Semaine 17- 2004
Le sionisme : un projet politique explicite et sans changement
LE SIONISME COMME PROJET
POLITIQUE
Depuis la création de l'Etat d'Israël, les dirigeants, qu'ils soient de gauche
ou de droite, ont toujours exprimé avec beaucoup de clarté leur projet. Il
suffit pour s'en convaincre de lire les propos tenus par les premiers ministres
successifs. Ils montrent à la fois une grande continuité dans la pensée et
une évolution de la situation sur le terrain.
DAVID BEN GOURION Premier
Ministre 49-54 et 55-63
"Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place" (1937 - Ben Gourion
et les Arabes palestiniens - Oxford University Press 1985)
"Ne nous cachons pas à nous-mêmes la vérité. Politiquement nous sommes
les agresseurs et ils se défendent. Ce pays est le leur, parce qu'ils y habitent,
alors que nous venons pour nous y installer et de leur point de vue nous voulons
les chasser de leur propre pays." (Dans un discours de 1938 cité dans
"Le Sionisme et les palestiniens " de Simha Flapan)
Nous devons utiliser la terreur, l'assassinat, l'intimidation la confiscation
des terres et la suppression des services sociaux pour débarrasser la Galilée
de sa population arabe." (Mai 48 - Ben Gourion, une biographie, de Michael
Ben-Zohar, Delacorte, New-York 1978)
" Il y a eu l'antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce
leur faute ? Ils ne voient qu'une chose, nous sommes venus et nous leur avons
volé leur pays. Pourquoi l'accepterait-il ?" (Cité par Nahum Goldmann
dans le Paradoxe juif)
"Des villages juifs ont été construits à la place de villages arabes.
Vous ne connaissez même pas les noms de ces villages arabes et je ne vous
le reproche pas parce que les livres de géographie n'existent plus. Non seulement
les livres n'existent plus mais les villages arabes non plus. Nahlal a été
bâti à la place de Mahlul, le kibboutz Gvat à la place de Jibta, le kibboutz
Sarid à la place de Huneifis et Kafar Yehushua à la place de Tal al Shuman.
Il n'y a pas u n seul espace bâti dans ce pays où il n'y avait pas auparavant
une population arabe." (Dans le Paradoxe juif - Weidenfeld et Nicolson-
1978)
" Si je savais qu'il était possible de sauver tous les enfants d'Allemagne
en les transportant en Angleterre ou seulement la moitié d'entre eux en les
transférant sur la terre d'Israël, je choisirais la seconde solution, car
ce à quoi nous sommes confrontés n'est pas seulement le nombre de ces enfants
mais la renaissance historique du peuple d'Israël" (Dans " Ben Gourion
" de Shabtai Teveth)
GOLDA MEIR Premier
Ministre 69-74
" Il n'y a pas quelque chose comme le peuple palestinien... Ce n'est
pas comme si nous arrivions et les chassions de leur propre pays. Ils n'existent
pas !" (Sunday Times - 15 Juin 1969)
"Comment pouvons-nous rendre les territoires occupés ? Il n'y a personne
à qui les rendre !" (8 Mars 1969)
"Quiconque s'exprime en faveur du retour des réfugiés arabes doit aussi
dire comment il envisage de prendre cette responsabilité, s'il est intéressé
par l'Etat d'Israël. Mieux vaut que les choses soient dites clairement et
pleinement : " Nous ne laisserons pas faire ça !"" (Discours devant
la Knesset - 1961)
" Ce pays existe comme accomplissement d'une promesse de Dieu lui-même.
