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Quand la guerre devient sainte

GIULANA SGRANA

Edition du 31 décembre 2003, il manifesto http://www.ilmanifesto.it/ archivio/art106.html

Traduit par M-A Patrizio

" Nous sommes des disciples d'Oussama pas de Saddam, la résistance est islamique, nous sommes envoyés par Dieu ". Cette affirmation de l'un des combattants irakiens à un journal britannique, même si elle n'est pas représentative de la réalité complexe de la résistance, l'est par contre en regard de la tendance à l'œuvre en occident et en orient à réduire tous les conflits en affrontements ethniques et/ou religieux. Effet de la fin des idéologies et, pour ce qui concerne le Moyen-Orient, de la faillite du nationalisme arabe. De cette façon, même la lutte contre l'occupation devient une guerre sainte: on répond à la croisade de Bush avec la jihad. Une guerre sainte contre le mécréant, occidental mais aussi musulman. C'est le cas surtout de l'Algérie, où l'affrontement pour la laïcisation de l'état, problème qui reste ouvert dans tout le monde islamique, est plus aigu. Avec la jihad, même les formes de lutte changent : " nous sommes plus forts que les occidentaux parce que nous n'avons pas peur de mourir ; pour nous la vie commence avec la mort, pour les occidentaux elle finit là ", répètent les adeptes de la jihad. Cette vision transcendantale de la lutte terrestre conduit au choix du martyre, où la lutte contre l'ennemi ou pour le pouvoir est sublimée par la conquête du paradis. Les conflits en cours dans les pays musulmans (nous l'avons vu récemment en Irak, dans le passé en Algérie) sont encore plus aigus pendant le Ramadan, parce que le " sacrifice " pendant le mois sacré majore les mérites dans l'au-delà.

L'islamisme (islam politique) radical sait toutes fois bien conjuguer transcendance et pragmatisme terrestre, essentiel pour conquérir le pouvoir et imposer ce système théocratique qui tire sa légitimité seulement de dieu. Et qui rend velléitaire toute tentative d'évolution démocratique, dans le sens, même limité, de respect de la volonté de la majorité. Le cas iranien est exemplaire : Khatami qui avait obtenu un large consensus électoral n'est pas arrivé à honorer ses promesses, entravé par le guide suprême Khamenei, décevant ainsi de nombreux partisans du changement qui probablement s'abstiendront aux prochaines élections (en février). Le pragmatisme des islamistes, cependant, vise la conquête d'un pouvoir terrestre en partant de la satisfaction des besoins essentiels de la population, qui ne sont pas garantis par des Etats en crises du welfare à cause du manque de moyens, de la corruption ou des mesures étouffantes imposées par le FMI. Ce n'est pas le libéralisme économique qui fait peur aux islamistes, au contraire. Puisque les biens sont distribués par Dieu, l'état ne peut pas les mettre en discussion (opposition à la réforme agraire en Algérie) et les taxes doivent être des donations volontaires -la zagat-, à redistribuer à travers les œuvres des mosquées. Autour des mosquées se créent des réseaux de solidarité qui aident les plus pauvres et assistent les jeunes sans perspectives, en leur enseignant que l'unique solution est l'Islam (même dans les urnes). Les madrasas (écoles coraniques) se multiplient en même temps que les mosquées, non seulement comme lieu de religion ou d'assistance, mais aussi de politique. Dans des états en déréliction, comme la Somalie qui n'a pas de gouvernement depuis douze ans, l'unique pouvoir reste le religieux. Le pays a été " colonisé " par les organisations humanitaires saoudiennes qui ont construit des hôpitaux, des orphelinats et des écoles où on étudie en arabe et à partir de l'histoire de la péninsule arabique.

Même le vide laissé par la chute du régime de Saddam Hussein a été occupé par une sorte de contre-pouvoir religieux : police religieuse, hôpitaux et écoles contrôlés par les mollah. Ce sont aussi les religieux qui gèrent la justice et vont jusqu'à organiser la collecte des ordures. Sans entrer en conflit avec les forces d'occupation; les américains ont laissé faire, mais le nouveau gouvernement irakien, le jour où il sera formé, se trouvera en face d'un pouvoir déjà constitué. Une hypothèque sur le futur institutionnel du pays, alors que l'Afghanistan se confirme dans une voie de la théocratie, avec ou sans talibans.

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