Semaine 46- 2004
The show must go on
C´est ainsi que dans le langage des impresarios on annonce la poursuite du
spectacle malgré toutes les difficultés qui ont pu surgir : comédien malade,
chanteuse aphone, panne d´électricité.... c´est ce qui vient de se passer
aux Etats-Unis pour les élections présidentielles.
Il fallait en effet démontrer aux yeux du monde assailli par le doute depuis
l´élection précédente que la démocratie étasunienne, produit mis en promotion
sur le marché mondial, était en parfait ordre de marche.
Il fallait faire oublier :
Il fallait donc un spectacle
net, un affrontement à l´issue apparemment incertaine et un vaincu chevaleresque
qui n´allait pas faire scandale et accepter sportivement sa défaite (qui n´a
en fait été qu´une capitulation). Ce spectacle, le plus cher dans l´histoire
des campagnes électorales, a coûté, à ce qu´on dit, 1,2 milliards de dollars.
Dans ce combat à deux, puisque la législation et l´organisation électorale
aux USA empêchent l´émergence significative d´un troisième candidat, le Parti
démocrate a parfaitement joué son rôle de compère. Mise sur la touche progressive
de tous les candidats qui auraient pu tenir un discours plus radical tant
sur les problèmes sociaux nationaux que sur la guerre en Irak, comme HOWARD
DEAN ou DENIS KUCINICH, choix du candidat le plus représentatif de la grande
bourgeoisie blanche de la côte Est, choix du parlementaire le plus riche de
tous les parlementaires fédéraux, diplômé de la même université et membre
de la même amicale/secte des anciens aux rites étranges et secrets, que BUSH.
Les médias internationaux comme la grande presse aux Etats-Unis ont voulu
nous faire croire à la réalité de ce combat truqué alors que, comme au catch,
le public en furie aurait dû hurler "Chiqué".
Il se peut que les citoyens US se soient laissés tromper par cette apparence,
ce qui pourrait expliquer une augmentation du taux de participation au vote,
mais il se peut aussi qu´une partie de l´opinion publique mondiale ait été
trompée par la campagne outrageuse menée en faveur de KERRY par tous les grands
médias.
Mais il s´agissait seulement de démontrer que la démocratie US déconsidérée
en 2000 s´était ressaisie et était en ordre de marche.Trois débats télévisés
ont en fait permis de confirmer que les deux candidats ne divergeaient que
sur l´emballage : au royaume du marketing, la même lessive est vendue sous
deux emballages : un rouge et un bleu et le consommateur doit avoir l´illusion
de choisir. Le marketing alimente une économie parasitaire, clinquante qui
fait oublier qu´il y a, très loin, ailleurs dans d´obscurs ateliers insalubres
des hommes, des femmes, des enfants qui produisent.
Au lieu de se réhabiliter dans ce spectacle tapageur mais creux, la démocratie
US n´a fait que s´enfoncer dans l´échec. Le choix entre BUSH et KERRY n´en
était pas un et l´illusion va faire long feu.Les fraudes électorales et les
manipulations informatiques ont atteint des proportions jamais vues. Les nouvelles
machines à voter à écran tactile, mises au point par quatre sociétés toutes
possédées par des amis du clan BUSH et utilisées largement en OHIO, interdisent
un dépouillement contrôlé par la population.
Les USA veulent gouverner le monde, le reste du monde n´est pas prêt à l´accepter
et le véritable débat dont les enjeux recouvrent la totalité des aspects de
la vie humaine se situe non plus à l´intérieur des Etats-Unis mais entre les
Etats-Unis et le reste du monde.
Alors que BUSH et KERRY entendent bien ceci : ni nous, ni les irakiens, ni
les afghans, ni les palestiniens, ni les latino-américains ni de nombreux
citoyens des Etats-Unis qui s´organisent pour résister à l´Etat autoritaire
installé solidement désormais dans toutes les structures du pays, ni beaucoup
d´autres ne sont prêts à finir leurs jours dans des réserves d´indiens pour
permettre à des cow-boys de feuilleton télévisé accompagnés de garçons vachers
recrutés sur tous les continents, de faire paître, sous la protection de leurs
chiens blindés, leurs multinationales sur nos terres.
