Semaine 20- 2004
La Russie au miroir
tchétchène
L´assassinat
d´Ahmad Kadyrov, président de la république autonome de Tchétchénie a été
de nouveau l´occasion de parler de ce pays ensanglanté par un conflit marqué
par des temps de guerre ouverte et des temps de repli et qui dure depuis plus
de 10 ans.
Ce tout petit pays - grand comme 2 ou 3 départements français - 15000 km2
- et peuplé d´environ 1,2 millions d´habitants est, depuis la fondation de
l´URSS, une république de la fédération de Russie et donc n´était pas, à la
différence de ses voisins du Sud Caucase comme la Géorgie, un état constitutif
de l´Union (URSS). A l´image de très nombreuses petites républiques de la
fédération de Russie, la Tchétchénie dispose d´un gouvernement autonome et
utilise sa propre langue, une des nombreuses langues caucasiennes.
La partie Sud du pays est très montagneuse et la plaine centrale, où se trouve
la capitale Groznyï, orientée d´Est en Ouest et qui se prolonge à l´Est et
à l´Ouest est un important axe de transport où passent routes, voies ferrées
et pipelines, un fort maillon du réseau de transport du Sud de la Russie.
La Russie en triste
état
Si, rétrospectivement la politique de Gorbatchev peut être analysée comme
une politique de détente internationale et une tentative pour sortir de la
guerre froide, il est clair que cette politique a été interprétée aux Etats-Unis
comme une manifestation de faiblesse et que loin de déboucher sur une politique
d´apaisement elle a conduit la classe dirigeante étasunienne à saisir cette
occasion historique et à organiser la capitulation et la reddition de l´adversaire.
Cette politique, favorisée par la perte de toute aura progressiste de l´URSS
au plan international, a obtenu des résultats spectaculaires :
A partir de 92, La libéralisation
des prix déchaîne une inflation énorme. Les prix sont multipliés par 25 en
92, 8 en 93, 2 en 94 et le rythme ne ralentira vraiment qu´à partir de 99.
Quelques chiffres traduisent cet effondrement : le PIB de la Russie baisse
de 4% en 90, 5% en 91, 14% en 92, 9% en 93, 13% en 94, 4% en 95, 3% en 96
et à nouveau de 5% en 98 après une légère hausse en 97. Il s´agit donc d´un
véritable effondrement, une baisse du PIB d´environ 60% en une décennie, confirmée
par les statistiques de consommation électrique, mesure physique plus sûre
et qui suit la même pente.
En Occident cette période
calamiteuse, cette débâcle, était connue avec précision par les gouvernements
étrangers, les banques, les hommes d´affaires, les ambassades et ce d´autant
plus facilement que l´ouverture libérale des frontières facilitait la circulation
des personnes et de l´information. Mais elle a été enjolivée par les idéologues
de service et présentée comme un temps nécessaire d´adaptation à l´économie
de marché et à la démocratie. Il faut donc rappeler et souligner que le prix
payé par la grande majorité de la population a été extraordinairement lourd.
Deux calembours populaires illustrent bien la période : « PRIKHVATIZATSIA
» qui veut dire « mettre la main- tisation » et « DERMOKRATIZATSIA » qui veut
dire « merdocratie ».
Les gouvernements et les multinationales occidentales se sont contentés :
La privatisation a consisté
à vendre les propriétés d´Etat pour une bouchée de pain dans une monnaie évanescente.
Souvent même il y eu appropriation de fait, c'est-à-dire vol, par les anciens
managers soviétiques protégés par des bandes armées. La débâcle monétaire
a conduit les nouveaux dirigeants à préférer les trafics de devises à la production.
L´Etat démantelé encaisse difficilement les impôts, paye de plus en plus mal
ou pas du tout des fonctionnaires qui survivent comme ils peuvent en touchant
des pots de vin ou en vendant pour leur compte les biens de l´administration.
L´armée elle-même n´échappe pas à cette dérive et comme elle dispose de ses
propres moyens de transport elle peut assurer elle-même les livraisons.Une
des grandes frayeurs des services de renseignement occidentaux a d´ailleurs
été l´exportation clandestine de matériel nucléaire. C´est dans ce contexte
qu´émergent les « oligarques », nouveaux milliardaires en dollars enrichis
sur les ruines du pays et les mafias qu´ils utilisent pour leur protection,
leurs holds-ups industriels et leurs divers trafics. Les observateurs russes
nommeront cette période « Capitalisme de rapine ».
La poursuite de cette involution pour encore une décennie ou deux aurait de
bonnes chances de déboucher sur un éclatement de la Russie dans des secousses
dont la longue crise yougoslave peut donner, bien qu´à une échelle très réduite,
un avant-goût.
Le pétrole tchétchène
Dans les premières
années du XX° siècle la Russie produit la moitié du pétrole mondial. Les principaux
champs pétroliers sont en Azerbaïdjan sur la Caspienne dans la région de Bakou
et en Tchétchénie où la production commerciale commence en 1883 et représentera
prés de 20% de la production nationale en 1915.
