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Les vrais dangers
Rossanna Rossanda

Editorial du 4 novembre 2003 de il manifesto http://www.ilmanifesto.it

traduction Comaguer

Il y a des limites à la partialité. Ceux qui auraient entendu parler du sondage commandé par l'Ue, sur la guerre en Irak, seulement par la télévision ou les éditoriaux des grands quotidiens, ne pouvaient déduire qu'une chose : l'Union européenne, dans un passage à l'acte, avait sollicité sournoisement de la part de ses citoyens un " pronunciamiento " contre Israël. Scandaleux, déplacé, condamnable, ont alors déclaré avec une mine funeste Casini et Fini (les donneurs de leçons!). Voici l'antisémitisme qui revient, écrit immédiatement Miriam Mafai dans la Repubblica, c'est le mal caché de l'Europe. Mettons certaines choses au point. Même si le sondage n'avait été constitué, comme on a voulu nous le faire croire, que d'une seule question: "quel pays considérez-vous comme le plus dangereux pour la paix?", ce serait bien sûr peu diplomatique mais pas inadmissible ; et les réponses devaient avant tout nous faire réfléchir. Il n'y a aucune raison de ne pas critiquer le gouvernement d'Israël : c'est un état comme les autres qui de plus se prétend démocratique donc ouvert à la critique. Ni de taxer d'antisémitisme ceux qui disent que Sharon, comme Bush, parle et reparle sans cesse de guerre et la fait, et pas seulement une guerre de défense, et qu'il occupe des territoires qui ne sont pas à lui. Cette accusation est un chantage crapuleux. Il y avait donc quelque chose qui ne cadrait pas dans toute cette agitation.

Si ce n'est que maintenant, Internet a déversé les 128 pages du questionnaire dont il résulte qu'il s'est agi de tout autre chose. L'Union européenne n'a pas fait interroger par un sondage téléphonique les citoyens des différents pays pour savoir quel est l'état qu'ils considèrent comme le plus dangereux pour la paix, mais pour savoir ce qu'ils pensent de la guerre en Irak. Il s'agit de dix questions, dont neuf concernent le débat qui est aujourd'hui ouvert entre les Usa et le monde. Si la guerre était justifiée oui ou non, un peu, assez, ou beaucoup , et la réponse a été qu'elle n'était pas justifiée, ni un peu ni beaucoup. S'il faut adhérer à la requête du Département d'Etat d'envoyer maintenant en Irak des troupes et de l'argent, et la réponse est non : l'occupation étant illégitime, ceux qui payent les dommages sont ceux qui les ont faits. Si l'Europe doit envoyer des aides humanitaires, et la réponse est oui. Qui doit décider sur des questions internationales comme celle-ci : la réponse a été l'Onu. L'Europe a-t-elle fait ce qui était possible ? Non, elle n'a pas fait tout ce qu'elle pouvait et devait faire au Moyen-Orient. Enfin, pensez-vous qu'il y ait un risque de terrorisme dans le pays ? La réponse est oui. Seule la dernière des questions était, non pas " quel pays vous semble constituer le plus grand danger pour la paix?" mais " pensez-vous que ce pays (et suit, à part, une liste d'une douzaine de noms où lon répond par oui ou par non) soit un danger pour la paix?". Que 59% des personnes interrogées aient mis " oui " à côté d'Israël peut laisser penser qu'il y ait aussi parmi eux un quota d'antisémites, et à cet égard, il est intéressant de voir comment ont répondu les différents pays. Mais ça n'est pas une entité modifiant beaucoup l'opinion : 53% ont répondu qu'ils considèrent comme dangereux pour la paix les Usa, l'Iran, la Corée du nord et l'Irak. On n'aime ni les guerres sans fin ni les armes atomiques détenues ça et là.

Le sondage donc est différent de ce qu'on est allé agiter en Italie ces deux derniers jours, et l'agitation a caché ce qui est le camouflet le plus cuisant reçu par les Usa : bien que -exception faite de la France, l'Allemagne et la Belgique- les gouvernements européens aient appuyés la guerre américaine, leurs populations ne les ont pas suivis. Ni à ce moment-là, ni maintenant. Le mouvement pacifiste, nouvelle taupe, a bien creusé. Il serait utile que ceux qui, ces jours-ci, ont fait tant de tapage, y pensent.

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