L´Ukraine entre Russie
et OTAN
Le Dimanche 31 Octobre Les ukrainiens ont voté pour le premier tour des présidentielles.
Cette élection éclipsée par celle des Etats-Unis était cependant suivie de
très près à Washington.
En effet, dans les premières années suivant l´éclatement de l´URSS, l´Ukraine
a pris ses distances avec la Russie. Elle était encouragée en cela tant à
Moscou où Eltsine ne voulait plus s´intéresser qu´à la Russie et encore plus
à Washington où le dépeçage de l´ex puissance ennemie était la priorité des
priorités. L´Ukraine était une des proies prioritaires. D´abord parce qu´elle
abritait sur son territoire une partie importante de l´armement nucléaire
soviétique et il fallait là, comme au Kazakhstan, convaincre les nouveaux
dirigeants de démanteler cet arsenal. De gros budgets en dollars, votés très
vite par le Congrès US et gérés par James Baker, le monsieur dénucléarisation
de service, étaient disponibles pour financer ces destructions et aider ainsi
à les convaincre. Ce qui fut fait. Mais là ne s´arrêtait pas l´intérêt stratégique
de l´Ukraine : ce pays de 50 millions d´habitants, grand comme la France,
berceau de la monarchie russe, a un fort potentiel économique : d´excellentes
terres à blé, du charbon en abondance, plusieurs ports sur la Mer Noire et
des frontières communes avec les pays d´Europe promis à l´époque à l´entrée
dans l´Union européenne ( certain y sont déjà : Pologne, d´autres y seront
bientôt : Roumanie).
Ce que les stratèges US ont donc imaginé c´était de faire basculer l´Ukraine
dans le camp " occidental ". La clé d´accès à ce camp " occidental " est connue,
c´est l´adhésion à l´OTAN qui elle-même sert de préalable non écrit mais impératif
à l´adhésion à l´Union Européenne. Mais l´Ukraine n´a pas basculé. Elle a
ménagé à la fois la Russie avec laquelle elle conserve de nombreux liens économiques
à commencer par la fourniture de pétrole et de gaz et des liens sociaux très
forts même si en Ukraine beaucoup considèrent que pendant la période soviétique
leur pays n´a pas été bien traité par le " Centre ". L´Ukraine a vécu la période
postsoviétique comme la Russie : désorganisation économique, appauvrissement
massif, corruption, trafics divers, mais elle a survécu à cet énorme traumatisme
en donnant quelques gages aux USA comme l´adhésion au GUAAM (Georgie, Ukraine,
Azerbaïdjan, Arménie, Moldavie), groupe d´encerclement de la Russie créé par
les Etats-Unis mais qui est maintenant en sommeil, comme l´envoi d´un petit
contingent en Irak. Aujourd´hui des relations plus confiantes se sont rétablies
avec la Russie et les élections présidentielles ont été considérées par Washington
comme une ultime occasion pour opérer ce basculement à l´ouest de plus en
plus improbable. Pour cela la stratégie élaborée a été une copie de celle
utilisée pour faire basculer la Georgie fin 2003. Trouver un candidat connaissant
bien le pays et y ayant occupé des fonctions importantes, susciter et financer
une opposition à l´équipe en place, faire miroiter à la population et surtout
à la jeunesse l´espoir de l´Eldorado " occidental ", le plein emploi, la démocratie,
qui seraient automatiquement garantis par l´adhésion immédiate à l´OTAN et
l´entrée aussitôt promise dans l´Union Européenne.
Le scénario présenté, voici les acteurs :
Mais comme la pièce a
déjà été jouée en Georgie, la Russie réagit différemment et Poutine est venu
en personne célébrer quelques jours avant le vote, et fort opportunément,
la mémoire de la guerre victorieuse de l´URSS contre le nazisme, guerre dans
laquelle le peuple ukrainien a particulièrement souffert. Il étai accompagné
des présidents d´Azerbaïdjan et du Belarus.