Comme dans les autres régions de la Russie tsariste, l´exploitation pétrolière
attire à l´époque les capitaux étrangers, principalement anglais. Après la
révolution bolchevique la production tchétchène va continuer à occuper jusqu´à
la seconde guerre mondiale une place importante dans la production soviétique.
Son déclin - gisements vieillissants et mise en exploitation des nouveaux
gisements dans l´Oural et en Sibérie - n´interviendra qu´à partir des années
50. A la chute de l´URSS, le pétrole tchétchène ne couvre plus que des besoins
régionaux. Cependant ce glorieux passé pétrolier explique la présence en Tchétchénie
d´une industrie pétrolière développée et l´existence d´un réseau de pipelines
et de gazoducs inséré dans le dispositif d´ensemble de l´industrie pétrolière
soviétique puis russe.
Les frontières incertaines
: la Tchétchénie passage et passoire
La guerre de Tchétchénie ne se limite pas au territoire de la petite république.
Les Seigneurs de la guerre et leurs milices connaissent bien le terrain aux
alentours et profitant des difficultés du relief (au Sud, le Caucase culmine
au dessus de 5000 m) circulent en Ingouchie à l'Ouest, au Daghestan à l´Est
en Abkhazie au Sud et pénètrent en Russie pour mener des contre-attaques et
interviennent à l´occasion dans d´autres conflits. Ainsi Chamil Bassaiev a-t-il
soutenu les autonomistes abkhazes contre le gouvernement géorgien en 91 tandis
que Gelaiev et sa milice sont, à la demande du gouvernement géorgien, intervenus
militairement contre les mêmes autonomistes abkhazes. On peine quelquefois
à trouver une explication politique à ces actions et il faut donc garder valide
l´hypothèse d´interventions mercenaires moyennant finances ou fourniture d´armes.
Parmi les principales voies de passage des milices citons les gorges du Pankasi
reliant la Georgie à la Tchétchénie et celles de Kantori reliant l´Abkhazie
à la Tchétchénie. Ces gorges sont régulièrement utilisées comme bases de repli
des groupes combattants lorsqu´ils sont poursuivis par l´armée russe. Impuissant
ou complice, le gouvernement géorgien d´Edouard Chevardnadze a toujours laissé
faire. Le nouveau gouvernement géorgien si prompt à proclamer sa volonté de
rétablissement de l´autorité de l´Etat va-t-il continuer à laisser faire ?
La réponse risque d´être élaborée plus à Washington dont les forces spéciales
sont présentes en Géorgie et qui assure l´entraînement de l´armée géorgienne,
qu´à Tbilissi.
Rappels historiques
Dés Le 27 Novembre 90 ; la république tchétchène tente de profiter du mouvement
de dislocation de l´URSS et proclame sa souveraineté d´Etat. Mais elle fait
partie de la Fédération russe et Eltsine qui vient de prendre le pouvoir,
s´il est favorable à la disparition de l´URSS que dirige encore son rival
Gorbatchev, n´est pas favorable à un éclatement de la Russie.
La véritable déclaration d´indépendance a lieu le 27.10.1991 après la dissolution
de l´URSS. Djokhar Doudaev devient président et proclame la Tchétchénie Etat
souverain à compter du 01.11.1991. Doudaev est un général de l´armé russe.
Originaire de Tchétchénie où il n´a jamais vécu il voit dans l´indépendance
une façon de se tailler un fief comme d´autres s´emparent d´usines ou de mines
de charbon dans ce moment du pillage sauvage des biens de l´URSS défunte.
Cette indépendance rencontre certainement un sentiment populaire anti-russe
favorisé par le souvenir de la déportation de masse des tchétchènes au Kazakhstan
par Staline, mais ne résulte pas plus qu´en Ukraine ou en Ouzbékistan d´une
lutte d´indépendance nationale.
Paradoxalement, c´est un autre tchétchène : Rouslan Kasboulatov qui est élu
Président du Parlement russe (Soviet suprême) le 29 Octobre 1991.
Eltsine ne laisse pas faire et instaure l´état d´urgence en Tchétchénie. Mais
il n´est pas suivi par le Soviet Suprême et finit par ordonner le retrait
des troupes russes. La Tchétchénie, dirigée par un ancien général de l´armée
russe, s´installe dans une sorte d´indépendance de fait car Moscou qui refuse
clairement l´indépendance a, à ce moment là, d´autres soucis plus importants.
Ceci n´empêche que les tchétchènes conservent un poids tout particulier dans
la vie politique de la Fédération de Russie qui se joue pour l´essentiel à
Moscou mais pas dans les institutions officielles.Les années 91 à 94 voient
en effet le pouvoir réel partagé entre le gouvernement et le grand banditisme
et les gangsters tchétchènes vont occuper puissamment la scène.
Ils se sont installés à Moscou dès la fin des années 80 au moment où les nouvelles
entreprises privées initiées par Gorbatchev sous l´appellation trompeuse de
«coopératives » sont créées. Les groupes tchétchènes s´emparent très rapidement
des restaurants, hôtels, et autres commerces et marginalisent le milieu moscovite
dont les principaux chefs sont encore en prison (ils seront libérés ensuite).Leur
méthodes sont très violentes et ils sont redoutés.
