En effet, on ne peut passer sous silence le gros livre de l'historien étasunien Michael Collins Piper " Jugement final : le lien manquant dans l'assassinat de JF Kennedy " publié en 1990 sur l'assassinat jamais élucidé de JF Kennedy, Ce livre n'a jamais été contesté ni dans son contenu très complet et documenté (760 pages) et conclut à une participation des services secrets israéliens dans l'assassinat.La seule réponse des groupes sionistes a été de déconsidérer l'auteur en le qualifiant de " négationniste " alors qu'il n'est aucunement question de l'extermination des juifs par les nazis dans le livre.
Quoi qu'il en soit, le remplacement de Kennedy par le vice-président Lindon B. Johnson est une bénédiction pour Israël qui a désormais un soutien fidèle à la Maison Blanche.
Ainsi en 1964 a lieu une nouvelle négociation. Israël souligne les menace extérieures qui pèsent sur lui, et demande qu'en l'absence des armes nucléaires qu'il promet de ne pas fabriquer, les Etats-Unis lui fournissent des chasseurs-bombardiers.Le Président Johnson accepte et Israël dispose ainsi des avions qui pourront bientôt lui permettre de transporter sa bombe atomique. De leur côté les industriels français fournissent des missiles.
1967 : guerre des six jours
Israël attaque préventivement une opération militaire égyptienne. Pour obtenir un engagement ferme des Etats-Unis de leur côté, les israéliens n'hésitent pas à détruire un navire de guerre US (navire de reconnaissance sans défense) en faisant croire qu'il s'agit d'une opération montée par les égyptiens avec l'espoir que cela déclenchera une attaque nucléaire sur le Caire. Les Etats-Unis ne tombent pas dans le panneau mais procèdent à des envois massifs d'armes L'URSS envoie des navires de guerre dans la région et rompt les relations diplomatiques avec Israël.Cette intervention permet aux services secrets US de faire croire à Israël que l'URSS a pointé des missiles nucléaires sur 4 villes israéliennes. La crise a été brève mais de part et d'autre l'arsenal nucléaire a été mis en alerte.
C'en est assez pour qu'en 1968 Moshé Dayan, le Ministre de la Défense israélien, décide la fabrication d'armes nucléaires au rythme régulier de 2 à 4 par an selon la puissance des engins, fabrication qui depuis ne s'est jamais interrompue. Les ressources nationales en uranium s'étant révélées très faibles, Israël se le procure secrètement sur le marché international. Cette production n'échappe pas à la vigilance de la CIA qui, en 1969, alerte le Président Johnson. Celui-ci continue à fermer les yeux. Son successeur Nixon et son conseiller à la sécurité Kissinger soutiennent eux clairement le programme nucléaire israélien en convenant simplement de ne pas en faire état publiquement et ils lancent le traité de non prolifération nucléaire en sachant très bien qu'ils ne demanderont pas à Israël de le signer.
1973 : guerre du Kippour
Israël, attaqué par surprise par ses voisins arabes, déclenche immédiatement l'alerte nucléaire et se déclare prêt à frapper. Aussitôt les Etats-Unis interviennent et déploient leurs forces nucléaires stratégiques dans la région. L'alerte nucléaire israélienne est alors suspendue mais reprise lorsque l'URSS annonce elle aussi l'envoi de troupes dans la région. Passé l'effet de surprise, l'armée israélienne regagne du terrain mais les Etats-Unis lui imposent d'accepter un cesser le feu.
Très curieusement ce risque très sérieux de guerre nucléaire à trois protagonistes a été beaucoup moins médiatisé que la crise de Cuba en 1962 alors que les propos tenus par certains responsables israéliens montrent bien le danger couru. En effet comme l'a expliqué le journaliste Seymour Hersh dans un livre qui lui a valu le prix Pulitzer : " L'option Samson : l'arsenal nucléaire israélien et la politique étrangère américaine " les dirigeants israéliens n'ignorent pas que l'exiguïté de leur territoire ferait de leur population une victime d'une frappe nucléaire sur un pays arabe voisin menaçant car même en l'absence de riposte militaire immédiate l'effet destructeur de l'explosion et la contamination radioactive ne s'arrêteraient pas à la frontière israélienne. Il s'agit donc de l'option Samson en référence au personnage biblique qui se suicide avec ses ennemis. Ariel Sharon a résumé cette situation apocalyptique en une courte phrase : "Les arabes peuvent bien avoir le pétrole, nous nous avons les allumettes ! "
En 1974, Moshé Dayan se rend en Afrique su Sud pour discuter de coopération nucléaire. Il s'en suit en 1976 un accord nucléaire Israël/Afrique du Sud qui débouchera sur un premier essai commun au Sud de l'océan Indien en 1979. Les Etats-Unis font les innocents et ne confirmeront pas la réalité de l'essai.
La même année, le Président Carter autorise les israéliens à utiliser les photos des satellites espions US à condition que ce soit pour se défendre. En pratique, ces photos permettront en Juin 1981 la destruction par l'aviation israélienne du réacteur nucléaire irakien à Osirak
1982 : Israël envahit le Liban et Ariel Sharon, Ministre de la Défense, menace les autres pays arabes de frappe nucléaire s'ils interviennent. Paralysant de ce fait toute initiative militaire adverse, Il ouvre ainsi lui-même la porte aux attentats suicides au sol comme tactique de rechange pour un adversaire désarmé et désespéré.
A partir de 1987, l'assemblée générale de l'ONU et la conférence générale de l'Agence Internationale de l'énergie atomique vont voter une bonne douzaine de résolutions demandant à Israël de signer le traité de non prolifération nucléaire. Toutes resteront lettre morte.
Pendant ce temps, Israël n'arrête pas de perfectionner son outil. Outre les bombes, environ 200, Israël dispose désormais de tous les moyens pour viser les objectifs puisqu'il dispose de lanceurs de satellites espions et pour les transporter vers leur cible : avions, missiles de courte et moyenne portée, sous- marins. Aujourd'hui les principales capitales de la région et de l'Europe et les grandes villes de Russie sont à leur portée.Israël a donc conquis une totale indépendance stratégique.
C'est alors, en 2000 que, pour la première fois, le parlement israélien débat du programme nucléaire israélien. La fameuse démocratie israélienne aura mis 50 ans à aborder ce sujet.La conclusion est tirée par un militant pacifiste israélien John Steinbach dans un article intitulé : " Une menace pour la paix " où il écrit :
" A moins que et jusqu'à ce que la communauté internationale s'affronte à Israël sur son programme nucléaire clandestin, il est peu probable qu'une solution raisonnable soit trouvée au conflit israélo/arabe, un fait qu'Israël devra considérer comme l'aube de l'ère Sharon. "
Or, pour l'heure, la fameuse " communauté internationale " est incapable de s'affronter à Israël puisqu'elle subit de plein fouet la politique ravageuse et destructrice des néoconservateurs étasuniens rassemblés derrière l'illuminé Bush (que des commentateurs de son pays de plus en plus nombreux considèrent comme un fou).
L'ère Sharon est commencée : le petit pays qu'il gouverne ne menace pas que le peuple palestinien dans son existence même, il menace la paix du monde.

