Bulletins
Radio & débats
Sources
Contact

Triste nouvel an en Israël
ZVI SCHULDINER - JERUSALEM

Edition du 4 octobre de Il Manifesto, http://www.ilmanifesto.it
/oggi/art62.html

Traduction Comaguer
4 octobre 2003.

 

Traîtres. Il faut les envoyer au tribunal. Ils fournissent à nos ennemis le meilleur matériel de propagande. Le procureur de la nation les accuse d'avoir collé à l'armée israélienne l'étiquette de l'illégalité. D'autres signalent qu' " à cause d'eux on pourra dire qu'Israël commet des crimes de guerre ". La révolte des aviateurs. Une victoire morale. Scandale. Crise. Préjudice à l'image d'Israël. Titres formidables pour les journaux de fin d'année. Des milliers de policiers et de soldats ont protégé notre sécurité pendant les traditionnelles fêtes de fin d'année et déjà ils sont prêts pour le jour dramatique du Pardon, peut-être le plus sacré des rites religieux. Comme si cela faisait déjà partie de la routine religieuse, les territoires palestiniens occupés sont hermétiquement bouclés.

Et cela arrive alors que viennent à peine de se terminer les trois années depuis le début du sanglant et tragique épisode appelé " Intifada al-Aqsa " ou " Deuxième Intifada ", comme pour un quelconque film d'action qui aurait eu un grand succès de commerce.

Dans ce qu'on appelle les " jours terribles " qui vont jour de l'An au jour du Pardon, chaque juif doit faire le compte de ses péchés et attendre le verdict divin qui détermine son destin.

Normalement on suppose que ce sont des jours d'introspection et de crainte. Normalement ça a été des jours de mort, de sang, de répression et de l'occupation qui se poursuit.

Les israéliens ont essayé de célébrer la fin de l'année juive, mais ils l'ont fait sur un ton mineur, dans l'ombre d'une des années les plus noires du jeune état, mêlant toutes les sensations de peur et de haine, d'espoir en un futur meilleur et d'appui massif à la politique criminelle du gouvernement israélien, qui ne fait qu'aggraver le conflit israélo-palestinien et le transforme en une tragédie qui est désormais presque sans solution.

L'année décisive
L'armée et le gouvernement israélien nous avaient promis que cette année aurait été décisive dans la lutte contre le terrorisme. Une fois les ordres donnés, les barrières détruites, les frontières effacées, nos soldats sont entrés sur pratiquement tout le territoire sous domination partielle de l'Autorité palestinienne, avec l'objectif de détruire l'infrastructure de la terreur.

Le gouvernement et l'armée continuent d'ignorer que l'infrastructure du terrorisme se trouve, dans le fond, au cœur des occupés. Les fascistes israéliens les plus extrémistes le comprennent mieux et pour cette raison, ils parlent d'expulsion des palestiniens de leur terre et dans la rue un nombre non négligeable de citoyens d'Israël, abrutis, parlent désormais ouvertement d'extermination.

Appuyés par Bush et par les américains, cachés derrière une Europe paralysée, l'offensive militaire a ajouté destruction sur destruction. Champs et maisons, boutiques artisanales, arbres et êtres humains ont été des objectifs faciles de la sacro-sainte croisade contre le terrorisme. Comme il arrive toujours dans ces cas-là -l'histoire est riche d'exemples et cela s'est produit même pour des terroristes juifs il y a un peu plus de 55 ans- le victimes n'ont pas compris le discours israélien et ont poursuivi leur route.

Et ainsi est arrivée la Hudna, le cessez-le-feu, qui pour deux mois a permis aux deux peuples de respirer autrement et de vivre presque dans la normalité. La situation de l'un et de l'autre étant très diverse. Les palestiniens avec une société et des infrastructures pratiquement détruites.

De plus, la hudna était dangereuse pour le gouvernement Sharon et l'extrême-droite. Si elle avait continué cela pouvait dire qu'on aurait pu aller à la table des négociations. Et cela aurait signifié la nécessité de faire quelques concessions territoriales pour satisfaire aux pressions des USA. Pendant que le bourbier irakien se fait de plus en plus insidieux, la nécessité est plus grande pour le cow-boy texan d'obtenir quelque " succès " au Moyen-Orient.

Les " assassinats ciblés " contre les " leaders terroristes " se sont multipliés malgré le cessez-le-feu. Chaque jour on trouvait quelque " numéro un " à abattre et les exécutions brutales n'étaient qu'une invitation inévitable à la vengeance pour les groupes islamiques. Ceux-ci ont compris le danger politique inhérent à l'inaction et sont tombés dans le piège et dans le danger encore plus grand de la vengeance. Frères siamois de la ligne Sharon.