Cette intervention a été beaucoup critiquée dans la presse occidentale et
dans les quotidiens russes pro-occidentaux (il s´en publie en Russie et ils
sont lisibles en version anglaise sur Internet) mais le basculement n´a pas
eu lieu. Il y a dans ces critiques une curieuse asymétrie : il est normal
de déverser, de façon plus ou moins occulte des millions d e dollars pour
aider l´opposition, lui permettre de financer des journaux, des stations de
télévision, lui organiser des séminaires de formation à l´étranger, il est
par contre scandaleux qu´un chef d´Etat voisin vienne apporter publiquement
son soutien au gouvernement en place et que ce gouvernement se défende comme
il peut et pas forcément en finesse contre cette ingérence étrangère manifeste
et orchestrée.
Au premier tour, le candidat pro-occidental et le candidat soutenu par le
Président sortant KOUCHMA et appuyé par la Russie sont pratiquement à égalité
et vont se disputer les voix des autres candidats : un socialiste pro-occidental
et un communiste encore hésitant. Le second tour aura lieu le 21 Novembre.
Les pressions se multiplient : le sommet de l´Union européenne a exprimé son
soutien à YUSHENKO, le sénateur US républicain Mc CAIN, un des leaders du
congrès, menace l´Ukraine de sanctions économiques si elle vote mal, RICHARD
ARMITAGE, le second de COLIN POWELL, fait de même ( l´un et l´autre ont fait
récemment une visite à Kiev). Les " think tanks " ( ces boites à idées qui
sont en fait des lobbys) républicains (Heritage Foundation, International
Republican Institute, National Endowment for democracy) ont mobilisé opinion
et médias en faveur de YUSHENKO.
Des observateurs de l´OSCE affirment que les élections en Ukraine sont en
dessous de standards européens mais l´OSCE n´a pas fait jusqu´à présent grand
bruit lorsque ses observateurs aux Etats-Unis le 2 Novembre ont été interdits
d´accès dans certains bureaux de vote.
Malgré les compliments très appuyés de POUTINE à BUSH pour sa réélection qui
font immanquablement penser à la fable " Le corbeau et le renard ", la " petite
guerre froide " se poursuit.
L´Iran toujours sur
la sellette et toujours aux aguets
L´Iran n´a pas eu besoin d´attendre de connaître les résultats de la présidentielle
US pour savoir qu´il était dans le collimateur. Aussi le jour du vote aux
Etats-Unis, des manifestants célébraient-ils très officiellement à Téhéran
l´anniversaire de la prise des otages de l´ambassade des Etats-Unis en 1979.
Histoire de rappeler qu´en 79 la révolution iranienne avait mis à bas un régime
installé par les Etats-Unis en 1953 par un coup d´état orchestré par la CIA
et soutenu par eux jusqu´au bout. Que cette révolution ait été ensuite captée
par KHOMEINY et les ayatollahs est une autre histoire mais après le lamentable
échec d´une opération d´exfiltration des otages ceux-ci ne furent libérés
qu´au bout de 444 jours et il ne resta plus aux Etats-Unis pour se venger
de cet affront qu´à lancer SADDAM HUSSEIN à l´assaut de l´Iran.
En même temps l´avocate iranienne SHIRIN EBADI, Prix Nobel de la Paix en 2003,
déposait plainte devant un tribunal des Etats-Unis pour atteinte à la liberté
d´opinion : en effet, la législation US interdit la publication dans le pays
d´ouvrages écrits par des citoyens d´Iran, du Soudan et de Corée du Nord.
Dans le cas de SHIRIN EBADI il ne s´agissait pas d´un pamphlet anti-américain
mais de ses mémoires où au contraire elle explique que la révolution islamique
l´a privée, en tant que femme, de son poste de magistrat.
Sur le plan diplomatique le bras de fer se poursuit sur la question nucléaire.
Les exigences de Bush sont connues, elles sont relayées par la France, la
Grande-Bretagne et l´Allemagne au nom de la lutte contre la prolifération
nucléaire, position totalement hypocrite venant de deux (France et Grande-Bretagne)
des 8 puissances nucléaires mondiales.
A l´inverse de cette position, celles de la Russie et de la Chine s´affirment.