Brèves

Negroponte : danger
John Negroponte vient d'être désigné par Bush comme futur ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad. En effet, à partir du premier Juillet les Etats-Unis feront semblant de ne plus gouverner directement l'Irak et Paul Bremer, l'actuel gouverneur, remettra le pouvoir au gouvernement fantoche irakien. Mais le pouvoir réel sera à l'ambassade des Etats-Unis qui sera une des plus importantes du monde (on parle de 5000 employés) et Negroponte y régnera. Ce fonctionnaire du Département d'Etat est un homme dangereux. Formé par Kissinger au Vietnam il a été ambassadeur des Etats-Unis eu Honduras d'où il a mis sur pied les contras antisandinistes infiltrés ensuite au Nicaragua voisin, il a vendu des armes en secret à l'Iran pendant la guerre Iran/Irak et il a monté des trafics de cocaïne pour financer ces contras contribuant largement à la propagation de cette drogue dans les quartiers pauvres de son pays.
Passé au privé sous Clinton il a été remis en avant par Bush qui l'a nommé représentant des Etats-Unis à l'ONU. Là il s'est illustré en mettant en place un systéme d'espionnage et d'écoute des délégations étrangères au Conseil de Sécurité.
Il a laissé un tel souvenir au Honduras que le gouvernement de ce pays a décidé, dans la foulée du retrait espagnol, de rapatrier tous ses soldats aujourd'hui en Irak. Une fois à Bagdad, il pourra se livrer à une de ses activités favorites : la formation d'escadrons de la mort qui auront mission de liquider tous les résistants irakiens.

Kerry : patriote sans plus
L'homme qui sera peut-être président de la première puissance militaire mondiale en 2005 tient un discours de plus en plus insipide et décevant sur la guerre d'Irak. Ses derniers propos sont éloquents "le plus important c'est que nous n'échouions pas ! " ce qui veut dire " l'orgueil national avant tout, on continue ! " et ensuite pour afficher d'entrée la soumission du politique au militaire il adopte pour slogan le mot d'ordre " Soutenons nos troupes ! ".
Comme disait Cyrano de Bergerac " C'est un peu court, jeune homme ! "

Cindy
C'était le nom de code de l'espionne qui a séduit Mordechaï Vanunu. Elle s'appelle en réalité Cheryl Hanin et a quitté le service. Elle a épousé un autre ancien du Mossad. Aujourd'hui mère de deux enfants, elle vit aujourd'hui en famille aux environs d'Orlando en Floride dans une villa de luxe installée au milieu d'un golf.Vanunu a déclaré ne pas avoir de ressentiment à son égard

LA CITATION DE LA SEMAINE
J'apporte la guerre. Pas entre peuples : je ne trouve pas de mots pour exprimer le mépris que m'inspire l'abominable politique d'intérêts des dynasties européennes. J'apporte la guerre, une guerre coupant droit au milieu de tous les absurdes hasards, les nations, états, races...une guerre... entre vouloir vie et désir de vengeance ... entre sincérité et sournoise dissimulation.
Nietzsche- Décembre 1888
NDLR : et il n'a pas connu la suite et ne pouvait pas imaginer que les nazis essaieraient de le récupérer alors que dès l'apparition du vocable "antisémite " dans les années 1880 en Allemagne, Nietzsche s'est proclamé " Anti-antisémite " !

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