Il serait ridicule d'en demander la légitimité." (Le Monde - 15 Octobre
1971)
YITZHAK RABIN Premier
Ministre 74-77 et 92-95
" Nous sommes sortis et Ben Gourion nous accompagnait. Allon répétait sa question
" Que faut-il faire de la population palestinienne ? " Ben Gourion fit un
geste de la main " Mettons les dehors ! "" (Mémoires de Rabin - New york
Times - 23 Octobre 1979)
"Dans les 10 ou 20 ans qui viennent, Israël va créer les conditions qui devraient
susciter l'émigration des réfugiés de la bande de Gaza et de la rive Ouest
du Jourdain. Pour y parvenir nous devons trouver un accord avec le roi Hussein
et pas avec Yasser Arafat" (New York Times 4 Avril 83)
MENAHEM BEGIN Premier
Ministre 77-83
"Les palestiniens sont des bêtes marchant sur deux jambes." (Amnon Kapeliouk
" Begin et les bêtes " New Statesman - 25 juin 82)
"Le partage de la Palestine est illégal. Il ne sera jamais reconnu. Jérusalem
était et sera pour toujours notre capitale. Le grand Israël sera restauré
et rendu au peule d'Israël." (Begin commentant le vote d'une résolution de
l'Assemblée générale des Nations Unies)
YIZHAK SHAMIR Premier
Ministre 83-84 et 86-92
"Les précédents dirigeants de notre mouvement nous ont laissé le message clair
de conserver le grand Israel de la mer au Jourdain pour l'immigration juive
et pour le peuple juif qui se rassemblera en totalité sur cette terre." (Novembre
90- commémoration des anciens dirigeants du Likoud)
"La colonisation de la terre d'Israël est l'essence du sionisme. Sans colonisation
nous ne réussirons pas le sionisme. C'est aussi simple que ça !" (Interview
dans Maariv - 21 Février 97)
" Les palestiniens devraient être écrasés comme des sauterelles ... leurs
têtes écrasées contre les murs." (New York Times - 1 Avril 88)
BENJAMIN NETANYAHU
Premier Ministre 96-99
"Israël aurait du exploiter la répression des manifestations en Chine, quand
l'attention du monde était concentrée sur ce pays, pour mettre en œuvre des
expulsions massives d'arabes des territoires occupés. " (Devant les étudiants
de L'université de Bar Ilan - dans Hotam - 24 Novembre 89)
EHUD BARAK Premier
Ministre 1999-2001
"Les Palestiniens sont comme des crocodiles. Plus vous leur donnez de viande,
plus ils en veulent..." (Jérusalem Post - 30 août 2000)
"Si nous pensions qu'au lieu de 200 morts palestiniens, 2000 morts amènerait
à la fin de la lutte nous frapperions plus fort" (Associated Press- 16 Novembre
2000)
A une question posée par un journaliste de Haaretz "si vous étiez né palestinien,
qu'auriez vous fait ?" il répond "J'aurais rejoint une organisation terroriste"
ARIEL SHARON Premier
Ministre 2001 ....
"Il appartient aux dirigeants d'expliquer à l'opinion publique, avec clarté
et courage, un certain nombre de faits que l'on oublie avec le temps. Le premier
est qu'il n'y a ni Sionisme, ni colonisation ni Etat juif sans l'éviction
des arabes et sans l'expropriation de leurs terres" (Ariel Sharon s'adressant
aux militants du parti d'extrême-droite, Tsomet, 15 Novembre 98- rapporté
par AFP)
"Tout le monde doit bouger, courir et s'emparer des collines palestiniennes
pour pouvoir agrandir les colonies parce que tout ce que nous prenons maintenant
restera nôtre. Tout ce que nous n'accaparons pas leur restera." (Même occasion
que le précédent)
"Chaque fois que nous faisons quelques chose, vous me dites que l'Amérique
fera ceci.. ou fera cela ... Je vais vous dire une chose très claire : Nous,
peuple juif, contrôlons l'Amérique et les Américains le savent." (Ariel Sharon
répond à Shimon Pères le 3 Octobre 2001 sur Kol Yisrael Radio)
"Israël a le droit de faire des procès aux autres, mais il est certain que
personne n'a le droit de faire un procès au peuple juif et à l'Etat d'Israël"
(Ariel Sharon le 25 Mars 2001 sur BBC news on line)
La continuité est visible mais l'évolution du langage aussi. Ainsi, Ben Gourion peut-il, avant la création de l'Etat, reconnaître avec une froide lucidité qu'il s'agit de mettre à la porte les Palestiniens lesquels n'ont aucune responsabilité dans le malheur du peuple juif. Il laisse donc entendre, sans que cela n'entame en rien sa détermination, que l'affaire sera délicate, mais il ne diabolise pas les palestiniens. Ses successeurs, confrontés eux à la difficulté réelle de l'expulsion, basculent assez vite dans le discours raciste (Begin, l'ancien terroriste, sans doute le plus dangereux de tous) ou carrément dans la paranoïa (dernière citation de Sharon).
Bolivie : La guerre
du gaz continue
La fuite/démission du Président bolivien Sanchez de Losada en Octobre 2003
n'aura été qu'un bref répit dans l'affrontement entre le mouvement populaire
et l'oligarchie au service des multinationales. Le nouveau président Carlos
Mesa mis en place conformément à la constitution pour calmer le jeu après
l'insurrection matée dans le sang par l'armée et la police (une centaine de
morts) est comme son prédécesseur soumis à de fortes pressions extérieures
à la fois politiques et économiques.