La Russie continue à annoncer quelle honorera les contrats de fourniture de
matériel nucléaire pour les réacteurs de BUSHER et la Chine en la personne
de son ministre des affaires étrangères LHI ZHAOXING en visite officielle
à Téhéran a annoncé qu'elle s´opposerait à toute sanction de l´Iran par le
Conseil de Sécurité de l´ONU.
De son côté l´administration BUSH prépare la succession du directeur de l´AGENCE
INTERNATIONALE DE L´ENERGIE NUCLEAIRE ,l´égyptien MOHAMED EL BARADEI, dont
le mandat s´achève en 2005 et qu´elle voudrait bien voir remplacé par un personnage
moins indépendant.
Chronique des tuyaux
Accord historique entre la Chine et le Kazakhstan pour la construction d´un
pipeline qui acheminera le pétrole kazakh vers la République Populaire. Le
contrat est passé entre les deux entreprises publiques nationales. Le pipeline
devrait être achevé dès l´an prochain et pourrait avoir ultérieurement un
embranchement vers la Sibérie ce qui permettrait à la Chine d´avoir deux fournisseurs.
Le tuyau ukrainien qui énerve les multinationales US est un tuyau déjà existant
qui aurait pu permettre de transporter du pétrole extrait par les multinationales
US installées dans la région de la Caspienne. En fait, à la suite d´un accord
entre l´Ukraine, le Belarus, la Slovaquie, la Hongrie et la Croatie, il sert
à transporter du pétrole russe vers ces pays et débouche dans l´Adriatique
au port croate d´OMISAL d´où il peut être exporté vers d´autres pays. Concurrence,
concurrence !
De l´utilité de Ben
Laden
Mort ou vif, BEN LADEN (ou ses sosies) continue de rendre service et sa dernière
cassette est venue à point nommé dans les dernières heures de la campagne
électorale US.
L´analyse du texte anglais de ce message tel qu´il est mis en circulation
ne manque pas d´intérêt car les médias n´en ont tiré que quelques extraits
et s´en sont servi surtout comme d´un facteur d´excitation émotionnelle.
Sous l´apparence d´une adresse aux citoyens des Etats-Unis l´auteur - qui
que ce soit - s´adresse en fait à deux publics.
D´un côté la population des Etats-Unis :
Il lui confirme, quoique dans des termes extrêmement vagues, la responsabilité
de quelque chose (qu'il ne nomme pas AL QAIDA) dans les attentats du 11 Septembre
et il rend hommage aux 19 "martyrs" (alors que certains des 19 dont les identités
et les photos diffusés par le FBI sont vivants)
Il lui explique que la politique de leur gouvernement n´a rien fait bien au
contraire pour empêcher de nouveaux attentats puisque les causes profondes
du terrorisme existent toujours.
De l´autre la population arabe et musulmane (il est d´ailleurs très vague
sur la délimitation de sa cible s´agit-il des arabes, des musulmans, mystère
! BEN LADEN ratisse large et il entre complètement dans le jeu de Washington
qui crée l´angoisse voire la paranoïa sécuritaire en créant un ennemi incernable,
une menace diffuse, massive, permanente et mondiale) à laquelle il explique
que l´idée de frapper les deux tours ne lui est venue qu´après avoir été témoin
de l´invasion du Liban par Israël et les Etats-Unis, renforcée ensuite par
la guerre du Golfe, l´embargo contre l´Irak et enfin son invasion. Curieusement
alors qu´il cite nommément BUSH père et fils, il oublie de citer CLINTON principal
acteur de l´embargo et de la mort consécutive d´un million d´irakiens.
Il en conclut qu´il a décidé à partiR de ce moment là de punir les oppresseurs
et que AL QAIDA n´a pas cessé de marquer des points dans cette lutte.
Au passage il prend d´énormes libertés avec l´Histoire :
Ce double discours rend un fier service à BUSH :
Bagdad : année zéro
La journaliste étasunienne NOAMI KLEIN s´est fait connaître dans le monde
entier grâce à son livre "NO LOGO". Elle s´est à nouveau fait remarquer en
publiant dans la très sérieuse revue US "HARPERS" un long article intitulé
"Bagdad, année Zéro".