Ces bandes conservent des liens très étroits avec le pays que l´armée russe
a quitté en abandonnant sur place ses dépôts d´armes, où ils ont leurs entrées
au gouvernement indépendantiste et où ils peuvent organiser, hors de tout
contrôle, le trafic des armes, la fabrication de fausse monnaie, le transit
de la drogue en provenance d´Afghanistan et du triangle d´or et la transformation
sur place de l´opium en héroïne. Des liens étroits commencent alors à se tisser
avec les seigneurs de guerre afghans qui mettent à disposition leurs hommes
et leur savoir faire dans la lutte antisoviétique.De son côté le gouvernement
s´approprie les recettes pétrolières des entreprises russes qui assurent l´extraction,
le raffinage et le transport du pétrole, qu´il soit local ou qu´il transite
en provenance de l´Azerbaïdjan à destination du port russe de Novorossisk
plus à l´Ouest. La Russie est impuissante, d´autant plus qu´une partie des
militaires et des fonctionnaires russes en poste sur place , mal payés ou
pas du tout, trempent dans tous ces commerces et que les bandes tchétchènes
qui, à Moscou, sont associées avec les nouveaux riches dont elles assurent
la sécurité, sont protégées. Ces bandes prennent ainsi le contrôle de la chaîne
de magasins d´Etat Beriozka et du commerce des automobiles d´importation,
commerce en plein essor, tous les nouveaux riches voulant rouler en Mercedes
ou en BMW.
C´est dans cette activité qu´elles vont rencontrer Boris Berezovski, un des
principaux « oligarques », ces jeunes milliardaires sans scrupules ayant fait
fortune dans le rachat à vil prix des entreprises d´Etat et dans les trafics
financiers rendus possibles dans cette période de capitalisme sauvage que
va connaître la Russie à partir de 1992. Dans cette phase, où le gouvernement
russe veut privatiser tout ce qui peut l´être, ces affairistes ont la faveur
du pouvoir qui voit en eux la future élite dirigeante du pays. Bien entendu,
l´Occident soutient et encourage ce processus qu´il met en oeuvre dans le
monde entier. Pour ce qui le concerne, Berezovski a mis la main sur les usines
automobiles où se fabriquaient les fameuses Lada et au lieu de les moderniser
il transforme l´entreprise en importateur de voitures étrangères.
Mais les bandes tchétchènes ne sont pas seules et s´affrontent violemment
avec les bandes slaves qui veulent leur part du gâteau. Une véritable guerre
des gangs s´installe à Moscou et dans les grandes villes et pour une grande
partie de la population qui traverse une période de crise économique dramatique
« tchétchène » devient synonyme de bandit.
Simultanément s´intensifient les tensions politiques qui connaîtront un temps
fort en Octobre 93 au moment où Eltsine fait donner l´assaut au Parlement
qui trouve que la « transition » vers le capitalisme libéral est trop brutale
et s´oppose à lui. Malgré ce coup de force militaire, les élections de Décembre
93 sont un échec pour les libéraux et une forme de désaveu pour Eltsine qui
doit temporiser. Il lui faut donc tenter de restaurer un peu l´ordre public
et intervenir en Tchétchénie est un bon moyen de donner à croire que l´Etat
rétablit son autorité en reprenant le contrôle militaire de la Tchétchénie
et en « calmant » les bandes tchétchènes. Il est aidé en sous main par les
« oligarques » qui craignent d´être dépassés par la guerre des gangs et favorisent
un armistice entre bandes slaves et bandes tchétchènes.
La première démarche est politique. Une négociation avec Doudaiev a lieu mais
celui-ci se sent très fort, reste intransigeant et exige la reconnaissance
immédiate et totale de l´indépendance. Il a en effet beaucoup voyagé depuis
son accession au pouvoir : Arabie Saoudite, Turquie, Chypre, Liban, Bosnie
Herzégovine et a recruté ici et là des combattants islamistes bien formés.Il
veut également tirer profit de la signature de nouveaux contrats par des pétroliers
anglo-saxons (en particulier par Chevron où officie alors Condoleeza Rice)
en Azerbaïdjan et qui vont provoquer le transit de grandes quantités de pétrole
- et les recettes correspondantes- par le pipeline transtchétchène. Moscou
envisage alors une opération militaire pour le chasser. L´affaire est délicate
car les généraux russes qui vendent des armes en Tchétchénie voient se profiler
la menace d´une cessation de leur fructueux commerce et d´autres, bien informés
du niveau d´équipement de l´armée et des milices tchétchènes, ne sont pas
trop chauds pour en découdre. Finalement Eltsine l´emporte.
Une première opération est lancée le 26 Novembre 1994 pour faire tomber Doudaiev
et le remplacer par son opposant local Oumar Avthoukhanov. Mal préparée et
probablement ébruitée elle est un échec lamentable.La vraie guerre commence
le 11 Décembre 1994. Les combats sont très violents et Groznyï tombe fin Janvier
95. L´armée russe mal organisée,sans appui aérien ce qui rend les colonnes
de chars très vulnérables, formée de conscrits très jeunes (18 ans), obéissant
plus ou moins bien au commandement central (on cite des cas où les officiers
russes acceptaient des pots de vin pour relâcher des combattants tchétchènes).