Les données sont simples (voire notre bulletin n° 75)
: d'importantes ressources en gaz naturel dans la partie Est du pays, une
législation très favorable aux compagnies pétrolières étrangères et la fringale
énergétique des pays riches. Les projets combattus à l'automne 2003 consistaient
à exporter le gaz bolivien aux Etats-Unis en traversant le territoire chilien
qui sépare la Bolivie de l'Océan Pacifique. Profitant du passage d'un important
gazoduc à construire, le Chili aurait acheté pour ses besoins propres une
partie du gaz et le reste aurait été liquéfié et transporté sur des méthaniers
vers les Etats-Unis. Le Chili aurait en outre encaissé des droits de passage
pour ce gazoduc.Le groupe BP/AMOCO (anglo/étasunien) était à la tête de ce
vaste projet.
Profitant du blocage du dossier, un de ses concurrents le groupe espagnol
REPSOL, a proposé une alternative. REPSOL, qui a racheté l'entreprise pétrolière
nationale argentine au moment de sa privatisation, est en effet très présent
dans cette partie de l'Amérique Latine. Le scénario, qui instaurerait une
sorte de commerce triangulaire du gaz dans la région, est le suivant : le
gaz bolivien serait vendu à l'Argentine très proche ( les gisements sont à
une cinquantaine de kilomètres de la frontière) et l'Argentine vendrait du
gaz argentin exploité plus au Sud au Chili (le gazoduc existe déjà mais les
besoins du Chili augmentent). Il serait d'ailleurs plus exact de dire : REPSOL
BOLIVIE vendrait du gaz à REPSOL ARGENTINE qui en vendrait de son côté à REPSOL
CHILI. Cette solution, imaginée par REPSOL, ne plait pas à tout le monde :
pas aux pétroliers concurrents voulant vendre aux Etats-Unis, pas au Chili
qui, certes recevrait du gaz, mais perdrait les avantages du transit du gaz
et de l'activité industrielle et portuaire liée aux exportations de gaz liquéfié
et pas au mouvement populaire bolivien qui rappelle que les doivent être tenus
les trois engagements pris par le Président Mesa après les émeutes d'octobre
2003, à savoir :
Tous les éléments d'un nouveau clash sont donc réunis :
Une évidence :
Or précisément, Mesa,
qui tente de sauver le régime bolivien, vient de fixer au 18 Juillet la date
du référendum et de conclure avec le Président argentin Kirchner l'accord
qui entérine le projet REPSOL, que les deux présidents essaient de présenter
comme un accord typiquement " latino " alternatif au projet " yankee/chilien
".
Face à cet inacceptable, les Etats-Unis font leur travail habituel : ils préparent
un coup d'Etat. Ils ont déjà trouvé un général putschiste mais celui-ci a
été découvert et désavoué par la majorité de l'etat-major qui reste (pour
combien de temps ?) légaliste. Leur travail clandestin est surveillé de prés
par l'opposition parlementaire au gouvernement, ce qui rend son avancée plus
délicate que prévue. Mais les Etats-Unis qui, toujours selon les sources de
l'opposition parlementaire, sont appuyés par les services secrets chiliens
et israéliens présents sur place, gardent plusieurs fers au feu et pourraient
tenter de susciter une opposition politique, y compris en divisant les forces
d'opposition, sans avoir recours au putsch militaire. Ainsi une démission
de Mesa créerait un vide constitutionnel puisque cette fois il n'y aurait
plus de vice-président de remplacement et ce vide serait comblé, sous menace
de putsch, par un arrangement qui placerait au pouvoir un homme tout dévoué
aux intérêts des Etats-Unis.
Ces jeux souterrains, dont la description nécessiterait de plus longs développements,
vont s'intensifier à l'approche du référendum de Juillet et la crise du gaz
approche probablement de son point culminant.
Birmanie/Myanmar :
Bientôt la démocratie !
Même si, de temps en temps, les grands médias donnaient des nouvelles de la
birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix toujours en vie malgré la
répression, et rappelaient ainsi le maintien au pouvoir d'une junte militaire
impitoyable, le pays, un des plus secrets du monde, ne semblait pas susciter
beaucoup d'intérêt chez les puissants. Cela pourrait changer. En effet et
presque simultanément deux ténors de la politique étrangère des Etats-Unis
: la démocrate Madeleine Albright dune côté et le sénateur républicain Mac
Caine de l'autre (il est moins connu mais il était le concurrent de Bush au
sein du parti pour les présidentielles de 200, ce qui indique son poids financier
et politique) viennent de se faire les chantres de la " démocratie " en Birmanie.
Pas besoin d'être irakien pour comprendre le message. Le renversement du régime
birman est en préparation. Pourquoi ?