Fidèle à sa méthode de travail elle s´est documentée, s´est rendue sur place
(au printemps 2004) où elle a rencontré tant des officiels que des hommes
de la rue. Son article est très éclairant et nous vous en présentons les principaux
points assortis ici et là de commentaires COMAGUER.
La thèse centrale est la suivante : contrairement à une critique ayant cours
aux Etats-Unis et reprise par KERRY pendant sa campagne électorale et selon
laquelle l´administration BUSH n´avait pas de plan pour l´après-invasion de
l´Irak, NAOMI KLEIN montre au contraire que l´administration avait un plan
mais qu´il a échoué.
Ce plan qui, contrairement au débat stérile et mystificateur mis en scène
pendant la campagne électorale sur la conduite militaire de l´opération irakienne
et sur les effectifs nécessaires pour gagner un combat est un plan de destruction
systématique d´une société. Instruits, qui sait ?, par l´expérience historique,
ses concepteurs ont eu la prudence de ne pas parler d´un " homme nouveau "
mais l´HOMO DEMOCRATICUS qu´ils veulent fabriquer n´est que le zombie déraciné
de l´économie transnationale, le citoyen d´un Etat réduit aux fonctions de
garde-chiourme, qui fait de cet HOMO DEMOCRATICUS le galérien d´un immense
vaisseau sans boussole où le taux de croissance du PIB est l´unique instrument
de mesure d´un bonheur en fait inaccessible à la masse.
Au point de départ de son analyse le remplacement du premier proconsul US
à Bagdad, le général à la retraite GARNER par BREMER. GARNER arrivé en Irak
sitôt la chute de Bagdad a une mission simple : installer confortablement
et pour des décennies l´armée US dans un réseau de bases lui permettant un
contrôle stratégique permanent de tout le Moyen-Orient et prendre le contrôle
du pétrole. Bref, une opération coloniale classique qui a été comparée avec
la mise sous tutelle des Philippines à la fin du 19° siècle. Mais les néoconservateurs
ont d´autres ambitions. Moins d´un mois après son arrivée à Bagdad, GARNER
est relevé de ses fonctions et remplacé par BREMER. A en croire ses récentes
déclarations, GARNER n´a toujours pas compris le projet et ce qui se jouait
au moment de son débarquement et il se plaint du désintérêt de l´équipe BUSH,
CONDOLEEZA RICE en tête, pour les strictes nécessités militaires de l´occupation.
Or le projet est simple : il s´agit de mettre à profit le vide politique total
et de l´effet de choc des bombardements et de l´invasion de faire en quelques
semaines en Irak ce que le FMI, la Banque mondiale et l´OMC mettent des années
à imposer laborieusement en Afrique ou en Amérique Latine, c'est-à-dire fabriquer
en quelques semaines un Etat minimal laissant libre cours à tous les mécanismes
du marché et libre accès aux capitaux et aux entreprises transnationales extérieures,
bref de faire de l´Irak le modèle de l´Etat néo-libéral. Pour cela BREMER
va agir avec autant de rapidité que de brutalité, étendant à la gestion de
l´économie le slogan des militaires " SHOCK AND AWE " (choc et
Qu´on en juge :
Simultanément, pour ouvrir
la porte aux milices privées et autres sociétés de surveillance BREMER dissout
l´armée irakienne. BREMER, qui veut sa part du pillage, a lui-même créé après
le 11 Septembre 2001 une entreprise " CRISIS CONSULTING GROUP " dont le métier
est de conseiller les multinationales qui veulent prendre pied sur un marché
" neuf ". Il a deux associés : THOMAS FOLEY et MICHAEL FLEISCHER, deux millionnaires
amis des BUSH. (MICHAEL FLEISCHER est le frère de l´ancien porte-parole de
la Maison Blanche ARI FLEISCHER).
Pour mettre en oeuvre cette politique de capitalisme sauvage, BREMER s´entoure
de spécialistes comme le russe EGON GAIDAR qui a fait le même travail en Russie
pour ELTSINE, comme le polonais MAREK BELKA ancien ministre des finances polonais
qui a organisé la privatisation de l´économie nationale et de jeunes loups
néoconservateurs, militants du Parti Républicain, bourrés d´idéologie et dépourvus
d´expérience professionnelle et.... de complexes.