Les groupes tchétchènes (armée et milices diverses) se réfugient dans la montagne
et un calme relatif revient.
En Juin 95, le chef de guerre Chamil Bassaiev pénètre profondément en territoire
russe, s´empare de la mairie et de l´hôpital de Boudionnovsk et prend en otages
1500 personnes. Encerclé par les troupes russes, il fait exécuter des otages
et exige de repartir libre avec ses hommes et d´autres otages. Le premier
ministre russe, à l´époque Viktor Tchernomyrdine, cède et un cessez-le-feu
s´installe dans les faits. Mais les élections présidentielles russes, fixées
en Juin 96, approchent et Eltsine doit montrer à nouveau sa détermination.
Il lui faut marquer un point. Ce sera fait en Mai 96. Un missile téléguidé
tue Doudaiev, repéré par son téléphone portable. Eltsine arrive de justesse
en tête au premier tour (35% des voix contre 32 % à son adversaire communiste).
Cette élection a vu l´entrée en scène du général Lebed qui apparaît comme
un nationaliste dur soucieux de rétablir l´autorité de l´armée. Sa candidature,
soutenue en coulisses par les Oligarques qui entourent Eltsine et en particulier
Boris Berezovski, qui, après l´automobile, s´est emparé des télévisions privées
et détient de ce fait un grand pouvoir médiatique, permet de diviser l´opposition
et va empêcher la victoire des communistes. Lebed se voit récompensé par sa
nomination comme secrétaire du Conseil de Sécurité et conseiller personnel
d´Eltsine.
Cette nomination donne le signal de la reprise des combats .En août 96, Bassaiev
reprend Groznyi et inflige de lourdes pertes à l´armée russe.
Lebed opte pour la négociation et un accord de paix, qui prévoit une indépendance
limitée de la Tchétchénie devant être instaurée en 2001 après une période
de transition, est signé au Daghestan le 3 Septembre. Il ne sera jamais mis
en application, aucune des deux parties ne s´y intéressant vraiment. Il s´agit
donc pratiquement d´un armistice et rien de plus. Lebed est critiqué à Moscou
et rapporte lui-même les commentaires de Boris Berezovski après la signature
de l´accord de paix «Vous avez ruiné une belle affaire ! Tout allait bien.
Ils s´entretuaient ? Et alors ? Ils se sont toujours entretués et s´entretueront
toujours ! »
Pas surprenant qu´en Octobre, Lebed soit limogé et remplacé par Berezovski
comme secrétaire général adjoint du Conseil de Sécurité. Comme l´écrivent
à l´époque certains journalistes russes «Le renard garde le poulailler ! »
En effet, en Tchétchénie la période est au commerce des otages (plus de 1000
enlèvements par an et aux arrangements d´affaires. Boris Berezovski qui a
maintenant des intérêts dans le pétrole (il a pris le contrôle de la société
pétrolière sibérienne SIBNEFT avec son compère Abramovitch) veut prendre sa
place dans les affaires pétrolières tchétchènes et sait comment ne pas avoir
d´ennuis. Il suffit de partager le gâteau avec le gouvernement dirigé par
Mashkadov et les chefs de guerre locaux - Chamil Bassaiev, Salman Roudaiev
et le fondamentaliste islamiste Mouloud Oudougou - qui conservent leur liberté
d´action.
Ce n´est plus le pétrole
tchétchène lui-même qui rend la Tchétchénie stratégique mais le transport
du pétrole de la Caspienne vers le port russe de Novorossisk via Groznyï en
attendant la construction du fameux pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui, en
conduisant le pétrole de la Caspienne directement sur la côte méditerranéenne
de la Turquie, court-circuitera une bonne fois pour toutes les pipelines russes.
Mais il n´est à l´époque que le projet chéri des Etats-Unis et de BP sa construction
ne démarrera qu´en 2002.
De 96 à 99, Moscou
s´intéresse peu à la Tchétchénie. Eltsine est de plus en plus malade, son
entourage de plus en plus corrompu, la crise financière de 98 est dramatique
et le FMI maintient l´Etat russe à flot pour éviter un effondrement aux conséquences
imprévisibles.
Pendant ce temps, la situation internationale s´est transformée. Les talibans
ont pris le pouvoir en Afghanistan avec la bénédiction des USA et le soutien
actif du Pakistan et le fondamentalisme islamique dispose désormais d´un sanctuaire
d´où il va rayonner. Les chefs de guerre tchétchènes s´inscrivent dans ce
mouvement et la Tchétchénie prend sa place dans les migrations de combattants
islamistes qui circulent facilement entre la Bosnie, L´Afghanistan, le Soudan...comme
dans leur formation et dans leur équipement.