Deux raisons :
Georgie : la Russie
toujours très présente
Le conseiller spécial à la sécurité du Président Poutine, l'ancien ministre
des Affaires étrangères Ivanov est venu lui-même chercher le Président de
l'Adjarie dissidente, Abashidze, et l'a conduit à Moscou jouant l'apaisement
dans un conflit qui menaçait de devenir sanglant entre le gouvernement de
Georgie et la province rebelle. La Russie a ainsi permis le rétablissement
de l'ordre pétrolier régional : le port adjarien de Batoumi peut continuer
à expédier le pétrole venu de la Caspienne (lequel arrive aujourd'hui par
le train) et les travaux de construction du pipeline BTC (Bakou, Tbilissi,
Ceyhan) conduits par BP/AMOCO et soutenus par les Etats-Unis, peuvent se poursuivre
tranquillement sur le territoire géorgien. Nul doute qu'en contrepartie la
question des bases militaires russes en Georgie va être mise en sourdine.
Onze Septembre : l'enquête
tient ses promesses : elle restera superficielle
La commission d'enquête parlementaire sur les attentats du 11 Septembre poursuit
ses travaux aux Etats-Unis. L'équipe Bush, après avoir un moment hésité à
répondre aux convocations s'est finalement pliée à la discipline démocratique.
Il lui était difficile de faire autrement en année électorale.Les procès-verbaux
des audiences, elles-mêmes publiques, sont disponibles sur Internet et instructifs.Seuls
Bush et Cheney ont échappé à l'audience publique. Ils ont par contre " accordé
un rendez-vous " privé aux membres de la commission, rendez-vous dont aucun
compte-rendu n'a été publié.
La commission compte dix membres : 5 démocrates et 5 républicains, tous ardents
supporters de la guerre en Irak et membres de l'aristocratie financière des
Etats-Unis. Le débat est centré sur la question suivante " Le gouvernement,
largement alerté et de diverses sources sur la préparation d'attentats et
de détournement d'avions sur le territoire des Etats-Unis, a-t-il pris toutes
les mesures nécessaires et possibles pour les prévenir ? " (On sait que 70
familles de victimes des attentats ont entamé des procédures contre le gouvernement
pour négligence dans la protection des citoyens.)
Pas question de sortir de ce cadre. Ainsi, lorsque Richard Clarke, ancien
responsable national de la lutte anti-terroriste (qui était encore en poste
en 2001 auprès de Bush) déclare que le gouvernement qu'il voulait alerter
sur les risques d'attentats pendant l'été 2001 ne s'intéressait qu'à l'Irak,
le Vice-président de la Commission, Lee Hamilton, déclare que la commission
n'est pas mandatée pour enquêter sur la question irakienne et le débat est
clos.
D'autres exemples d'étouffement :
Un des membres de la commission,
Bob Kerrey, démocrate, ancien sénateur du Nebraska, condamné pour crime de
guerre au Vietnam, conclura à sa façon :" Le gouvernement est resté les bras
croisés au lieu d'être en alerte. "
Il exprime ainsi clairement le choix de la commission qui est celui de la
classe dirigeante US dans son ensemble car elle sait que sa légitimité est
en cause :
"Il y a eu négligence, pas complicité
!" SOLIDARITE DE CLASSE ENTRE CRIMINELS DE GUERRE
Pétition
Une pétition pour la libération de l'Irak que nous remettrons au consulat
des Etats-Unis à Marseille était jointe à notre bulletin n° 94.Il est encore
temps de la signer et de la faire signer et de nous la renvoyer (chez Mille
Bâbords 61 rue Consolat 13001 Marseille)
Un signataire a accompagné sa signature d'un commentaire qui mérite d'être
cité :
"J'espère du fond du cœur qu'il
n'y ait plus de violence dans le monde car tout être humain a le droit de
vivre en paix. Il faut que le monde change, autrement j'ai bien peur qu'on
parte vers une catastrophe. Si les gouvernements veulent la guerre, alors
faisons un tournoi de boxe et laissons les se défouler mais laissez les innocents
tranquilles. Est-ce que l'or noir vaut plus que la couleur du sang ? Moi je
veux vivre dans un monde où toutes les origines se respectent et coexistent
ensemble."
L'idée du tournoi de boxe entre les chefs, version moderne du tournoi médiéval
ou du combat antique entre les Horaces et les Curiaces serait effectivement
une bonne façon de mettre un terme à ces guerres contemporaines où il meurt
de dix à cent fois plus de civils que de militaires et aucun dirigeant.
La Citation de la semaine
De Greg Thielman, un des 53 anciens diplomates étasuniens qui viennent
de rédiger une lettre ouverte qui sera adressée à Bush fin Mai et dans laquelle
ils déclarent que sa politique fait perdre aux Etats-Unis "crédibilité, prestige
et amitié". Faisant référence à la fameuse phrase du Candide de Voltaire,
Greg Thielman a déclaré à la BBC : "Nous allons avoir le pire des mondes possible
!"
Sans partager un tel pessimisme, on ne peut manquer de relever le désarroi
politique au sein de l'establishment étasunien que traduit semblable affirmation.