Ainsi SCOTT ERWIN qui devient le directeur financier des forces de sécurité
irakiennes en cours de recrutement a 21 ans, sort de l´université et a pour
seule expérience professionnelle la conduite d´un camion de glaces. JAY HALLEN,
24 ans, est chargé de mettre en place la nouvelle bourse de Bagdad.
Les résultats ne vont pas être exactement ceux attendus...
Les 500000 licenciés et leurs familles confrontés à un chômage dramatique,
s´ils ont pu un temps être satisfaits de la chute de la dictature sont réduits
à la misère et en viennent assez vite à se dire que plutôt que de mourir de
faim, mieux vaut mourir les armes à la main contre l´envahisseur.
Les militaires démobilisés vont assez vite avoir tendance à utiliser leurs
compétences sous le drapeau de la résistance. Les membres du parti BAAS, interdit
par BREMER, qui n´étaient pas tous des suppôts de SADDAM HUSSEIN mais pour
occuper un emploi public , il fallait la carte, vont adhérer à d´autres structures.
Les entreprises locales qui auraient pu participer à la reconstruction et
à la reprise économique sont systématiquement écartées au profit de fournisseurs
étrangers choisis directement par l´équipe BREMER.
Exemple : au lieu de faire travailler les cimenteries irakiennes qui étaient
nombreuses et satisfaisaient les besoins du marché national, BREMER achète
du ciment en Turquie, le paye cher et grève son prix de frais de transport
et de protection qui vont augmenter au rythme des attentats. Résultat : les
responsables des cimenteries irakiennes, voire leur personnel, qui auraient
pu adopter une attitude conciliante vis-à-vis de l´occupant, sont mécontents
et assez vite cette catégorie sociale va basculer du côté de la résistance.
NAOMI KLEIN n´hésite pas à dire que ces bourgeois irakiens à défaut de passer
à la clandestinité se sont mis à financer la résistance.
Les investisseurs étrangers ne se jettent pas sur les entreprises irakiennes
car BREMER et ses patrons se sont fait piéger par l´ONU. En effet, la résolution
1468 qui reconnaît aux USA et à la Grande-Bretagne le statut de puissances
occupantes a une conséquence très précise en droit international : la puissance
occupante ne peut qu´administrer le pays occupé, elle ne peut pas s´approprier
ses biens. Les investisseurs, au moins ceux de grande taille et bien structurés
savent donc que s´ils rachètent, même à vil prix, une entreprise publique
irakienne ils risquent un jour de se retrouver devant un tribunal pour avoir
spolié illégalement l´Etat irakien. Que l´administration BUSH s´assoie sur
le droit international est une chose, mais les grandes entreprises capitalistes
ne sont pas si imprudentes et pendant des mois les réunions organisées par
l´équipe BREMER sur le thème " Investissez en Irak " vont être autant de bides.
Pour sortir de ce régime juridique d´occupation il faut donc au plus vite
installer un gouvernement, fut-il provisoire et fantoche. D´où la précipitation
à mettre en place le 01 Juillet 2004 le gouvernement intérimaire.
Mais à cette date l´échec du rêve néolibéral est déjà si perceptible que Washington
change les hommes. AHMED CHALABI, l´affairiste escroc qui était le principal
avocat du projet néolibéral est écarté au profit d´IYAD ALLAWI , ancien agent
de la CIA, lui-même contrôlé par le nouvel ambassadeur NEGROPONTE, spécialiste
de la contre-insurrection et organisateur des escadrons de la mort en Amérique
Latine. L´objectif prioritaire a changé : il s´agit de briser la résistance
et de s´installer dans la guerre. En effet, la résistance a progressé, s´est
organisée et il faut ranger au magasin des utopies l´Irak archétype de l´économie
de marché libre (lisez sauvage). La guerre soi-disant achevée le 01 Mai 2003,
s´installe durablement. Le capital transnational ne s´est aucunement impliqué
dans la reconstruction d´une économie irakienne et s´est limité à une activité
de rapine, de racket et de surfacturation, à une économie de hold-up "on prend
l´oseille et on se tire".