A Moscou, l´heure est à la succession d´Eltsine. Les oligarques et l´Occident
qui les soutient - les partenariats financiers se multiplient - veulent empêcher
l´élection à la Présidence du nouveau premier ministre Evgueni Primakov. Celui-ci
ne leur est pas lié. Diplomate issu de l´ancien régime - il a été membre du
Bureau Politique du PCUS - et considéré comme honnête, il est conscient de
la débâcle interne et de la perte d´influence internationale de la Russie
qui sera concrétisée par le bombardement de la Yougoslavie en 99. Il tente
donc d´apporter une certaine stabilisation au régime et d´échapper à l´influence
des affairistes.Les Oligarques vont donc jouer la carte Poutine en pensant
pouvoir le contrôler. Les évènements ultérieurs leur donneront tort. L´installation
à Moscou d´un pouvoir plus ferme suscite inévitablement un réveil des indépendantistes
tchétchènes qui passent à l´attaque avant d´être attaqués. L´offensive est
conduite au Daghestan par les milices de Chamil Bassaiev et de Khattab, un
saoudien, nouveau venu sur le terrain.
Le pays est majoritairement prorusse mais les islamistes ont des bases dans
des villages de l´Ouest du pays.
Pour Moscou, lâcher le Daghestan serait un nouvel échec et une étape vers
l´éclatement complet de la fédération de Russie. L´armée russe intervient
et l´opération des milices tchétchènes échoue. Le 24 août 99 elles se replient
en Tchétchénie. C´est une victoire pour Poutine. La riposte ne tardera pas
et prendra la forme d´attentats au Daghestan le 4 septembre, à Moscou le 9,
à Volgondosk le 16. En Occident, la grande presse a très vite attribué ces
attentats aux services secrets russes, mais deux anciens collaborateurs d´Eltsine,
Youri M. Batounine et Gueorguei Seleznev écrivent dans leurs mémoires qu´il
s´agissait bien de la riposte des tchétchènes. Considérant que le gouvernement
tchétchène est complice de l´action de milices au Daghestan, l´armée russe
pénètre en Tchétchénie en Octobre 99. La deuxième guerre de Tchétchénie est
commencée et va apporter comme la précédente son cortège d´horreurs. Conscient
de la nécessité d´une solution politique, Poutine va favoriser la prise de
pouvoir par Ahmad Khadyrov en remplacement de Mashkadov qui est destitué et
s´exile. Kadhyrov, musulman modéré, proche du soufisme, a combattu les russes
pendant la première guerre de Tchétchénie. Il a été élu grand mufti et devient
président de la Tchétchénie en 2003. Après avoir découragé tous ses concurrents
il est élu dans des conditions douteuses mais ni plus ni moins qu´en Azerbaïdjan
ou en Georgie. Il faut simplement observer qu´en Occident, les commentaires
sur ce type d´élections dépendent plus de l´orientation des élus que de la
régularité des processus électoraux.
Kadhyrov est en phase avec la nouvelle politique russe qui vise à rétablir
des liens diplomatiques plus étroits avec les pays musulmans et dont la visite
officielle du prince Fahd d´Arabie à Moscou en 2003, la première du genre,
est la manifestation la plus spectaculaire puisqu´elle ouvre un dialogue entre
les deux premiers producteurs de pétrole du monde dans le dos du premier consommateur
: les Etats-Unis.
Ce rapprochement de la Russie et les pays musulmans sera également marqué
par le très bon accueil réservé à Poutine par l´Organisation des pays islamiques
réunie en Congrès en Malaisie à l´automne 2003.
En Janvier 2004 Khadyrov se rend lui-même en Arabie Saoudite. Ainsi, dans
les affrontements entre les différents courants de l´Islam, la Russie et la
Tchétchénie de Khadyrov ont fait le choix de s´appuyer sur les gouvernements
musulmans en place contre les terroristes islamistes.
L´assassinat de Khadyrov est donc un signe que les fondamentalistes islamistes
sont déterminés à éliminer tous ceux - et d´abord les musulmans - qui s´opposent
à eux. La revendication de l´attentat de Groznyï par Chamil Bassaiev en est
la confirmation. Leurs intérêts coïncident, une nouvelle fois, avec ceux des
Etats-Unis qui sont désormais conscients que la résistance de la Russie à
son dépeçage et à sa totale colonisation économique par les intérêts occidentaux
est une donnée incontournable qui les conduit à intensifier leurs interventions
dans la région caucasienne (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan)
Portrait posthume
d´Ahmad Khadyrov et de quelques chefs de guerre tchétchènes
On a beau chercher, essayer de se rassurer en appliquant une grille de lecture
classique genre : Front de libération nationale contre armée coloniale d´occupation,
le cas tchétchène rentre mal dans ces schémas.Du côté des tchétchènes combattant
pour l´indépendance les leaders sont nombreux et n´ont pas d´intérêts stratégiques
communs, tout au plus des alliances tactiques passagères. Il y a des nationalistes
comme Aslan Mashkadov président démis par Moscou et aujourd´hui en exil, des
chefs de guerre comme Chamil Bassaiev ou Khattab, islamistes radicaux adeptes
du wahhabisme et liés à des réseaux terroristes internationaux, des opportunistes
comme Arbi Barayev. Ils peuvent être tchétchènes ou étrangers comme Khattab
tué début 2004 et remplacé par Abu Whalid qui s´est autoproclamé émir des
moudjahiddins tchétchènes. Il y aussi des inclassables comme Ruslan Gelayev,
organisateur de la défense de Groznyï au début de la seconde guerre de Tchétchénie
et qui aurait été abattu au Daghestan début 2004.