Les aviateurs
Il est plus facile, plus chirurgical, moins dangereux pour nos soldats, d'épargner les vies… de nos soldats. C'est clair, il y a des moments où un terroriste a envie de vivre une peu de vie normale et va chez lui pour rester avec ses enfants, ou les amener à l'école ou faire un tour en voiture.

Le chef de l'aviation israélienne est un homme qui parle clair. Il dort bien, la nuit. Il dort bien même après qu'une bombe israélienne ait tué à Gaza 15 civils, en même temps que le " terroriste ".

Un pilote dit au quotidien Yediot que lui, il est encore convaincu que leurs missions ne sont pas des assassinats. Les pilotes, ou du moins un certain nombre important d'entre eux, sont encore convaincus que leur travail évite des attaques terroristes. D'autres, plus réalistes, savent que quand ils reviennent d'un assassinat ciblé, ils ont liquidé un terroriste mais que commence le compte à rebours de la prochaine attaque terroriste des autres.

Le procureur de la nation, Elyakim Rubinstein, est un monsieur très compliqué avec des idées politiques toujours occultées par la patine du " serviteur public Mais il a toujours servi les gens de droite et il a appuyé l'attirail idéologique de la droite. Rubinstein a attaqué durement l'absence de démocratie de l'Anp. Lui il préfère la démocratie d'Israël.

En Israël un rapport des services secrets suffit pour décréter la condamnation à mort des " terroristes ". Ce sont des bombes prêtes à exploser et ils doivent être exterminés. Sans procès. Sans juges encombrants. Sans lois. Ca oui, c'est une démocratie réelle et pour cette raison là quand le gouvernement donne l'ordre de tuer aux militaires, ils doivent exécuter l'ordre.

En 82 pour la première fois et de façon organisée fut rompu le consensus sacré et les premiers refuzniks de Yesh Gvul créèrent l'obligation d'une discussion politique sérieuse.Mais cela avait toujours quelque chose " de gauche ". L'année dernière on a découvert des jeunes qui étaient plus internes au système et maintenant c'est le tour de ces aviateurs qui sont la crème de la crème et qui disent ça suffit.

Un général qui est un mythe de l'aviation israélienne, des colonels et des capitaines avec une histoire riche et de nombreuses médailles n'acceptent plus une logique mafieuse. Et ceci n'est pas tout : avec des paroles mesurées d'officiers, mais qui ont un grand retentissement dans les rues israéliennes, ils disent avec clarté que ces ordres sont immoraux et illégaux. Ils parlent de crimes de guerre et répètent qu'ils refuseront d'attaquer la population dans les territoires occupés même si cela leur coûtera - et c'est déjà en train de leur coûter- leur carrière militaire. " Nous voulons sauver l'Etat d'Israël, disent ils, et pour cela il est nécessaire d'en finir avec l'occupation ". Simple et clair. Qui veut vraiment prendre à sa charge la sécurité d'Israël et de son avenir devra écouter cet appel des aviateurs qui nous disent les mêmes choses qu'avaient déjà dites nombre d' " extrémistes et de traîtres et d'anti-sémites " du pacifisme israélien et international : la seule sécurité possible s'obtiendra à travers la paix et cela signifie en finir avec l'occupation.

Nouvel An ?
Nous sommes entrés dans la nouvelle année juive avec les aviateurs au centre de la scène. Cependant la coalition d'extrême droite continue sa route avec l'aval d'une administration américaine qui en de brefs instants seulement semble vouloir mettre un frein à Sharon. La communion d'idées entre Bush et Sharon est telle qu'elle prévaut même jusque sur la nécessité américaine d'imposer quelques limites à la politique brutale du gouvernement israélien. Des décisions comme la liquidation d'Arafat ou son expulsion apparaissent désormais tout à fait normales sur la scène politique israélienne.

Le terrorisme unifie dans la cécité politique et dans la peur en favorisant la droite israélienne et en paralysant l'opinion publique internationale qui continue à être victime de la paranoïa qui a suivi les attaques du 11 septembre aux USA.

Sur ce fond les aviateurs refuzniks jouent une grosse carte et le miroir qu'ils mettent devant le visage de cette société a une force inhabituelle. Mais il pourra difficilement dissiper la peur, le racisme et le processus de brutalisation dans lesquels la société israélienne est passée.

Ce sont des jours noirs pour la société israélienne. Et encore pires pour la société palestinienne à moitié détruite qui continue à souffrir des effets d'une occupation brutale de la part de ceux qui se présentent toujours comme les victimes du terrorisme tout en usant de toutes les formes du terrorisme d'état.

Il est très difficile d'imaginer comment les jours à venir pourraient être meilleurs sans une intervention massive de l'opinion publique démocratique en Europe.

Actions