Ce qui se joue désormais c´est désormais la transformation de l´envahisseur
à l´aise dans tous ses mouvements et activités sur la totalité du territoire
en puissance assiégée. La zone verte de Bagdad où se trouvent rassemblés les
centres de décision : ambassade US, Etat-major militaire, sièges des entreprises
pillardes est le symbole de ce renversement de situation. Progressivement
toutes les structures collaborant avec l´occupant y compris la nouvelle police
irakienne sont contraintes de se barricader derrière des murs de béton, des
réseaux de vidéosurveillance car, bien que préparée par l´anesthésie de 15
ans d´embargo, la greffe brutale de la "démocratie en kit" est en cours de
rejet.
Sur le plan militaire, l´armée US qui court trop de dangers au sol est en
train de se réinstaller dans une guerre à la vietnamienne où l´hélicoptère
de combat est l´arme privilégiée et où la maîtrise totale du ciel est destinée
à compenser les difficultés du combat au sol. Un des régiments de cavalerie
spécialisé compte aujourd´hui une centaine d´hélicoptères de combat, chiffre
qui n´a jamais été atteint au Vietnam. Le commandant des Marines chargé de
réduire la résistance à néant à Fallujah, ce qui veut dire qu´il a carte blanche
pour réduire à néant Fallujah, a, dans un discours à ses troupes, comparé
Fallujah à Hué au Vietnam où la même " réduction " a été effectuée. La résistance
sait donc qu´elle doit maintenant se procurer des missiles Sol-air.
On comprend mieux l´absence de divergence entre BUSH et KERRY sur ce point.
La première puissance militaire mondiale ne parvient pas à écraser la résistance
irakienne, mais il est inconcevable de l´admettre et la guerre va s´intensifier.
L´économie irakienne au sens d´une économie nationale est aujourd´hui
un concept dénué de sens.
Bolivie : comment fonctionne
l´empire
Traduction COMAGUER de l´hebdomadaire italien " CARTA " n° 38 automnes 2003
Cet article de GUSTAVO GUZMAN n´a pas été publié en Bolivie car le journal
où il devait paraître a été interdit par le gouvernement au moment de l´insurrection
d´Octobre 2003.
Gonzalo Sanchez de Losada est encore président, mais c´est un président fictif si l´on observe la colère populaire, un président en habit mortuaire et en termes politiques un président sans vice président. Sanchez de Losada est un président qui, en termes de pouvoir réel, survit grâce à l´appui de l´ambassade des USA et d´une sorte de commandement US qui a pris le contrôle des " forces armées de la nation ".
L´ambassade US en Bolivie a non seulement organisé le " soutien inconditionnel " au Président fictif elle a non seulement fait appel aux médias " au nom de la démocratie ", mais encore elle prend une part active aux évènements avec quatre hommes qui opèrent dans le pays : trois à l´intérieur de l´état-major de l´armée, à la grande caserne de MIraflores, et un à l´ambassade même avenue Arce. Le véritable pouvoir qui soutient Sanchez de Losada et ses alliés vacillants est à l´ambassade.
Un des trois hommes qui opèrent à la caserne de Miraflores est une sorte de coordinateur politico-militaire qui s´occupe de collecter et de " traiter " les informations destinées à l´armée bolivienne et surtout à l´ambassade.
Le second de ces militaires s´occupe de la coordination entre les trois armes, c´est de lui par exemple qu'est venue l´idée d´utiliser " les soldats des terres basses " à El Alto.
(NDT : El Alto est le quartier haut de la capitale La Paz, le coeur de l´insurrection, car, contrairement à une topologie classique la ville basse est le quartier bourgeois et la ville haute le quartier populaire et donc l´armée a déployé dans les quartiers populaires des soldats stationnés dans d´autres secteurs ce qui limitait les risques de fraternisation entre les émeutiers et la troupe).
Le troisième s´occupe de ce que les militaires appellent la logistique : approvisionnement en munitions et en nourriture des troupes boliviennes qui sont placées sous ses ordres (les fournitures US arrivent dans des avions-cargos Hercules, directement de Miami).