Khadyrov
Ahmad Khadyrov est né en au Kazakhstan dans une famille déplacée par Staline
en 1942. Il rentre en Tchétchénie et travaille comme maçon jusqu´en 89. Il
suit les cours de l´école coranique et se retrouve combattant dans la première
guerre de Tchétchénie. Remarqué il devient grand mufti de république tchétchène
d´Ichkeria (dénomination donnée au pays par les rebelles) Après la mort de
Doudaev dont il est proche, il entre en conflit avec son successeur Zelimkhan
Yandarbayev. Le désaccord est à la fois politique et religieux et prend forme
en 98. Yanderbayev, qui sera abattu en Février 2004 au Qatar par des agents
russes, est un fondamentaliste wahhabite, ami des talibans, qui prêche l´extension
de la guerre sainte aux républiques voisines à commencer par le Daghestan,
ce que fera Bassaiev en 99. Khadyrov, proche du soufisme, est en désaccord
avec cette forme d´internationalisation du conflit et apparaît donc comme
plus modéré, ce qui lui vaudra les faveurs de Moscou.
Khattab
De son vrai nom Samir Saleh Abdullah Al Suwailan, Khattab est né en Arabie
saoudite en 1969. A 17 ans il part combattre l´armée rouge en Afghanistan.
Il y rencontre Ben Laden et le mollah Omar. On le retrouve au Tadjikistan
où il combat contre le gouvernement aux côtés des fondamentalistes musulman.
Il arrive en Tchétchénie en 95 où il met sur pied une milice de combattants
arabes.Il se lie avec Bassaiev, le plus célèbre des chefs de guerre et organise
avec lui l´expédition de 99 au Daguestan qui sera le point de départ de la
seconde guerre de Tchétchénie.Il serait mort en Mars 2002 tué par les services
secrets russes au moyen d´une lettre empoisonnée. Il avait l´habitude de filmer
ses combats et ses victimes.
Barayev
Arbi Barayev naît en Tchétchénie en 197. E, 91 il est membre des forces de
sécurité tchétchènes et garde du corps de Zelimkhan Yandarbayev qui deviendra
plus tard le chef de file des fondamentalistes musulmans et sera président
après la mort de Doudaiev.Pendant la première guerre de Tchétchénie il commande
un petit bataillon dans le secteur de sa ville natale, Alkhan Kala. Il se
consacre ensuite à la prise d´otages : envoyé spécial du Président Eltsine,
journalistes, touristes, simples villageois, tout est bon pour son commerce.En
98 il capture trois anglais et un néo-zélandais qui installent des relais
pour le téléphone portable. Il fixe la rançon à 10 millions de dollars ouis
se ravise et avant que la négociation ait abouti il les décapite. Les têtes
sont retrouvées dans un sac le long d´une route. Il s´intéresse aussi et pétrole
et monte avec des moyens de fortune une petite unité de raffinage qui lui
rapporte quelques 500 000 dollars par mois. Ces gros moyens financiers lui
permettent de recruter des combattants et de les équiper. Il va alors tenter
en 1998 de s´emparer de la seconde ville de Tchétchénie : Gudermes en lançant
un appel à la guerre sainte et en distribuant des kalachnikov à la population
musulmane. Le président Mashkadov envoie une division complète de l´armée
tchétchène pour arrêter l´opération, le radie de l´armée et lance un mandat
d´arrêt contre lui. Quelques jours plus tard, Mashkadov échappera à un attentat
resté mystérieux.Barayev ne participe pas aux combats de la seconde guerre
de Tchétchénie et mène grande vie dans sa ville où il semble bénéficier de
la protections la du responsable local des services de renseignement russes,
Yunus Magomedov. Toujours est-il qu´après le limogeage de ce dernier, les
forces spéciales investissent Alkhan Kala et, au cours de combats où sont
détruites des dizaines de maisons, Barayev est tué. Il aura une descendance
en la personne de deux de ses neveux qu´il a formés. L´un sera tué au combat
et l´autre Movsar Barayev organisera la fameuse prise d´otages du théâtre
Dubrovka à Moscou en Octobre 2002. Tout le commando tchétchène sera liquidé
mais 129 otages sur les 8000 spectateurs périront également.
Gelayev
Ruslan Gelayev, musulman très dévot, n´est pas un fondamentaliste mais il
est un chef de guerre très compétent. Quand l´armée russe pénètre en Tchétchénie
en Décembre 99, le Président Mashkadov lui confie la défense de Groznyï et
il va donner beaucoup de fil à retordre à l´adversaire. Groznyï devient vite
un champ de ruines et des milliers d´habitants s´enfuient vers l´Ingoucchie
voisine où ils s´entassent dans des camps de réfugiés. Finalement battus après
deux mois de terribles combats Gelayev et ses hommes s´enfuient mais ils sont
rattrapés et encerclés dans la petite ville de Komsomolskoye. Certains de
ces hommes se rendent mais c´est pour se faire sauter au milieu des soldats
russes. Ce sera le début du recours aux attentats-suicides dans cette guerre.
Gelayev parvient, lui, à s´échapper.Depuis il est traqué par les forces spéciales
russes et il est probable qu´il ait été abattu au Daguestan en Février 2004.
En guise de conclusion
provisoire
L´abcès tchétchène, alimenté par de vieilles rancunes antistaliniennes (la
déportation massive au Kazakhstan en 42 des tchétchènes qui voulaient échanger
une collaboration avec les nazis et la fourniture de pétrole en échange d´une
promesse d´autonomie) entretenu par un conflit religieux qui traverse l´islam
lui-même et par l´incapacité politique d´une Russie désorganisée et ravagée
par la corruption, ne pouvait manquer d`être perçu par les Etats-Unis comme
le foyer infectieux susceptible d´emporter à la mort le grand corps russe.
Il est, à cet égard, révélateur, que tous les documents programmatiques de
la domination mondiale des USA au XXI° siècle qui ont été rédigés avant l´an
2000 ne voient comme seul adversaire stratégique que la Chine et pas la Russie.
Or, toute la politique de Poutine est, dans un style autoritaire qui a de
profondes racines dans ce pays, de refuser cette marginalisation.
La population tchétchène se trouve ainsi la prisonnière minuscule d´un combat
qui la dépasse, celui de la domination du continent eurasiatique.
Si jamais la Russie quittait demain la Tchétchénie, ce qui évidemment réjouirait
les organisations de défense des droits de l´homme, il y aurait tout lieu
de craindre que la nouvelle république indépendante ne soit face à un avenir
aussi « radieux » que l´Afghanistan en 1989.
Quelques sources
Georges Sokoloff : « Métamorphose de la Russie - 1984-2004 » (Fayard)
Paul Klebnikov : « Parrain du Kremlin - Boris Berezovski et le pillage de
la Russie » (Robert Laffont)
Michel Collon : « Monopoly » (EPO)
Jacques Sapir : « Le chaos russe, désordres économiques, conflits politiques,
décomposition militaire » (La découverte)
John K Cooley : « CIA et Jihad - 1950 -2004) (Autrement)
Sur Internet :
Réseau Voltaire : « La première guerre de Tchétchénie » et « Le domino tchétchène
»
Le site des islamistes
: www.kavkaz.org.uk
Le site du gouvernement en exil (Mashkadov) :
www.chechenpress.com
Un site soufi : www.naqshbandi.net
La presse russe en ligne : www.itar-tass.com,
www.mosnews.com, www.english.pravda.ru
Un site US bien documenté parmi d´autres : www.chechyanews.com
Elections en Inde
Une nouvelle fois, les électeurs ont déjoué les pronostics, trompé les journalistes
et les dirigeants. L´évènement a eu lieu cette fois en Inde où 670 millions
d´électeurs étaient appelés aux urnes et où la participation a atteint 60
%.
La surprise était telle dans les cercles dirigeants que le Lundi 15 la bourse
de Bombay baissait de 11 % après être descendue jusqu´à -15 %en cours de séance.
Elle ne fut rassurée qu'après la renonciation de Sonia Gandhi au poste de
Premier Ministre et son remplacement par Mannoham Singh considéré comme le
principal responsable politique de l´entrée de l´Inde dans l´économie libérale
mondialisée et qui était de toute façon considéré comme le futur Ministre
de l´économie dans le gouvernement Gandhi.
Sitôt Mannoham Singh confirmé dans ses fonctions, la bourse de Bombay remontait
de 8 %. Plus de peur que de mal ! Mais vraiment les électeurs ne ménagent
pas les nerfs des financiers !
Le BJP parti nationaliste au pouvoir depuis 6 ans a donc été battu par le
parti du Congrès, le parti de Nehru qui a gouverné le pays presque sans interruption
depuis l´indépendance en 1947.La seconde surprise est venue de la progression
de la gauche puisque les deux partis communistes (l´un se dit marxiste, l´autre
pas) totalisent 59 sièges dans un parlement qui en compte au total 843. Les
PC refusant de participer au gouvernement, le Parti du Congrès va donc gouverner
avec quelques élus du centre mais aura besoin des voix des communistes pour
avoir la majorité au Parlement.
Ce brutal renversement de majorité n´est qu´une demi-surprise pour ceux qui
observaient mieux la situation économique et sociale de l´Inde. Le pays en
s´inscrivant de plus en plus en plus profondément dans les mécanismes de la
mondialisation libérale en a subi les conséquences classiques : l´écart de
revenus entre les classes sociales s´est considérablement accru et les performances
des informaticiens indiens parvenus aux meilleurs niveaux mondiaux dont il
a été abondamment question en Occident n´ont guère profité au reste de la
population. Ils sont environ 1 million ce qui est bien peu comparé aux 40
millions de chômeurs que compte officiellement le pays et à la masse des paysans
pauvres qui constitue encore aujourd´hui la majorité de la population.