Le quatrième homme opère à l´ambassade de l´avenue Arce, c´est l´attaché militaire. Il est en contact direct avec le Ministre de la défense bolivien Carlos Sanchez Berzain, le lien entre l´ambassade et el Palais présidentiel où vit et " gouverne " le Président.
Cette description clinique d´un système de double commande illustre le mode de fonctionnement de l´empire. Il s´agit d´un contrôle à faible coût en plaçant, avec la complicité des dirigeants locaux, quelques hommes dans les centres nerveux de la violence d´Etat. Il y manque juste la description, postérieure à la rédaction de l´article, de l´exfiltration, organisée par le même quarteron, du président contesté vers Miami, paradis des dictateurs déchus.
La citation de la semaine
En 1966, l´écrivain japonais Masuji Ibuse publiait " PLUIE NOIRE " un récit
précis, implacable de la catastrophe d´Hiroshima à travers une fiction romanesque.
Le cinéaste japonais Shohei Imamura a porté ce roman à l´écran et la traduction
française de ce roman vient d´être rééditée en livre de poche (Folio).
" J´ai vu une boule de lumière si forte qu´elle m´a aveuglé : tout est aussitôt devenu noir, je n´ai plus rien vu. J´ai eu l´impression d´être soudain enveloppé par une espèce de rideau noir. "
" Du centre de la ville à peu prés, une énorme trombe de flammes perçait le ciel, une immense colonne de feu. "
" A ce qu´ils disaient, il était tombé sur Hiroshima un engin extrêmement puissant qu´on appelait " bombe spéciale de qualité supérieure " ; le tiers des habitants, y compris les militaires, avaient péri sur le coup ; quant aux deux autres tiers, une moitié était grièvement blessée et, dans l´autre, il n´y avait personne qui fût totalement indemne. Toutes les maisons avaient brûlé. "
Caucase et constitutions
soviétiques
Dans notre bulletin n° 110 nous avons évoqué sans
rentrer dans le détail la façon dont s´était organisée l´URSS pour tenir compte
de l´extrême diversité de ses composantes. Des lecteurs nous ayant demandé
des précisions, en voici quelques unes.
Plusieurs constitutions se sont succédées chacune reflétant à la fois l´état
interne de la société soviétique et l´état du monde alentour. Les plus intéressantes
du point de vue de la recherche d´un équilibre entre le pouvoir central et
les républiques sont celles de 1918 et 1924.
. La plus intéressante du point de vue de la recherche d´un équilibre entre
le pouvoir central et les républiques est celle de 1918 qui sera complétée
en 1924 pour tenir compte de la création des républiques socialistes nouvelles
d´Ukraine, de Russie Blanche (aujourd´hui BELARUS) et de TRANSCAUCASIE qui
réunira brièvement sous un seul drapeau l´AZERBAIDJAN, l´ARMENIE et la GEORGIE.
Cette constitution reconnaît les spécificités nationales et le droit à chaque
république de quitter l´Union. Quelques citations de la Constitution de 1918
qui régissait la seule République Socialiste Fédérative de Russie (texte intégral
en anglais sur www.publicforum.org)
Article 11 : Les soviets des régions avec un mode de vie différent et une composition nationale peuvent se rassembler en unions régionales autonomes à la tête desquelles, comme à la tête de toutes les unions régionales qui pourraient éventuellement être formées, sont installés des congrès de soviets et leurs exécutifs.
Article 13 : Afin de garantir la liberté de conscience du peuple travailleur, l´église est séparée de l´Etat et l´école de l´église et la liberté de propagande religieuse et anti-religieuse (c´est nous qui soulignons) est reconnue à tous les citoyens.
Article 22 : La République Socialiste Fédérative de Russie, reconnaissant l´égalité des droits de tous les citoyens sans considération de race ou de nationalité, déclare l´établissement ou la tolérance sur ces bases de tout privilège ou avantage ou l´oppression de toute minorité nationale ou de restriction de ses droits, comme contrevenant aux lois fondamentales de la République.
La constitution de 1924 créera deux organes délibérant l´un représentant proportionnellement la population des républiques et l´autre le Conseil des nationalités accordant un nombre égal d´élus quel que soit l´effectif de la population concernée.