Quelques chiffres illustrent cette situation :
La romancière indienne
Arundhati Roy a dressé un tableau très sombre de l´état de son pays
Extrait d´une tribune de la romancière Arundhati Roy publiée dans Z Magazine
- Traduction COMAGUER -
Ces dernières années,
le nombre de personnes tuées par la police et les forces de sécurité se chiffre
en dizaines de milliers. L´Etat d´Andar Pradesh (le plus néolibéral) (NDT
: centre Est du pays) annonce la mort de 200 « extrémistes » par an à la suite
« d´affrontements ». Au Cachemire, le nombre de tués depuis 1989 est estimé)
à 8000. Des milliers ont simplement « disparu ». Selon l´association des parents
de disparus du Cachemire, plus de 2500 personnes ont été tuées en 2003. Au
cours des 18 derniers mois il y a eu 54 décès en prison. La tendance de l´Etat
indien à harceler et à terroriser a été institutionnalisée par la loi sur
la prévention du terrorisme (POTA). Dans le Tamil Nadu (NDT : au Sud du pays)
cette loi a été utilisée par pour faire taire les critiques du gouvernement
de l´Etat. Dans le Jarkhand, 3200 personnes, principalement des adivasis (Ndt
: caste pauvre) accusés d´être maoïstes ont été accusés dans le cadre de cette
loi. Dans l´Etat d´Uttar Pradesh (Ndt : vallée du Gange, Nord du pays) la
loi est utilisée pour réprimer ceux qui protestent contre les expropriations.
Dans les Etats de Gujarat et de Mumbai, elle est utilisée exclusivement contre
les musulmans.
Au Gujarat, après le pogrom de 2002, au cours duquel environ 2000 musulmans
furent tués, 287 personnes ont été accusées en application de cette loi :
286 étaient musulmans et un sikh.
POTA permet de considérer des aveux obtenus par la police pendant la détention
dans ses locaux comme des preuves. Sous l´empire de POTA, la torture tend
dans les commissariats de police à remplacer les enquêtes : cela va des personnes
obligées à boire de l´urine, à être dénudées, humiliées, soumises à des chocs
électriques, brûlées avec des cigarettes,sodomisées ou battues à mort. Cette
loi permet d´inculper après interrogatoire quelqu´un pour un crime qui ne
lui était pas reproché à l´origine.
Il serait naïf d´imaginer que la loi POTA a été détournée de son but. Elle
est utilisée précisément pour ce pour quoi elle a été faite.Cette année, aux
Nations Unies, 181 pays ont voté en faveur d´un accroissement de la protection
des droits de l´homme. Même les Etats-Unis- (Ndt : qui n´en sont pas à une
hypocrisie prés) ont voté pour. L´Inde s´est abstenue.
Pendant ce temps, les économistes d´entreprise clament dans la presse que
le taux de croissance du PIB est phénoménal, jamais vu. Les magasins débordent
de produits de consommation. Les entrepôts gouvernementaux débordent de grain.
Hors de ce cercle de lumière, les cinq dernières années ont vu se produire
la plus brutale augmentation de l´écart de revenu entre les populations rurales
et les populations urbaines depuis l´indépendance. Les paysans endettés se
suicident par centaines. La consommation de grain de 40 % de la population
rurale est au niveau de celle de l´Afrique sub-saharienne et 47 % des enfants
indiens soufrent de malnutrition.
Il suffit de rester sourd au craquement douloureux des bottes d´un policier
sur les reins de quelqu´un. Il suffit de ne pas regarder la misère, les bidonvilles,
la population déguenillée et brisée dans les rues et de chercher un télévision
amicale et vous entrez dans un autre monde : le monde chantant et dansant
de Bollywood (NDT : capitale du cinéma indien, le plus productif du monde),
le monde des privilégiés permanents, le monde des indiens heureux qui brandissent
le drapeau tricolore et ses sentent bien. Les lois répressives sont comme
des boutons de téléviseur : elles permettent de zapper et de ne plus voir
les pauvres, les indésirables, les perturbateurs.
Quand la loi POTA a été votée au Parlement, le parti du Congrès a fait bruyamment
opposition. Mais pendant la campagne électorale il n´a pas parlé de son abrogation.
Même avant qu´il ait formé le gouvernement, il a assuré publiquement que les
« réformes » continueraient. Quelles « réformes », attendons pour voir. Heureusement
le Congrès sera coincé car il a besoin du soutien des partis de gauche pour
former le gouvernement.
Espérons que les choses changeront. Un peu. Ca aura été six années assez infernales.
Europe
Une donnée pour rassurer ceux qui voient se profiler une Europe fédérale.
Dans un état fédéral, la Fédération a des moyens financiers très supérieurs
à ceux des états fédérés. On est très loin du compte dans l´Union européenne.
Le budget global de l´Union (consacré principalement à deux activités : la
politique agricole commune et les fonds structurels qui permettent la participation
au financement d´infrastructures : routes, réseaux divers, .. dans les régions
les moins développées) est de l´ordre de 100 milliards € par an alors que
celui de la seule France avoisine les 300 milliards d´euros. Le principe retenu
par les Etats membres est que le budget de l´Union ne dépasse pas 1% du PIB
global.